Il ne s’agit pas seulement d’un outil permettant d’atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais également d’un mécanisme économique incitant les entreprises à innover technologiquement, à accéder à des financements verts et à s’intégrer dans les chaînes de valeur mondiales.
Développer un marché du carbone durable
Selon les experts, le marché des crédits carbone au Vietnam bénéficie actuellement de conditions favorables à son essor. Dans la dynamique de transition verte, de nombreuses entreprises ont pris des engagements clairs et établi des feuilles de route pour réduire leurs émissions, dans une perspective de neutralité carbone.
La forte demande en crédits carbone représente une condition très propice au développement du marché du carbone au Vietnam. Dans le processus de concrétisation des engagements pris lors de la COP26 et en vue d’une économie à faible émission de carbone, le Vietnam a déjà franchi des étapes importantes dans la mise en place d’un cadre juridique pour le marché des crédits carbone.
Trois textes juridiques fondamentaux ont jeté les bases de ce cadre :
La Loi sur la protection de l’environnement de 2020 reconnaît officiellement l’existence et le rôle du marché du carbone dans le système de gestion environnementale national, reflétant une vision étatique d’intégration entre économie et écologie ;
Le Décret no 06/2022/ND-CP du gouvernement sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la protection de la couche d’ozone, qui fournit les fondements pour établir un marché national du carbone grâce à des mesures de réduction des émissions et la mise en place de mécanismes de gestion ;
Enfin, le 24 janvier 2025, le Premier ministre a signé la décision no 232/QD-TTg approuvant le projet de création et de développement du marché du carbone au Vietnam. L’objectif global de ce projet est de soutenir la réduction des émissions conformément aux contributions déterminées au niveau national (CDN), tout en générant de nouvelles sources de financement pour les actions climatiques.
L’ambition est d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Le projet prévoit une phase pilote de fonctionnement d’une bourse nationale du carbone de juin 2025 à fin 2028, avant une mise en œuvre officielle à partir de 2029. Des secteurs clés, tels que l’énergie, la sidérurgie, le ciment, l’agroalimentaire ou les transports, commencent à intégrer progressivement des mécanismes de mesure, de rapport et de vérification des émissions.
De nombreuses entreprises pionnières investissent déjà dans des technologies propres, améliorent leur efficacité énergétique et recherchent activement des opportunités d’échange de crédits carbone à l’échelle régionale et mondiale.
Un cadre institutionnel cohérent pour construire le marché du carbone
Pour le Vietnam, bâtir un marché des crédits carbone ne vise pas uniquement à honorer ses engagements internationaux en matière de changement climatique, mais constitue aussi un levier important pour attirer les investissements, faciliter le transfert de technologies et renforcer la compétitivité de son économie.
Cependant, ce marché est encore confronté à plusieurs défis majeurs : un cadre juridique incomplet, des infrastructures techniques insuffisantes, une capacité limitée des entreprises, un manque de ressources humaines qualifiées, une faible sensibilisation des entreprises aux bénéfices du marché du carbone, et une coordination intersectorielle encore inefficace.
Selon le Dr Ho Cong Hoa, de l’Académie des politiques et du développement, le Vietnam est à un tournant stratégique pour structurer un marché du carbone conforme à son orientation vers une économie à faibles émissions et à son engagement de neutralité carbone à l’horizon 2050. Malgré les progrès accomplis sur le plan juridique, des actions plus concrètes et ambitieuses sont nécessaires pour garantir un marché des crédits carbone efficace, transparent et capable de s’intégrer aux normes internationales.
Les expériences d’autres pays montrent que les clés du succès résident dans un cadre juridique complet et flexible, des mécanismes de contrôle et de sanction rigoureux, ainsi qu’une participation active du secteur privé et des institutions financières.

Des politiques de répartition transparente des quotas, une fiscalité claire et une stratégie d’utilisation des recettes bien définie seront également des leviers essentiels pour un développement durable du marché.
Par conséquent, il est impératif que le Vietnam revoie, modifie et complète les lacunes présentes dans le projet d’amendement du Décret 06/2022/ND-CP et le décret relatif à la bourse du carbone, notamment sur des sujets tels que : la définition juridique du crédit carbone comme marchandise, les mécanismes d’enchères de quotas, la compensation et l’utilisation des crédits internationaux, les sanctions et la transparence des violations, l’utilisation des recettes et la coopération internationale selon l’article 6 de l’Accord de Paris.
En parallèle, il est essentiel de construire un mécanisme de coordination intersectorielle solide et d’investir dans un système de données et de surveillance (MRV) fiable, afin d’assurer un fonctionnement transparent, responsable et attractif pour les investissements verts, tant nationaux qu’étrangers.
Lever les obstacles pour bâtir un marché du carbone efficace
Le Dr Dang Hoang Ha, de l’Université du Travail, souligne que l’une des orientations clés pour développer le marché des crédits carbone au Vietnam est de lever progressivement les obstacles structurels de l’économie, afin de construire un marché authentique, efficace et durable.
Selon lui, pour tirer pleinement parti du potentiel des échanges de crédits carbone, le pays doit compléter un ensemble de réglementations détaillées permettant de structurer un marché tant national qu’international. Participer au marché du carbone est une opportunité de mobiliser des ressources financières, d’accéder à des technologies à faibles émissions et de contribuer aux efforts mondiaux de réduction des gaz à effet de serre.
Pour ce faire, il est nécessaire d’établir et promulguer un système d’inventaire des émissions de gaz à effet de serre, de mettre en place un système de surveillance, de déclaration et de vérification (MRV) transparent et conforme aux normes internationales et de définir une feuille de route sectorielle de réduction des émissions.
En outre, le Vietnam doit se connecter aux marchés internationaux, participer aux mécanismes de crédits carbone mondiaux, encourager la coopération bilatérale et multilatérale dans les échanges transfrontaliers de crédits. Il est crucial d’harmoniser la politique de tarification du carbone avec la transition verte et le développement durable, tout en l’intégrant étroitement aux stratégies nationales sur les énergies renouvelables, l’économie circulaire, l’innovation technologique, la transformation numérique et la protection sociale.
Les revenus générés par la taxe carbone et les transactions sur le marché du carbone doivent être redistribués de manière transparente, en priorité pour réinvestir dans les infrastructures vertes, soutenir les entreprises dans l’innovation technologique, développer les énergies propres, et renforcer la résilience des populations vulnérables.
Enfin, il est indispensable de mettre en œuvre un mécanisme financier vert ambitieux, incluant les crédits verts, les obligations vertes, les fonds d’investissement pour la réduction des émissions, afin de mobiliser efficacement les ressources nationales et internationales pour la réalisation des objectifs Net Zéro.