Le secteur laitier engagé dans la transition énergétique
Dans un contexte où l’élevage mondial contribue à hauteur de 14,5 % aux émissions totales de gaz à effet de serre, l’industrie laitière vietnamienne amorce une transition vers une production plus respectueuse de l’environnement, conformément à l’engagement national visant la neutralité carbone à l’horizon 2050.
Selon le docteur Trinh Quoc Vinh, du Département de recherche sur l’énergie de l’Institut d’études stratégiques et de politique industrielle et commerciale, la chaîne de valeur du secteur laitier – de l’élevage à la transformation – consomme beaucoup d’énergie et émet du méthane (CH₄), un gaz à effet de serre dont l’impact est plusieurs fois supérieur à celui du CO₂.
Le seul secteur laitier représente ainsi environ 2 à 4 % des émissions d’origine humaine, selon les estimations de la FAO.
« Au Vietnam, en 2023, la production de lait frais a atteint 1,86 milliard de litres, ne couvrant qu’environ 38 % des besoins de transformation nationaux. L’expansion de la production est inévitable, mais elle doit s’accompagner d’une réduction des émissions et de la pollution issues des déjections animales, de l’énergie utilisée et des activités logistiques », souligne Trinh Quoc Vinh, insistant sur le fait que la transition verte n’est plus une option mais une exigence pour que l’industrie laitière vietnamienne reste compétitive sur les marchés internationaux, de plus en plus stricts en matière de normes environnementales et d’émissions.
Ces dernières années, des acteurs majeurs comme Vinamilk ou TH true MILK ont mis en place de nombreuses initiatives en matière d’énergie verte.
Plusieurs fermes ont installé des systèmes photovoltaïques sur leurs exploitations et usines, couvrant 15 à 20 % de leurs besoins électriques et économisant des millions de kWh chaque année.
Parallèlement, le remplacement des combustibles fossiles par la biomasse, le biogaz et d’autres sources d’énergie renouvelable a permis de réduire des dizaines de milliers de tonnes de CO₂.

Dans la transformation, Vinamilk a converti la majorité de ses chaudières pour utiliser des combustibles biomasse – balle de riz, sciure, coque de noix de cajou – à la place du fioul lourd ou du charbon.
Aujourd’hui, 86 % de l’énergie consommée dans ses usines provient de sources vertes et propres, issues de la biomasse ou du gaz naturel comprimé (CNG).
En outre, les fermes laitières recourent à de grands digesteurs de biogaz pour traiter les effluents, récupérer le méthane, produire de l’électricité et fabriquer des engrais organiques, s’inscrivant ainsi dans un modèle d’économie circulaire.
Le ministère de l’Agriculture et de l’Environnement estime que le potentiel de biogaz issu de l’élevage vietnamien pourrait atteindre environ 1 400 MW d’ici 2035.
Dans la logistique, les entreprises innovent également : réutilisation de la chaleur perdue pour chauffer l’eau ou sécher les produits, installation d’éclairages LED permettant de réduire de 72 % la consommation électrique pour l’éclairage, recours à la robotisation et expérimentation de véhicules électriques, en vue de bâtir une chaîne d’approvisionnement à faible empreinte carbone.
Des mécanismes incitatifs et des partenariats stratégiques pour une transition durable
Tout en saluant les efforts et résultats obtenus par les entreprises, Trinh Quoc Vinh alerte sur les obstacles persistants : coûts d’investissement élevés, technologies et ressources humaines limitées, production encore fragmentée et absence de politiques spécifiques dédiées au secteur laitier.
Il propose plusieurs solutions pour accélérer la transition verte de manière globale et efficace. Selon lui, il est nécessaire de mettre en place un mécanisme clair de soutien financier : accès à des prêts préférentiels ou exonérations et réductions fiscales pour les investissements dans les énergies renouvelables et les technologies de réduction des émissions.
Ce levier est essentiel pour encourager l’innovation technologique et la modernisation des infrastructures de production.
Une planification des infrastructures d’énergie renouvelable dans les zones d’élevage intensif permettrait de créer des pôles de fermes laitières intelligentes.
Ces zones pourraient déployer des centrales solaires ou biomasse à grande échelle, fournissant une énergie propre à toute la région.
« Une piste prometteuse serait de renforcer les liens entre les entreprises et les éleveurs à travers un modèle de coopérative énergétique. Les entreprises pourraient fournir des solutions telles que des systèmes de biogaz ou des panneaux solaires, et les éleveurs rembourseraient progressivement cet investissement par la fourniture de lait cru. Cela instaurerait un partage des bénéfices et un partenariat à long terme », explique Trinh Quoc Vinh.
Par ailleurs, il est crucial de développer une logistique verte – poste dont la part dans les émissions est croissante – en encourageant l’utilisation de véhicules électriques, de carburants biosourcés, ainsi que des centres de distribution mutualisés, optimisant les trajets et réduisant la consommation de carburant.
Trinh Quoc Vinh souligne également l’importance de la formation et du transfert technologique. L’élaboration de normes techniques pour les « fermes laitières durables » et les « usines laitières vertes » constituerait une base solide pour guider le développement du secteur à long terme.
Dans le même temps, il faut élargir les programmes de formation nationaux, renforcer la coopération internationale et mener des recherches pour mettre en place des politiques d’accompagnement plus complètes.
« Avec une stratégie pertinente et des actions opportunes, le secteur laitier vietnamien pourra franchir un nouveau cap, tout en garantissant la sécurité nutritionnelle du pays et en contribuant à l’effort mondial contre le changement climatique, pour bâtir une industrie agroalimentaire verte et prospère », conclut Trinh Quoc Vinh.