Le delta du Mékong – grenier à riz et à produits aquatiques du pays – s’affirme progressivement comme un pôle dynamique de l’entrepreneuriat innovant, avec des modèles originaux valorisant les ressources locales.
Mais pour bâtir un écosystème durable, la région a encore besoin d’investissements conséquents en capitaux, en ressources humaines et en politiques publiques adaptées.
Depuis quelques années, le mouvement entrepreneurial dans le delta du Mékong connaît un essor remarquable. Des dizaines d’organisations intermédiaires de soutien – incubateurs, centres d’innovation, clubs de start-up au sein des universités ou des grandes entreprises – ont vu le jour. Plusieurs projets innovants commencent à porter leurs fruits, générant des bénéfices économiques et sociaux tangibles.
Parmi les initiatives phares figure le projet de tisane médicinale à base de plantes locales lancé par la pharmacienne Doàn Thi Hông Tham, qui a su transformer des herbes familières comme le périlla ou le houttuynia en produits de santé naturels. La société Escoco Vietnam, quant à elle, a développé un modèle de fabrication de papier à partir de fibres de coco, réduisant les déchets agricoles et proposant un produit respectueux de l’environnement. De son côté, une équipe de l’Université de Tiên Giang a conçu une technologie d’intelligence artificielle permettant d’alerter en cas d’érosion des berges, contribuant ainsi à la prévention des catastrophes naturelles.
Selon les experts, le delta du Mékong dispose d’atouts considérables pour développer un écosystème entrepreneurial innovant. La région compte de nombreuses universités accueillant des centaines de milliers d’étudiants – une réserve importante de talents pour les start-up. Dès les bancs de l’école, des projets voient le jour, notamment dans les domaines liés aux forces régionales : agriculture intelligente, transformation alimentaire, biotechnologies. Certains projets attirent déjà l’attention de fonds d’investissement, tandis que les autorités locales mettent en place des politiques incitatives : aides financières, simplification des procédures d’enregistrement des entreprises, organisation de forums, séminaires et foires sur l’innovation. Ces initiatives offrent aux start-up une plateforme d’échanges avec les experts, investisseurs et grandes entreprises, tout en favorisant le développement d’un marché de la science et de la technologie plus dynamique.
Cependant, malgré ces signaux positifs, l’écosystème régional reste confronté à de nombreux défis. Le premier concerne la qualité des ressources humaines. Bien que la main-d’œuvre soit abondante, elle demeure en grande partie de niveau intermédiaire, manquant de compétences en technologies, gestion et marketing numérique. Le phénomène de « fuite des cerveaux » constitue également une menace, nombre de jeunes talents quittant la région pour chercher des opportunités à Hanoï ou à Hô Chi Minh-Ville.
De plus, le nombre de structures d’incubation, d’espaces de coworking et de fonds de soutien reste encore limité. La coopération entre universités, instituts de recherche, entreprises et autorités demeure insuffisante, ce qui entrave le transfert des résultats de recherche vers la production et la commercialisation.
Le financement représente une autre difficulté majeure. La plupart des start-up, de petite taille, peinent à accéder aux fonds de capital-risque ou aux crédits préférentiels. Leurs produits, souvent novateurs, nécessitent du temps pour s’imposer sur le marché. « Lorsqu’il s’agit d’élargir la production, lever des fonds reste un défi. Sans ressources financières, nombre d’idées prometteuses doivent être ralenties, voire abandonnées », confie Doàn Thi Hông Tham.
Face à ces défis, les spécialistes avancent plusieurs recommandations. Les autorités locales sont invitées à renforcer les connexions entre start-up, banques commerciales et fonds de crédit afin de faciliter l’accès au financement. Les universités et établissements supérieurs devraient développer davantage la formation interdisciplinaire, étroitement liée aux besoins du terrain, notamment dans les technologies de l’information, l’agriculture intelligente et la gestion des affaires. Il est également nécessaire de multiplier les centres d’innovation, incubateurs et espaces de coworking dans les provinces, et de mettre en place un mécanisme de coopération régionale reliant universités, instituts et entreprises.
Pour le Dr Ngo Anh Tin, directeur du Département des sciences et destechnologies de la ville de Cân Tho, « dans l’ère numérique, il faut cultiver l’esprit entrepreneurial et construire une véritable culture de l’innovation parmi les jeunes, en cohérence avec l’orientation du gouvernement. Toutes les entreprises, grandes ou petites, ont besoin de cet esprit entrepreneurial pour créer de nouveaux produits et de nouveaux moteurs de croissance. Les start-up doivent acquérir connaissances et compétences pour accéder au financement dès les premières étapes ».
Avec des efforts concertés et une mobilisation accrue des acteurs publics et privés, le delta du Mékong est en passe de devenir un centre régional de l’entrepreneuriat innovant, tirant parti de ses atouts locaux et contribuant non seulement au développement économique de la région mais aussi à une transformation durable à long terme.