Bat Trang et le voyage pour réveiller la mémoire

Dans la dynamique forte de transformation du secteur du tourisme culturel, Bat Trang – cet ancien village de potiers au bord du fleuve Rouge - affirme progressivement son rôle pionnier dans la création d’un modèle de musée écologique du village ancien, marquant une initiative communautaire exemplaire, et illustrant de façon vivante la combinaison entre la préservation du patrimoine et le développement économique.
Les touristes visitent le village de poterie de Bat Trang. Photo : nhandan.vn
Les touristes visitent le village de poterie de Bat Trang. Photo : nhandan.vn

Avec une histoire d’environ 700 ans de formation et d’évolution, le village de potiers Bat Trang, en banlieue de la capitale Hanoi du Vietnam, préserve et développe à la fois l’essence de l’artisanat traditionnel de la céramique, tout en accumulant de riches strates culturelles : architectures de maisons anciennes, espaces spirituels, traditions lettrées, modes de vie caractéristiques de 19 grandes familles…

Ce sont des matières vivantes précieuses qui contribuent à bâtir un modèle de musée écologique ouvert, où chaque habitant devient un personnage du récit du village, un guide attirant les visiteurs nationaux et internationaux.

L’élément remarquable de ce projet de musée écologique est concentré sur le cœur du village ancien, d’une superficie de 5,4 hectares, où convergent de nombreuses valeurs remarquables : ruelles étroites, murs anciens recouverts de mousse, fours traditionnels à poterie… autant de symboles du parcours artisanal, de la conservation culturelle, reflétant de manière vivante l’évolution du métier au fil du temps.

Par ailleurs, Bat Trang a déjà obtenu plusieurs reconnaissances importantes : son festival traditionnel a été inscrit au Patrimoine culturel immatériel national, et le village est devenu la 67e communauté artisanale intégrée au Réseau mondial des Conseils de l’Artisanat. Ces acquis constituent une base solide pour que le tourisme écologique à Bat Trang ait le potentiel de devenir un modèle exemplaire du développement du tourisme culturel communautaire au Vietnam.

Le modèle de musée écologique émane des besoins, des aspirations et de la participation active des habitants eux-mêmes, qui vivent, travaillent et comprennent Bat Trang dans leur chair et leur sang.

Dans des échanges ouverts entre autorités, experts, artisans, familles du village, plusieurs enfants du village se sont engagés à apporter leur savoir-faire, leur expérience et à mobiliser la solidarité et la coopération de la communauté. Les spécialistes, architectes, artistes et chercheurs culturels apportent des perspectives fines et profondes.

L’artiste peintre Nguyen Manh Duc, conseiller technique, insiste sur l’esprit de « musée vivant », valorisant le processus de production matérielle parallèlement à la création de valeurs spirituelles, rehaussant la valeur des produits par les histoires culturelles qui les accompagnent.

Selon lui, il s’agit de raviver le passé, de vivre pleinement le présent, et de tendre vers l’avenir, afin d’élever les valeurs existantes à un nouveau niveau supérieur.

De nombreux villages reconnus comme patrimoines peinent à se développer à cause de contraintes réglementaires, mais ce n’est pas le cas de Bat Trang.

Le modèle de musée écologique respecte le mouvement naturel du développement, partant de la vie matérielle et culturelle des habitants du village.

Au-delà de la simple restauration paysagère, l’équipe de conception mise sur l’aspect narratif : chaque foyer devient une « halte » sur le parcours, offrant une expérience immersive par l’écoute, la vue, le toucher et le goût.

Par exemple, certaines histoires vont au-delà de la poterie à Bat Trang, portant sur la pharmacopée traditionnelle, les savoirs lettrés, ou encore l’expérience d’un repas simple chez un potier, avec des plats comme le « chè kho » (plat composé de haricots verts, de sucre et d'essence de fleurs de pomelo) ou le « bánh chưng » traditionnelles (gâteau du riz gluant), autant d’essences culinaires permettant au patrimoine de se diffuser par l’émotion.

Malgré l’enthousiasme et le consensus, des problèmes concrets sont aussi soulevés ouvertement par les habitants. Parmi eux, la pollution liée aux déchets de production et domestiques ; la pollution qui affecte directement l’expérience des visiteurs.

L’élaboration d’un règlement communautaire et l’unification de la conscience pour préserver le paysage et la propreté sont des exigences incontournables.

De plus, la sécurité incendie est un enjeu crucial. En raison de la configuration du village, ruelles étroites, murs hauts, maisons mitoyennes, certains passages sont étroits et densément peuplés, ce qui demande des solutions optimales.

Bien que le projet ne bénéficie pas encore d’un soutien financier de l’État, les autorités locales et les habitants cherchent activement des solutions temporaires adaptées à cette phase initiale.

S’ajoute également la question des intérêts et des mécanismes de partage. Certains habitants s’interrogent :

Qui bénéficie du projet ?

Qui prend en charge les coûts d’aménagement ?

Qui gère les circuits touristiques ? Ces questions doivent être clarifiées avec des règlements précis pour éviter que l’enthousiasme initial ne s’épuise par manque de soutien ou de partage équitable des bénéfices.

Par ailleurs, l’identité et la reconnaissance de la marque constituent un enjeu majeur.

Lors des réunions, rien que la question du logo du musée écologique a suscité de longs débats, efforts et échanges d’idées.

Le projet de musée écologique du village ancien de Bat Trang est une offre touristique, mais surtout un processus de réveil de la mémoire, racontant l’histoire du village artisanal avec un langage contemporain pour affirmer la vitalité de la culture traditionnelle dans un monde en perpétuel changement.

Quand les habitants deviennent conteurs ; quand chaque brique, tuile, mode de vie… est replacé à sa juste valeur, il ne s’agit plus seulement de conservation, mais aussi de renaissance et de développement.

Si Bat Trang réussit, il ouvrira la voie en pionnier à un modèle de musée écologique d’art de la conservation pouvant parfaitement s’inscrire dans un développement économique communautaire à l’ère nouvelle.