Du journalisme multimédia au journalisme multiplateforme

Avec le développement rapide des plateformes numériques, le journalisme, au Vietnam comme dans le monde, doit redéfinir son modèle pour s’adapter aux grandes tendances de transformation.

La campagne de communication multicanal marquant le 70e anniversaire de la Victoire de Dien Bien Phu, menée par le journal Nhan Dan, a attiré un large public. Photo : The Dai.
La campagne de communication multicanal marquant le 70e anniversaire de la Victoire de Dien Bien Phu, menée par le journal Nhan Dan, a attiré un large public. Photo : The Dai.

Dans le contexte du développement rapide des plateformes numériques, le journalisme mondial en général et le journalisme vietnamien en particulier sont confrontés à une exigence de transformation de plus en plus urgente : il est nécessaire de redéfinir le modèle opérationnel afin de s’adapter aux tendances de transformation moderne à l’échelle mondiale.

Restructuration de l’organisation et stratégie de production des contenus journalistiques

Le Vietnam entre dans une nouvelle phase, identifiée comme une ère d’essor avec l’ambition de devenir un pays développé à revenu élevé d’ici 2045. Cette aspiration ne se limite pas à un objectif économique, mais représente également une transformation globale en matière d’institutions, de technologies, de culture et d’humain.

La Résolution no 57-NQ/TW du 22 décembre 2024 du Bureau politique, relative à la percée en matière de développement scientifique, technologique, d’innovation et de transformation numérique nationale, précise que le journalisme et la communication sont considérés comme des secteurs clés nécessitant une transformation vigoureuse pour accompagner et guider la société vers l’ère numérique.

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Le docteur Phan Van Kien partage son point de vue sur le développement du journalisme multiplateforme. Photo : NDEL.

Selon le docteur Phan Van Kien, directeur de l’Institut de formation en journalisme et communication (Université des sciences sociales et humaines, Université nationale de Hanoï), « dans ce contexte, le journalisme multiplateforme n’est pas seulement un choix technique, mais constitue l’expression directe d’une vision stratégique : faire du journalisme un outil pour créer un espace public, encourager l’innovation et promouvoir la cohésion sociale dans une nouvelle ère de développement national. »

Toujours selon lui, le concept de « journalisme multiplateforme » est souvent confondu avec celui de « journalisme multimédia » ou de « journalisme intégré ».

Lors de la première phase de numérisation, les rédactions se concentraient principalement sur la conversion de contenus imprimés vers des versions électroniques.

Progressivement, des images, vidéos et infographies interactives ont été ajoutées pour rendre les produits journalistiques plus attrayants, marquant ainsi l’ère du journalisme multimédia.

Cependant, avec la généralisation des appareils mobiles, l’essor des réseaux sociaux et des technologies de personnalisation, de nouvelles exigences sont apparues en matière d’organisation structurelle et de processus opérationnel dans le journalisme.

Ce changement a directement conduit à l’évolution du journalisme, passant du multimédia au multiplateforme.

« Le modèle multiplateforme exige des médias qu’ils produisent des contenus sous plusieurs formats, tout en les diffusant de manière optimisée sur plusieurs plateformes, telles que : site web, application mobile, YouTube, TikTok, podcasts et réseaux sociaux », explique le docteur Phan Van Kien.

Ainsi, le journalisme multiplateforme repose sur trois caractéristiques fondamentales.

Tout d’abord, le journalisme multiplateforme moderne ne se limite plus à un seul canal, mais vise à construire une architecture de contenu distribuée.

Dans ce modèle, chaque plateforme devient un point de contact stratégique avec le public. Cela implique la nécessité de formater et d’adapter les contenus en fonction des spécificités des utilisateurs et des algorithmes de diffusion propres à chaque support.

Le modèle multiplateforme exige des médias qu’ils produisent des contenus sous plusieurs formats, tout en les diffusant de manière optimisée sur plusieurs plateformes, telles que : site web, application mobile, YouTube, TikTok, podcasts et réseaux sociaux.

Le docteur Phan Van Kien, directeur de l’Institut de formation en journalisme et communication

Prenant pour exemple les plateformes populaires, telles que TikTok, Instagram et YouTube, M. Kien note qu’alors qu’un article sur un site web nécessite longueur et profondeur, les contenus sur TikTok doivent être courts, visuellement dynamiques et hautement divertissants.

The New York Times dispose aujourd’hui d’une équipe spécialisée pour produire des vidéos courtes sur TikTok, Instagram Reels et YouTube Shorts, tout en maintenant un contenu approfondi sur son site web et son application payante.

