Dans la croyance Jrai, le riz est un don sacré de Yang, la divinité suprême, omniprésente et invisible.
Par respect pour elle, la récolte du riz se fait sans que les grains soient coupés, battus ou séchés : ils sont égrenés à la main.
Pour les Jrai, mutiler la plante reviendrait à blesser Yang elle-même.
H’ Uyên Niê, vice-présidente de l’Association des femmes de la commune d’Ia Mo Nong, dans la province de Gia Lai, nous donne des explications.
« Selon la tradition Jrai, une femme doit savoir piler le riz, aller chercher du bois, puiser de l’eau et tisser les étoffes. Ces compétences sont essentielles pour espérer se marier. Tandis que les femmes préparent les repas, les hommes assument les travaux les plus exigeants physiquement », nous dit-elle.
Alors que les Kinh majoritaires utilisent divers outils tels que le moulin, le tamis ou le van, les Jrai se contentent d’un mortier, d’un pilon et d’un panier tressé.
Ces objets, compagnons de toute une vie, font partie intégrante du quotidien des femmes.
Lorsqu’une Jrai se marie et quitte la maison familiale, elle emporte avec elle un mortier et un pilon, éléments incontournables de sa dot.
Fabriqué à partir d’un tronc d’arbre massif évidé, le mortier est conçu pour durer.
Le pilon, quant à lui, est un bâton de bois lisse dont l’une des extrémités est plus large que l’autre, permettant d’alterner les mouvements de pilage.
Le processus de pilage est minutieux.
On commence par écraser légèrement les grains avec l’extrémité fine du pilon pour détacher leur enveloppe.
Ensuite, on utilise l’extrémité large pour enlever complètement le son et blanchir le riz.
Le geste doit être précis: frapper trop fort briserait les grains, trop doucement ne suffirait pas à les décortiquer.
Ro Cham Ha et Siu Thoi, deux femmes Jrai, nous en disent plus...
D’abord, on pile le riz pour retirer son enveloppe. Ensuite, on le tamise pour séparer le son.
Enfin, on le pile une deuxième fois pour obtenir un riz prêt à être consommé. En général, deux personnes se relaient.
Le choix du pilon dépend de leur force: les anciens préfèrent un modèle plus léger, tandis que les jeunes utilisent un pilon plus lourd. À chaque fois, on met environ 3 à 4 kg de riz dans le mortier», précise la première.
« À deux, on pile plus vite. Le mortier doit être taillé dans un bois dur et résistant, tout comme le pilon. Il faut environ deux heures pour piler 10 kg de riz. Les hommes savent piler, mais ils ne maîtrisent pas le tamisage, qui demande une grande finesse de geste », ajoute la seconde.
Après le pilage, vient l’étape du tamisage, réalisée avec une grande habileté. Les femmes Jrai utilisent un grand panier tressé, qu’elles secouent d’un geste expert pour séparer le son du riz.
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Les femmes Jrai tamisent le riz avec des paniers stressés. Photo : VOV. |
Les femmes se lèvent dès 4 heures du matin pour piler le riz. Après un premier pilage, elles tamisent, puis pilent une deuxième fois. C’est cette dernière étape qui donne un riz parfaitement propre. Le tamisage, lui aussi, se fait en deux temps.
Aujourd’hui, les machines ont allégé le labeur des femmes. Pourtant, à chaque saison de fête ou lors de l’accueil des visiteurs, le village se met à vibrer au son des pilons, tantôt cadencés, tantôt précipités, se mêlant aux gongs et aux percussions. Ce rythme ancestral résonne au cœur des Hauts Plateaux, porteur d’une tradition séculaire qui traverse le temps.