Raviver l’art du brocart des Hauts Plateaux du Centre face à la modernité

Dans un hameau reculé de la province de Lam Dong, dans les Hauts Plateaux du Centre du Vietnam, alors même que les marques de la modernité s’infiltrent discrètement dans chaque foyer, une jeune H’Mông continue, patiemment, à coudre et broder, perpétuant les traditions du brocart ancestral.

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Les mains habiles de Giang Thi Pang tissent des vêtements empreints d’une forte identité H’Mông. Photo : Xuan Son

Les Hauts Plateaux du Centre, réputés non seulement pour leurs paysages grandioses, sont aussi le berceau d’un riche patrimoine culturel issu des nombreuses ethnies qui y vivent. Parmi les trésors à préserver figure l’art du tissage du brocart, notamment la confection des costumes traditionnels H’Mông, véritable symbole d’identité culturelle, mémoire vivante transmise à travers chaque fil et chaque point de couture. L’histoire de Giang Thi Pang, une jeune femme de 23 ans vivant dans le hameau 5, commune de Ro Men (province de Lam Dong), illustre de façon éloquente cette volonté de préserver et revitaliser un héritage précieux.

Bien plus qu’un moyen de subsistance

Giang Thi Pang s’est lancée dans la couture de costumes traditionnels H’Mông il y a un an. Contrairement à beaucoup de jeunes qui quittent le village pour chercher fortune en ville, Pang a choisi de revenir chez elle, auprès des métiers à tisser, des aiguilles et des motifs brocart qui ont bercé son enfance.

Elle confie que l’apprentissage ne lui a pas semblé difficile, car « c’est un métier que j’aime », et, bien que ses parents aient d’abord été réticents, elle a pu compter sur le soutien de ses deux sœurs, en particulier de la troisième, qui confectionnait déjà elle-même ses habits traditionnels à la maison. Grâce à elles, Pang a décidé de poursuivre sa passion.

Les costumes H’Mông qu’elle réalise témoignent d’un savoir-faire méticuleux, ornés de motifs complexes et de perles finement cousues. Selon leur complexité, un ensemble peut nécessiter de un à quatre jours de travail. Si les commandes ne sont pas régulières, chaque pièce vendue lui permet néanmoins d’assurer un revenu stable.

Ce qui force le respect chez Pàng, c’est qu’elle ne travaille pas seulement pour vivre, mais aussi pour instaurer un lien de confiance avec les clients. « Dans mon hameau, beaucoup commandent en ligne, mais ont peur d’être arnaqués, alors je préfère coudre moi-même. Ceux qui le souhaitent peuvent venir voir sur place, et acheter s’ils aiment », explique-t-elle. Une pensée simple, mais révélatrice de son désir de valoriser l’artisanat traditionnel, fait avec soin et passion par les membres mêmes de la communauté.

Un souffle de renouveau

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Les vêtements H’Mông réalisés par Giang Thi Pang expriment une grande finesse dans les motifs et l’ornementation. Photo : Xuan Son

Pourtant, préserver et développer cet artisanat n’est pas sans obstacle. Mme Nguyen Thi Trang, présidente de l’Union des femmes de la commune de Ro Men, reconnaît que, bien qu’un groupe de broderie réunissant 16 femmes soit encore actif dans le hameau, la plupart ne peuvent y consacrer que leur temps libre.

Les difficultés économiques, le manque de débouchés et le déséquilibre entre l’effort fourni et le revenu généré découragent beaucoup d’entre elles.

Pour répondre à ces défis, les autorités locales ont mis en place plusieurs mesures concrètes. L’Union des femmes a encouragé la création d’un groupe féminin dédié à la broderie, favorisé la transmission intergénérationnelle des savoir-faire, et aidé les artisanes à accéder au numérique pour promouvoir leurs créations en ligne.

En parallèle, le développement d’un tourisme écologique intégré à la découverte des traditions culturelles est également envisagé. Bien que le hameau 5 ne bénéficie pas d’une situation géographique aussi favorable que d’autres localités, sa richesse culturelle — dont le brocart, les règlements communautaires et les fêtes traditionnelles — constitue une ressource unique pour attirer les visiteurs.

Un point positif : les fêtes traditionnelles continuent d’être célébrées chaque année, notamment à l’occasion du Têt. Des jeux populaires comme le jeu de la toupie, le tir à la corde ou le pousse-bâton renforcent la cohésion sociale tout en offrant une vitrine aux vêtements et produits en brocart.

Le parcours de Giang Thị Pang n’est pas seulement un fragment de la culture brocart des Hauts Plateaux ; il esquisse un tableau plus vaste : le patrimoine culturel ne saurait survivre sans l’engagement de la jeunesse. Dans une société en pleine mutation, les jeunes comme Pang, bien qu’encore rares, incarnent la flamme silencieuse qui préserve l’identité ethnique.

Ce n’est que lorsque la culture cesse d’être enfermée dans les vitrines pour s’épanouir dans la vie quotidienne, lorsque les jeunes la chérissent et la choisissent, que les couleurs du brocart des Hauts Plateaux du Centre pourront continuer à rayonner sur la terre rouge du basalte millénaire.

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