Le journalisme multiplateforme exige également un modèle de production de contenu intégré et flexible. Traditionnellement, le processus de production se résumait à : le journaliste rédige l’article, l’éditeur révise, le secrétaire de rédaction publie. Aujourd’hui, certaines rédactions dans le monde sont passées à un modèle de rédaction intégrée.

« Dans ce modèle, tous les départements – production, édition, analyse de données, réseaux sociaux – collaborent pendant une période donnée pour produire et distribuer du contenu sur différentes plateformes », précise le docteur Phan Van Kien.

Valoriser le rôle des journalistes à l’ère numérique

La transition vers le modèle multiplateforme s’accompagne de nombreux défis. Les attentes du public en matière d’information sont de plus en plus élevées, tandis que la multiplicité des sources rend plus difficile la fidélisation des lecteurs. Cela exige des journalistes qu’ils évoluent en conséquence.

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Le professeur associé, docteur Nguyen The Ky partage ses réflexions sur le rôle des journalistes dans la nouvelle ère. Photo: NDEL

Le professeur associé, docteur Nguyen The Ky, vice-président du Conseil théorique central, estime que : « Dans cette nouvelle phase, le journalisme bénéficie de grandes opportunités, mais aussi de nombreux défis. Les journalistes doivent rivaliser sainement dans la transmission d’informations afin d’attirer le public. L’économie des médias en dépend : ceux qui communiquent bien gagneront la confiance du public et des clients, et en tireront des revenus légitimes. »

Le journalisme ne peut se développer durablement que s’il est véritablement accepté par le public, capable de subsister et de prospérer grâce au financement des entreprises, des lecteurs et d’autres sources légales.

Pour M. Nguyen The Ky, le moment actuel représente une réelle opportunité pour la jeune génération de journalistes. Nous disposons aujourd’hui de nombreux outils technologiques avancés et multiplateformes pour exercer le métier. Et le public attend sans cesse des informations utiles, réactives et attrayantes.

« Les journalistes doivent avant tout avoir une pensée critique. En regardant les 100 ans de développement du journalisme révolutionnaire vietnamien, on constate qu’il est devenu professionnel, moderne et humaniste. Pourtant, certains restent enfermés dans leur “petit monde” pour rédiger leurs articles. Il faut aller au cœur de la vie pour comprendre ce que les gens veulent savoir », affirme-t-il.

Pour séduire les lecteurs, le contenu doit être axé sur les questions sociales urgentes. Un même événement peut être observé par plusieurs personnes, mais c’est la manière de le rapporter, le style journalistique, qui fait la force de l’information. L’orientation stratégique de la communication des rédactions est également essentielle.

« Face à chaque problématique, le journaliste est celui qui enquête, analyse et propose des solutions. Aujourd’hui, ce qui fait la différence dans le traitement de l’information, c’est la capacité à proposer des solutions. Un journaliste moderne doit toujours s’interroger à ce sujet », ajoute-t-il.

Ainsi, une rédaction forte, un journaliste professionnel savent comment agir pour que leur média, leur article ne se contente pas de refléter les faits, mais analyse, commente, critique et oriente l’opinion publique de manière correcte, positive et convaincante.

Aujourd’hui, nous avons toujours besoin des dernières nouvelles, d’enquêtes exclusives, de reportages d’investigation. Mais le journalisme de l’intelligence et des solutions met l’accent sur la capacité à détecter, évaluer, prévoir et proposer une lecture responsable et orientée des événements brûlants.

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Selon le colonel Do Phu Tho, rédacteur en chef par intérim du journal des Anciens Combattants du Vietnam, les journalistes doivent perfectionner leurs compétences professionnelles et faire preuve d’une solide fermeté politique.

Dans ce contexte d’ère numérique, où l’information circule à grande vitesse, le colonel Do Phu Tho, rédacteur en chef par intérim du journal Cựu chiến binh Việt Nam (Anciens Combattants du Vietnam), souligne l’importance pour chaque journaliste de renforcer ses compétences professionnelles et de posséder une solide conviction politique.

Il est crucial également d’acquérir des connaissances scientifiques et technologiques pour détecter, alerter et lutter contre les informations erronées, toxiques et manipulées qui prolifèrent sur les réseaux sociaux.

« La jeune génération de journalistes d’aujourd’hui est bien formée, compétente et très habile avec les technologies. Cependant, certains dépendent trop des applications et des outils pour produire leurs contenus. Pour former des journalistes à la hauteur des exigences de l’époque, il est indispensable qu’ils s’exercent, tout en s’inspirant sélectivement de la tradition du journalisme révolutionnaire vietnamien, notamment de l’esprit d’engagement des anciens », conclut-il.

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