Préserver l’art populaire de la peinture de Dong Ho

Le patrimoine vietnamien affirme une fois de plus sa portée internationale lors que l’art traditionnel de la peinture populaire de Dong Ho (quartier Thuan Thanh, province de Bac Ninh, au Nord du Vietnam) a été inscrit par l’UNESCO sur la liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente.

La maître artisan émérite Nguyen Thi Oanh, liée à l’art de la peinture de Dong Ho depuis plus de 50 ans, incarne ce patrimoin culturel ancestral.
La maître artisan émérite Nguyen Thi Oanh, liée à l’art de la peinture de Dong Ho depuis plus de 50 ans, incarne ce patrimoin culturel ancestral.

Cette reconnaissance constitue une précieuse opportunité de promotion pour Bac Ninh. Cependant, elle ravive également la préoccupation de savoir comment sortir ce trésor national du statut de patrimoine en danger pour le conduire vers une préservation durable et une valorisation pérenne.

Un héritage vieux de plus de cinq siècles

L’affluence est particulièrement dense ces derniers jours dans le village de peintures populaires de Dong Ho. La joie suscitée par l’inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO se partage depuis les marchés matinaux jusqu’aux ruelles du village.

Mme Nguyen Thanh Huong, visiteuse originaire de Tu Son (Bac Ninh), confie : « En tant que fille de Bac Ninh, j’ai été très fière d’apprendre cette inscription. Je suis venue au plus vite découvrir le village. Ces peintures, comme Le Mariage des souris ou les diptyques Richesse et Prospérité, évoquent ma mémoire d’enfance, et j’ai pu mieux comprendre le processus de création des artisans. »

La peinture populaire de Dong Ho est un art gravé sur bois, relevant de l’artisanat traditionnel. Créée et développée par la communauté du village de Dong Ho à Thuan Thanh depuis plus de 500 ans, elle met en scène, à partir de planches minutieusement gravées et de couleurs entièrement naturelles, la vie paysanne, les coutumes locales et les aspirations du peuple vietnamien.

Grâce à sa valeur historique, culturelle et scientifique, ce métier avait déjà été classé au patrimoine culturel immatériel national en 2012 (première liste).

Maître artisan de la 21ᵉ génération, Nguyen Dang Tam, qui exerce cet art depuis 34 ans, se souvient avec émotion de l’annonce : « Cette inscription est une grande source d’encouragement pour nous et pour les jeunes générations. Mais les défis de la vie moderne exigent que nous préservions l’esprit même de ce métier – de la façon de peindre à l’usage des couleurs – tout en innovant pour que ces œuvres puissent toucher un public plus large. »

Le 9 décembre 2025, lors de la 20ᵉ session du Comité intergouvernemental pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel à New Delhi (Inde), l’art de la peinture populaire de Dong Ho a officiellement été inscrit sur la liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente. Ce succès est le fruit d’efforts constants des autorités locales, des spécialistes, des chercheurs et surtout de la communauté d’artisans qui ont préservé cette tradition dans les périodes les plus difficiles.

Des actions concrètes pour assurer l’avenir

Malgré cette fierté, la communauté des artisans de Dong Ho reste fragile : de dix‑sept familles artisanales naguère, seules trois continuent de pratiquer cet art avec passion. Sans un transfert effectif des compétences aux nouvelles générations et sans un renouveau de l’intérêt des jeunes pour cette pratique, cet héritage risquerait d’être figé dans les livres d’histoire et dans la mémoire collective.

Mai Son, vice‑président permanent du Comité populaire de la province de Bac Ninh, chef de la délégation vietnamienne à l’UNESCO, a déclaré : « Après l’inscription, la province mettra en œuvre un programme d’urgence pour sauvegarder l’art de la peinture de Dong Ho selon les engagements internationaux. Nous allons renforcer les réseaux d’artisans, organiser des formations pour les successeurs, et assurer la transmission du savoir-faire. »

Les mesures prévues incluent la restauration d’ateliers traditionnels, la création d’espaces d’exposition, l’amélioration des conditions de vie du village artisanal, et l’intégration de la conservation à des stratégies de tourisme culturel. Des politiques d’encouragement destinées aux jeunes seront également mises en place, afin d’assurer un avenir durable à cet art unique.

Selon M. Mai Son, « lorsque la communauté elle‑même devient actrice de la conservation, et que les jeunes prennent conscience de leur responsabilité envers ce patrimoine, alors la peinture populaire de Dong Ho pourra survivre durablement et continuer à enrichir la vie culturelle contemporaine. »

Dans un contexte où de nombreux habitants désertent les ateliers pour se tourner vers d’autres productions artisanales, l’inscription par l’UNESCO ne se contente pas de célébrer une beauté culturelle exceptionnelle. Elle constitue un appel solennel à la mobilisation de l’État, de la communauté et de la communauté internationale pour une conservation urgente, structurée et durable, afin que les couleurs patriotiques continuent à « éclore sur le papier doré » pour les générations futures.

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