Selon le professeur associé et docteur Dang Van Bao, président de l’Association vietnamienne de quaternaire et de géomorphologie, le relief terrestre a depuis longtemps été exploité par l’homme à diverses fins, notamment pour les activités de visite et de découverte (tourisme).
Cependant, ce n’est qu’à la fin du XXᵉ siècle que le relief a été considéré comme une ressource naturelle à part entière, désignée sous le nom de « ressource géomorphologique ». Celle-ci englobe les formes naturelles remarquables telles que montagnes, grottes, cascades, littoraux… présentant une valeur paysagère, touristique, éducative et scientifique.
Parmi les ressources géomorphologiques emblématiques du Vietnam figurent la baie d’Ha Long dans la province de Quang Ninh (au Nord-Est) et l’archipel de Cat Ba, province de Hai Phong (au Nord-Est), toutes deux inscrites au patrimoine naturel mondial de l’UNESCO. Elles se distinguent par leurs milliers d’îlots calcaires aux formes singulières, formant un ensemble marin rare, exploité avec succès. Ces paysages illustrent de manière exemplaire un long processus d’évolution géologique et géomorphologique, à la valeur universelle exceptionnelle.
Phong Nha-Ke Bang, province de Quang Tri (au Centre du Vietnam) se caractérise par un vaste réseau de grottes calcaires, dont Son Doong, la plus grande grotte naturelle du monde ; un témoignage saisissant des processus tectoniques, d’érosion et de sédimentation sur plusieurs centaines de millions d’années.
Le plateau karstique de Dong Van dans la province de Tuyen Quang (au Nord) constitue le premier géoparc mondial UNESCO du Vietnam, avec ses montagnes calcaires imposantes, ses gorges profondes et ses fossiles paléontologiques.
Mui Né – Bau Trang dans la province de Lam Dong (sur les hauts plateaux du Centre) est renommé pour ses dunes de sable rouge et blanc, une forme rare de relief éolien. Le paysage, sans cesse modelé par le vent, offre une beauté singulière et attire tant les touristes que les chercheurs spécialisés dans la désertification.
De nombreuses zones à forte valeur géomorphologique font actuellement l’objet d’études, à l’instar de la frange côtière entre Da Nang et Quang Ngai ; 46 unités géomorphologiques y ont été identifiées, comprenant des reliefs continentaux, insulaires et sous-marins, regroupés en 33 ensembles selon leur origine : volcanique, karstique avec grottes, dolines, vallées, etc.
Les ensembles emblématiques de cette région, tels que la presqu’île de Son Tra, les archipels de Ly Son et Cu Lao Cham, ou encore les monts de Ngu Hanh Son, se distinguent non seulement par leur attrait paysager, mais constituent également de véritables « musées à ciel ouvert » pour la recherche en géologie, géomorphologie, biologie et histoire-culture locale.
La quasi-totalité des sites inscrits au patrimoine naturel mondial et des géoparcs mondiaux UNESCO, au Vietnam comme ailleurs, sont liés à des ressources géomorphologiques. Pourtant, ce concept reste principalement employé par la communauté scientifique, tandis que la conscience du grand public demeure limitée.
Le volcan Nâm Kar, situé au hameau de Phu Son, commune de Quang Phu, district de Krong No, est l’un des jeunes volcans formés par une combinaison d’éruptions effusives et explosives.
De nombreuses zones aux reliefs remarquables sont oubliées ou exploitées de manière non durable, entraînant dégradation et pertes irréversibles. L’une des approches en phase avec la tendance du développement durable est le tourisme géo-écologique (« Geoecotourism »), un concept récent dans le monde et nouvellement abordé au Vietnam.
Selon Mme Pham Thi Phuong Nga, doctorante ès sciences et doctorante à la faculté de géographie de l’Université des sciences naturelles relevant de l’Université nationale du Vietnam à Hanoï, le tourisme géo-écologique combine géotourisme et écotourisme : il permet non seulement aux visiteurs d’admirer les paysages, mais aussi de mieux comprendre les processus terrestres passés et présents ayant façonné ces sites naturels d’exception ; tout en sensibilisant à la protection de l’environnement, à la préservation du patrimoine géologique et des écosystèmes, ainsi qu’au lien avec les moyens de subsistance des communautés locales.
Le professeur associé et docteur Dang Kinh Bac, de la même faculté, recommande : « Pour développer un tourisme géo-écologique efficace et durable, la gestion et l’investissement doivent placer la conservation avant l’exploitation. Il faut éviter que le paysage ne soit détruit avant que la population et les touristes aient conscience de sa valeur, ce qui nuirait au secteur touristique et, à long terme, provoquerait des catastrophes et des dommages environnementaux. »
Fort de ses ressources géomorphologiques riches et variées réparties sur tout le territoire, le Vietnam dispose d’un potentiel considérable pour créer des produits touristiques spécifiques.
Les scientifiques préconisent de regrouper les sites touristiques selon leur valeur géomorphologique, d’identifier des pôles touristiques régionaux et de les relier par des itinéraires thématiques.
Parmi les solutions proposées : établir un système d’évaluation scientifique et normalisé à l’échelle nationale des ressources géomorphologiques, selon des critères liés aux sciences et à l’éducation, à l’esthétique, à la culture et à l’histoire, à l’environnement et à l’économie ; intensifier la communication et l’éducation des visiteurs selon le modèle : attirer par le paysage, fournir des informations de base et stimuler la conscience de conservation ; recourir aux technologies numériques, telles que les « cartes narratives » (StoryMaps), afin de rendre l’expérience et la compréhension scientifique plus vivantes et visuelles.