Sciences et technologies : moteurs indispensables de la restructuration économique vietnamienne

La restructuration économique vers l’industrialisation et la modernisation est considérée par le Parti et l’État vietnamiens comme une voie incontournable pour sortir rapidement du sous-développement et bâtir une nation moderne et prospère. À cette occasion, le Journal Nhân Dân s’est entretenu avec Mme Nguyen Thi Huong, directrice générale de l’Office général des statistiques, sur les réalisations et les défis de cette transition.
Mme Nguyen Thi Huong, directrice générale de l’Office général des statistiques.
Mme Nguyen Thi Huong, directrice générale de l’Office général des statistiques.

Des jalons marquants

Journaliste : Après près de 40 ans de Renouveau (Doi moi), le Vietnam a accompli des progrès notables en matière de développement socioéconomique. La restructuration économique a joué un rôle clé dans l’exploitation efficace des ressources nationales. Quels sont, selon vous, les succès et les limites de ce processus ?

Nguyen Thi Huong : La transition structurelle de l’économie vietnamienne a traversé plusieurs phases historiques, apportant des résultats significatifs.

Le plus remarquable est le maintien d’une croissance économique soutenue sur près de quatre décennies, avec un PIB moyen annuel en hausse de 6,67 %, plaçant le Vietnam parmi les économies à forte croissance dans la région et dans le monde.

La part du secteur agricole, sylvicole et halieutique dans le PIB a diminué rapidement, passant de 36,76 % en 1986 à 11,86 % en 2024.

Le secteur industriel et de la construction représentait 37,64 % du PIB en 2024, soit une augmentation de 12,9 points de pourcentage en près de 40 ans. Le secteur des services, quant à lui, a atteint 42,36 % du PIB, enregistrant une hausse de 13,18 points de pourcentage depuis 1986 et devenant le secteur dominant de l'économie.

Cette évolution a transformé la structure de l’emploi vers une industrialisation et une modernisation accrues, tout en modifiant la composition des exportations en faveur de produits manufacturés à forte valeur ajoutée.

Cependant, certaines limites subsistent. La part du secteur industriel et de la construction dans le PIB a augmenté de manière modérée. De plus, la structure économique du Vietnam reste en retard par rapport à certains pays de la région. Par exemple, la part actuelle du secteur agricole dans le PIB équivaut à celle de la Thaïlande en 2011, de la Malaisie en 1996, de la Chine en 2005 et de la République de Corée en 1984.

En outre, la part de l’industrie manufacturière dans le PIB reste faible, atteignant 24,43 % en 2024, soit une augmentation de seulement 5,46 points de pourcentage depuis 1986. Ce secteur est encore largement dominé par l’assemblage et la sous-traitance, avec une faible valeur ajoutée, principalement dans des entreprises à capitaux étrangers.

Quatre phases de transition

Journaliste : Quels sont, selon vous, les jalons clés de la transition structurelle de l’économie vietnamienne ?

Nguyen Thi Huong : La transition économique peut être divisée en quatre phases :

1986–1990 : Début du Renouveau avec des réformes vers une économie de marché, permettant de sortir progressivement de la crise socioéconomique. Cependant, la structure économique restait dominée par l’agriculture.

1991–2000 : Sortie de crise grâce aux réformes de 1986. La transition structurelle, bien que lente, a corrigé progressivement les déséquilibres hérités d’une économie centrée sur l’agriculture.

2001–2010 : Période de développement remarquable avec une croissance annuelle moyenne du PIB de 7,12 %. La structure économique s’est orientée vers l'industrialisation et la modernisation, avec une production davantage axée sur le marché.

2011–2024 : Transition vers une croissance qualitative, basée sur l’application des sciences, des technologies et de l'innovation. Le PIB a augmenté en moyenne de 6,09 % par an, avec une croissance notable dans les secteurs de l’industrie, de la construction et des services.

Accélérer le développement des services

Journaliste : La période 2011–2024 a vu une transition économique positive, mais avec une croissance moyenne du PIB inférieure à celle de la décennie précédente. Comment expliquez-vous cette différence ?

Nguyen Thi Huong : La période 2001–2010 a bénéficié de réformes majeures, telles que la promulgation de la Loi sur les entreprises en 2000 et la signature de l’accord commercial bilatéral avec les États-Unis en 2001. Ces mesures ont stimulé la production, les investissements et les exportations.

Le secteur des services a été restructuré pour améliorer sa qualité, avec des investissements dans les infrastructures et une diversification des offres. En conséquence, la croissance annuelle moyenne du PIB a atteint 7,12 %, et sa taille en 2010 était près de 4,5 fois supérieure à celle de 2000.

Cette période a marqué une double réussite : doubler la taille du PIB et sortir le pays du statut de nation sous-développée pour rejoindre les pays à revenu intermédiaire.

Entre 2011 et 2024, la structure économique a continué d’évoluer positivement, avec une prédominance du secteur des services, suivi de l’industrie et de la construction, puis de l’agriculture. Cependant, les proportions de ces secteurs dans le PIB ont peu varié au fil des ans.

Le Vietnam est devenu une économie industrielle compétitive à l’échelle mondiale, avec une industrie manufacturière en plein essor. Le secteur des services a également évolué, passant de services traditionnels à des services modernes, reflétant l’intégration du pays dans l’économie mondiale et la révolution industrielle 4.0.

Favoriser la science et la technologie

Journaliste : Quelles sont les solutions proposées par l’Office général des statistiques pour accélérer la restructuration économique et améliorer la compétitivité nationale ?

Nguyen Thi Huong : Pour une transition économique efficace et conforme aux exigences de l'intégration internationale, il est essentiel d’augmenter rapidement la part des secteurs industriel, de la construction et des services, tout en réduisant celle de l’agriculture. L’objectif est de moderniser l’économie et d’atteindre le statut de pays développé d’ici 2045.

Il est donc crucial de prioriser le développement des sciences et des technologies, en modernisant rapidement les secteurs clés. Le développement de technologies de pointe doit être encouragé pour en faire des secteurs stratégiques.

Le secteur des services doit être dynamisé, avec des politiques incitatives pour attirer les investissements dans des domaines à forte valeur ajoutée, tels que le tourisme, la logistique, l’aviation, les télécommunications, les technologies de l’information, l’éducation et la santé de qualité. L’objectif est de créer des centres de services et de tourisme de classe régionale et mondiale.

Par ailleurs, il est nécessaire d’améliorer l’efficacité de l’utilisation des investissements, de réajuster la structure des capitaux, de moderniser les technologies et d’aligner la stratégie de développement des ressources humaines sur les objectifs socioéconomiques.

Journaliste : Merci pour vos éclaircissements.