Garantir les droits de propriété intellectuelle à l’ère du numérique

La propriété intellectuelle joue un rôle essentiel dans le renforcement de la compétitivité des entreprises, tout en constituant un instrument stratégique national pour protéger, maîtriser les technologies et affirmer la position du pays dans la compétition internationale.

Le produit Machine de fraisage à 4 axes BK CIM - CNC, conçu par l’Institut de Mécanique, Département de Technologie de fabrication mécanique de l’Université Polytechnique de Hanoï, est exposé à l’Exposition des réalisations scientifiques et technologiques organisée à l’occasion de l’anniversaire de la fondation de l’université. Photo : VNA
Le produit Machine de fraisage à 4 axes BK CIM - CNC, conçu par l’Institut de Mécanique, Département de Technologie de fabrication mécanique de l’Université Polytechnique de Hanoï, est exposé à l’Exposition des réalisations scientifiques et technologiques organisée à l’occasion de l’anniversaire de la fondation de l’université. Photo : VNA

La Résolution no 57/NQ-TW du Bureau politique sur le développement scientifique et technologique, l’innovation et la transformation numérique nationale exige de perfectionner la législation relative à la propriété intellectuelle, aux actifs numériques et aux données, afin de constituer la base d’un écosystème d’innovation. Cette orientation sert de boussole pour renforcer la protection et la mise en œuvre des droits de propriété intellectuelle à l’ère du numérique.

Dans l’économie numérique actuelle, la valeur des entreprises se déplace des actifs matériels (usines, machines) vers les actifs immatériels, notamment les droits de propriété intellectuelle. Cependant, le cadre juridique de leur protection présente encore de nombreuses « failles vitales », sans parler des « zones blanches » concernant l’intelligence artificielle (IA).

La Loi sur la propriété intellectuelle, promulguée en 2005 et plusieurs fois amendée, reste en retard par rapport à l’évolution rapide des actifs non traditionnels, tels que les données numériques, les actifs virtuels, les actifs intellectuels et les technologies de pointe. Par ailleurs, de nombreuses entreprises, bien qu’ayant intensifié leurs efforts d’innovation, n’ont pas encore l’habitude de protéger ni de valoriser leurs droits de propriété intellectuelle : beaucoup d’inventions, véritables « armes douces » de la stratégie commerciale, ne sont pas enregistrées, les marques ne sont pas protégées, les secrets technologiques ne sont pas déclarés. Résultat : contrefaçons et usurpations de marques se multiplient.

Selon le Département de la propriété intellectuelle, le Vietnam compte plus de 700 000 marques enregistrées, mais les violations restent fréquentes. En 2024, plus de 2 000 cas d’infractions ont été recensés, pour une valeur de plusieurs centaines de milliards de dôngs. Rien que durant les six premiers mois de 2025, plus de 3 270 affaires ont été détectées et traitées, soit près de 20 par jour, entraînant des pertes de plusieurs milliers de milliards de dôngs. Ce constat impose de « colmater » les brèches juridiques afin de valoriser pleinement la propriété intellectuelle, notamment dans le domaine de l’IA.

Selon la Commission des affaires juridiques et judiciaires de l’Assemblée nationale, le projet de loi modifiant certains articles de la Loi sur la propriété intellectuelle, qui sera soumis à la 10ᵉ session de la XVe législature, devra clarifier les dispositions relatives aux nouveaux objets de propriété intellectuelle, tels que les œuvres dérivées sur les plateformes numériques, les créations impliquant l’IA, ou les données massives (big data). Il s’agit de bâtir un cadre juridique pour protéger les titulaires de droits dans l’environnement en ligne, tout en répondant aux exigences du développement scientifique et technologique.

De nombreuses questions juridiques émergent : l’IA est-elle véritablement créative ou n’est-elle qu’une version « copiée » de données analysées ? L’utilisation de données d’entraînement copiées exige-t-elle une autorisation ? Les productions de l’IA, même proches des œuvres originales, violent-elles les droits de reproduction ou de dérivation ? Les œuvres générées par IA à partir de données publiques peuvent-elles être protégées ? Et faut-il reconnaître comme « auteurs » les systèmes d’IA à l’origine d’inventions, de modèles industriels ou de schémas de circuits ?

Lors d’une récente séance du Comité permanent de l’Assemblée nationale, le ministre des Sciences et des Technologies, Nguyen Manh Hung, a précisé :

« L’utilisation de données publiques pour entraîner l’IA ne nécessite pas d’autorisation de droits d’auteur, à condition qu’il n’y ait pas de reproduction littérale, car interdire cette pratique nuirait à la compétitivité. Plusieurs pays ont déjà inscrit cette règle dans leur législation. Quant à la protection des œuvres générées par IA, si l’IA crée seule, sans intervention humaine, elles ne peuvent être protégées et doivent être étiquetées comme telles. En revanche, si l’homme utilise l’IA comme un outil, la protection demeure applicable. »

Face à la vitesse et à l’imprévisibilité du changement à l’ère numérique, le cadre juridique doit être à la fois prospectif et englobant. Déterminer la part exacte d’intervention humaine dans une création impliquant l’IA n’est pas aisé. Pour protéger efficacement la propriété intellectuelle, il est nécessaire de disposer à la fois de mécanismes juridiques et d’outils techniques (bases de données partagées) permettant d’identifier et de retracer l’origine d’une œuvre avant d’accorder ou non sa protection. Par ailleurs, il faut instaurer des procédures d’annulation ou d’opposition à la protection lorsqu’il existe des doutes ou des preuves qu’une création émane entièrement de l’IA.

Dans la même rubrique

Back to top