D’après des données récentes, la province de Gia Lai compterait actuellement 5.700 ensembles de gongs conservés par des particuliers, dont plus de 2.000 considérés comme «très précieux». En moyenne, chaque village a deux ou trois ensembles. Selon les coutumes, les gongs peuvent se jouer séparément ou en équipe de 2 à 15 ou jusqu’à 20 pièces, formant un ensemble qui fait penser à un orchestre. Les gongs ont différentes tailles : de 20 à 90 cm de diamètre jusqu’à 120 cm. Dans ce type d’orchestre, le «gong-mère» (le plus grand) joue le rôle central. À Gia Lai, le district d’Ia Grai en conserve, à lui seul, 1.116 ensembles, dont 353 ensembles «précieux», le volume le plus important de la province. Suivi de près par le district de Kbang avec 919 ensembles.
Depuis la reconnaissance des gongs par l’UNESCO, les habitants locaux ont pris conscience de la nécessité de préserver ce patrimoine. De nombreuses familles d’ethnies minoritaires ont cherché à racheter de vieux ensembles de gongs dans d’autres localités. Aujourd’hui, chez les ethnies J’rai et Bahnar, les gongs résonnent toujours, et peut-être même plus qu’avant, en particulier lors des fêtes traditionnelles. Répondant à ces souhaits sincères, une série de mesures ont été prises pour préserver ces instruments et surtout faire en sorte qu’il fasse toujours partie de la vie culturelle locale. D’importants investissements de l’État, des localités et d’autres sources ont été réalisés pour collecter des gongs, ouvrir des cours à l’intention des jeunes, organiser des festivals annuels dans les communes et districts...
Nouveau souffle
La province de Gia Lai, quant à elle, a pris de nombreuses actions telles que l’organisation d’un festival dédié à la culture des gongs, qui se tient tous les deux ans au niveau du district et tous les quatre ans à l’échelle de la province. Gia Lai a même introduit l’art des gongs dans les programmes scolaires de quelques écoles depuis l’année scolaire 2009-2010. Le plus réjouissant, c’est que le nombre de jeunes apprenant cet instrument de musique a enregistré une nette croissance. Parmi les 9.110 joueurs recensés, 900 sont considérés comme «excellents». Une bonne soixantaine sont des techniciens hors pair, capables aussi bien de les façonner, de les réparer que de les «accorder» de façon à ce qu’ils sonnent juste.
Le district de Krông Pa est une localité montagneuse et reculée de la province de Gia Lai. Encore peu développée, cette petite localité est depuis des années très active dans la préservation et la valorisation des gongs. Selon le Département de la culture et de l’information du district, Krông Pa recense à lui seul 550 ensembles des gongs divisés en neuf types différents, dont les gongs Sar, Tonah, Arap, Kado, Sona, Hêcô et Sarxu. Les Sarxu sont les plus nombreux avec 106 ensembles, suivis de près par les Arap (102).
À Krông Pa, les gongs résonnent chaque jour
Par rapport à 2005, le nombre d’instruments conservés dans le district a connu une augmentation de 300 ensembles, grâce aux efforts des habitants. La famille d’Ama Krem, dans le village de Ktinh, est connue par les villageois comme «la plus riche» de la région car elle possède quatre ensembles de gongs de grande valeur, baptisés Sar, Tla, Kul et Arap. Autrefois, un seul de ces gongs valait des dizaines de bœufs.
«Ces gongs sont très anciens. À chaque fête traditionnelle du village, j’en joue. Actuellement, les gongs précieux comme les miens sont très rares dans toute la région du Tây Nguyên», assure Ama Krem.
Protéger les gongs du Tây Nguyên est une chose, transmettre aux jeunes l’art de jouer mais aussi de concevoir et d’accorder les gongs en est une autre. D’après Phùng Anh Kiêm, responsable du Département de la culture et de l’information du district, «il reste très peu d’artisans capables de transmettre correctement les mélodies authentiques ainsi que de grands connaisseurs dans l’accordage des instruments. Accorder un gong, ce n’est pas une mince affaire, vous savez».
Krông Pa est fier d’avoir toujours des artisans soucieux de transmettre leur savoir-faire. Ama Krem en est un bon exemple. Il s’est engagé à léguer ces biens à ses petits-enfants et à en faire des joueurs de gongs dignes de ce nom. L’artisan Ama Thu, dans le village voisin de Chu Tê, est propriétaire de deux ensembles des gongs. Devant la tendance des villageois à vendre leurs gongs contre des meubles, Ama Thu affirme : «Je ne les vendrai jamais. Il s’agit d’objets légués par les ancêtres qu’il faut préserver et léguer aux générations suivantes. La transmission ne doit pas s’arrêter».
Ama San est un artisan très expérimenté dans la correction des sons. On fait appel à lui partout dans la province de Gia Lai, et il est prêt à former les jeunes qui le souhaitent. «Je ne veux pas voir un jour le Tây Nguyên sans les sons des gongs. Je désire que les jeunes reprennent le flambeau. La préservation de la culture des gongs est notre mission», confie-t-il.
Photo: Nhân Dân.