La condition nécessaire et suffisante repose sur un processus global alliant environnement d’entraînement professionnel, infrastructures et équipements, ainsi que soins en matière de condition physique, de nutrition, de récupération… autant de facteurs essentiels relevant de la science appliquée au sport de haut niveau.
Pourtant, ce domaine reste encore un maillon faible au Vietnam, appelant à des investissements plus conséquents pour permettre au sport vietnamien de franchir un cap.
Dans les disciplines exigeant une intensité physique élevée, dépasser ses limites est incontournable pour améliorer ses performances.
Cependant, si cet effort n’est pas accompagné d’un programme de récupération approprié et scientifique, l’athlète risque rapidement de subir une baisse de condition physique, une accumulation de fatigue et des risques de blessures.
Un vide après les « limites franchies »
L’entraîneur Truong Minh Sang, ancien multiple médaillé d’or aux SEA Games et actuel entraîneur principal de l’équipe nationale masculine de gymnastique artistique, partage son expérience sur le terrain : les athlètes de haut niveau doivent inévitablement dépasser leurs limites, mais sans une récupération adéquate, le corps entre dans un état de fatigue chronique menant à des blessures.

Selon lui, de nombreuses blessures ne proviennent pas d’accidents mais d’une mauvaise gestion de la charge d’entraînement et d’une récupération inadéquate.
Les grandes nations sportives considèrent la récupération comme une phase obligatoire de l’entraînement, au même titre que le travail physique ou technique. Au Vietnam, en revanche, cet aspect est encore largement négligé ou traité de manière empirique.
Nous manquons de bases de données, d’outils de mesure de la charge d’effort, ainsi que de personnel technique dédié à la récupération.
Certains centres disposent d’équipements, mais sans opérateurs qualifiés ou sans protocole d’exploitation optimal.
Actuellement, plusieurs centres d’entraînement ne comptent qu’un ou deux médecins pour l’ensemble des athlètes de disciplines variées, alors que dans les pays avancés, chaque équipe dispose de son propre médecin suivant les athlètes de la préparation jusqu’à la compétition.
« Je suis allé au Japon, où j’ai vu un centre de récupération entièrement automatisé, avec bain froid, soins, massage… Le tout sans personnel permanent. Résultat, les athlètes peuvent reprendre l’entraînement dès le lendemain avec la même intensité, tout en maintenant une efficacité optimale », témoigne Truong Minh Sang.
Nguyen Thi Oanh, athlète emblématique de l’athlétisme vietnamien ces cinq dernières années, ayant remporté 4 médailles d’or en trois jours aux SEA Games 32, a elle aussi souligné ce déficit:
« J’ai été blessée et suivie au centre d’entraînement, mais les équipements médicaux disponibles restent très limités. Certaines machines existent, mais elles ne suffisent pas. J’espère qu’on pourra disposer de dispositifs plus avancés comme les systèmes de suivi des paramètres de performance, de mesure de la charge d’effort et d’assistance à la récupération. Ce sont des éléments cruciaux qui influencent directement les performances en compétition. »
Partant de la situation de l’équipe nationale d’athlétisme — discipline comptant le plus d’épreuves dans les grands événements sportifs — Nguyen Manh Hung, secrétaire général de la Fédération vietnamienne d’athlétisme, admet lui aussi:
« La récupération physique reste un énorme point faible dans le sport de haut niveau. Aujourd’hui, les centres d’entraînement nationaux manquent cruellement de médecins pour chaque équipe. En athlétisme, les athlètes s’entraînent et concourent à des rythmes très élevés, ce qui rend les surcharges et la fatigue chronique inévitables. Pourtant, les moyens de récupération restent très limités. Les installations de cryothérapie, de sauna ou de massage ne sont présentes que dans quelques centres, et leur fonctionnement est souvent entravé par le manque de personnel qualifié et l’absence de protocoles adaptés. »
La situation de l’athlétisme reflète celle de nombreuses équipes nationales : les contraintes de budget limitent fortement l’application des technologies scientifiques. M. Hung précise : « Nous avons autrefois bénéficié d’un projet de coopération avec l’Allemagne, permettant des analyses biologiques après chaque entraînement grâce à des prélèvements sanguins. Les résultats servaient à adapter l’intensité de travail de chaque athlète. Mais après la fin du projet, faute de matériel de remplacement, nous avons dû abandonner cette méthode. »

Ce constat révèle un paradoxe : bien que le Vietnam regorge d’athlètes talentueux réalisant de remarquables exploits malgré des conditions limitées, l’absence de fondations scientifiques solides compromet la pérennité et le développement durable du sport de haut niveau.
Une exigence issue de la réalité
Pour résoudre l’équation de l’investissement dans la science appliquée au sport, notamment en matière de récupération, les autorités sportives ont entamé de nouvelles démarches.
Le 4 juillet 2025, le Département général des sports du Vietnam a signé un accord de coopération avec la société technologique Dreamax pour introduire l’intelligence artificielle (IA) dans l’entraînement et la récupération du sport de haut niveau.
Dans un premier temps, ce programme sera appliqué à quatre équipes nationales : taekwondo, boxe, tir à l’arc et tir sportif.
Nguyen Danh Hoang Viet, directeur général du Département des sports du Vietnam, déclare : « Nous visons les médailles d’or aux ASIAD et aux Jeux olympiques. Pour cela, la science et la technologie doivent être des piliers fondamentaux — on ne peut plus se reposer uniquement sur la volonté ou l’expérience. L’intelligence artificielle permettra non seulement d’analyser les techniques et d’évaluer les performances, mais aussi d’optimiser le pic de forme, de contrôler la charge d’entraînement et de prévenir les blessures.
En parallèle, nous développons un projet de transformation numérique, avec la mise en place d’une base de données numérique complète pour tous les athlètes, depuis les jeunes talents jusqu’aux équipes nationales. Sans données, il est impossible de s’adapter efficacement. Ce qu’on ne peut pas mesurer, on ne peut pas contrôler. »
Du point de vue de la recherche et de l’application, le docteur Vu Thai Hong, directeur de l’Institut des sciences et technologies du sport, affirme : la science et la technologie ne doivent plus être considérées comme des éléments accessoires, mais comme des fondations incontournables du sport de haut niveau.
L’Institut travaille actuellement avec des partenaires internationaux pour créer à Ho Chi Minh-Ville un centre sportif répondant aux normes olympiques, intégrant l’entraînement, la récupération, l’évaluation de la condition physique des athlètes.
En parallèle, un programme d’évaluation de la condition physique des élèves est déployé à l’échelle nationale, afin d’orienter précocement la détection et la formation des jeunes talents sportifs.