Parmi celles-ci, les rites du mariage occupent une place centrale : ils constituent un marqueur culturel fort, reflétant profondément les conceptions du mariage, de la famille et du rôle de la femme au sein de la communauté.
Les rites du mariage, une marque de la maturité de la jeune femme Lu
Malgré les bouleversements du temps, le mariage traditionnel des Lu n’est pas seulement une fête pour les jeunes époux ; il représente un événement culturel majeur, renforçant les liens familiaux et communautaires, tout en transmettant de génération en génération des valeurs humaines essentielles.
Dans la conception des Lu, le mariage est un tournant majeur de la vie. C’est pourquoi les rites matrimoniaux sont organisés avec solennité et dans le strict respect des règles traditionnelles. Avant la cérémonie, les deux familles s’accordent sur les offrandes et la date ; les personnes chargées de préparer et de conduire les rites sont généralement des aînés respectés, reconnus pour leur prestige et leur probité. Ils ne se contentent pas de « présider » la cérémonie : ils incarnent aussi le lien spirituel et l’honneur de chaque famille.
Outre les offrandes habituelles, deux poulets bouillis, riz gluant, alcool de riz, fleurs, bracelets en argent, le plateau rituel doit impérativement comporter un costume traditionnel confectionné de la main même de la future épouse. Celui-ci atteste de son habileté, de son sérieux et prouve devant la lignée et la communauté qu’elle est parvenue à maturité.
Le plateau d’offrandes du mariage lự revêt ainsi une forte valeur symbolique. Le costume réalisé par la future épouse n’est pas un simple trousseau : il constitue une affirmation claire de sa capacité à assumer la vie conjugale, une reconnaissance publique de sa maturité pour devenir épouse et belle-fille.
Le jour du mariage, un rite revêt une signification toute particulière : l’enroulement du foulard sur la tête de la mariée. À l’instar de la coutume du tằng cẩu chez les Thaïs, ce geste marque pour les Lu le passage du statut de jeune fille à celui d’épouse.
Le foulard est noué par la mère ou la sœur aînée de la mariée. Ce geste, à la fois esthétique et profondément symbolique, exprime les recommandations et la transmission des valeurs des générations précédentes. À partir de cet instant, la jeune femme entre officiellement dans une nouvelle étape de sa vie, assumant des responsabilités envers sa famille et son clan.
Le lien du fil au poignet, symbole de l’union conjugale
Parmi les rituels les plus importants et les plus chargés de symboles figure la cérémonie du nouage du fil au poignet. Lorsque le maître de cérémonie commence le rite, les membres de la famille et de la parenté posent la main sur le plateau principal et prononcent des vœux de bonheur pour les mariés.
Dans une atmosphère solennelle et chaleureuse, le rite se déroule sous le regard symbolique des ancêtres et de la communauté, témoignant de leur bénédiction pour le jeune couple.
Le fil noué au poignet est comparé par les Lu à un « talisman sacré », destiné à éloigner le mal et à apporter chance, paix et bonheur. Chaque nœud n’est pas seulement un vœu, mais aussi l’expression de la confiance et de l’espoir des proches, souhaitant aux époux une union solide et durable face aux épreuves de la vie.
Parallèlement à ce rite, la mariée reçoit de sa mère ou de sa grand-mère un bracelet traditionnel en argent, un objet transmis de génération en génération. Au-delà de sa valeur matérielle, ce bijou symbolise la continuité, rappelle les origines et souligne la responsabilité de préserver les traditions familiales. Selon la conception lự, offrir ce bracelet signifie également que la jeune femme « prend désormais son indépendance » pour fonder son propre foyer.
Du côté de la famille de la mariée, un autre rituel consiste à offrir au cortège du marié des bougies en cire d’abeille. Elles expriment le souhait d’une union étroite et durable, d’une vie conjugale chaleureuse et harmonieuse. La dot est également remise le jour du mariage : elle se compose généralement d’objets essentiels à la vie quotidienne, traduisant l’attention et le soutien de la famille envers la nouvelle vie de leur fille.
Préserver l’essentiel dans la modernité
Face aux évolutions de la vie contemporaine, les coutumes matrimoniales des Lu ont connu certaines adaptations afin de s’accorder aux réalités économiques et au rythme moderne : suppression des exigences excessives de dot, abandon des festivités trop longues, lutte contre le mariage précoce et les unions consanguines.
Dans le même temps, les valeurs traditionnelles positives continuent d’être préservées et mises en avant. Les rites essentiels, les formes d’art populaire telles que les chants de joutes amoureuses sont restaurés ; la communauté encourage un mode de vie culturel sain, sans excès d’alcool ni de tabac, tout en valorisant l’identité ethnique.
Malgré les changements, les rituels fondamentaux, porteurs d’une profonde dimension spirituelle, demeurent soigneusement respectés. Pour les Lu, célébrer un mariage ne signifie pas seulement unir deux individus, mais aussi affirmer l’identité culturelle collective et transmettre aux jeunes générations les valeurs morales liées au fait d’être humain, époux et épouse.
Préserver les coutumes matrimoniales traditionnelles, c’est ainsi protéger l’« âme culturelle » du peuple Lu dans le contexte de l’intégration et de l’ouverture. Ces rites simples mais riches de sens enrichissent la mosaïque culturelle des peuples du Vietnam et diffusent des valeurs durables autour de la famille, du mariage et du rôle de la femme dans la société contemporaine.