« Neo Chèo » : ancrer la tradition dans le monde moderne
Porté par un groupe d’étudiants de l’Université FPT à Hanoï, « Neo Chèo » est un projet de communication culturelle imaginé pour « ancrer » (le mot Neo signifie ancre) les valeurs du théâtre Chèo dans la vie contemporaine.
Les cinq initiateurs, Le Cao Thien, Do Huong Thao, Do Phuong Linh, Tran Duc Anh et Do Trung Kien, souhaitent rapprocher les jeunes de cet art populaire à travers des formats créatifs et immersifs.
En novembre prochain, le projet donnera lieu à une exposition artistique et un colloque intitulé « Chiếng ca Chèo kéo » à Hanoï. Costumes, instruments, accessoires et éléments scéniques du Chèo y seront présentés sous forme numérique et interactive, afin d’offrir au public une expérience sensorielle entre tradition et innovation.

L’exposition sera suivie d’une table ronde où artistes confirmés et jeunes créateurs dialogueront sur la manière d’interpréter et de transmettre le « souffle » du Chèo à travers des approches contemporaines.
Du patrimoine à la création : le pari de la Génération Z
Dans le cadre du projet, le groupe lancera également un clip d’animation musicale, « Duyên phận phải chiều », inspiré de l’air traditionnel « Đường trường phải chiều ». Cette version revisitée mêlera graphisme, narration et musique moderne pour attirer un nouveau public sans trahir l’essence du Chèo.
Une autre initiative, le concours créatif « Neo nhịp Chèo – Đan nhịp trẻ », invitera les jeunes à puiser dans le répertoire du Chèo pour concevoir des œuvres nouvelles, musicales, visuelles ou numériques, illustrant la rencontre entre héritage et créativité.
« Nous ne cherchons pas à transformer le Chèo, mais à créer un chemin où les jeunes peuvent le redécouvrir, le comprendre et l’aimer à travers leur propre langage artistique », explique Tran Duc Anh, responsable du contenu du projet.

Des jeunes qui s’approprient leur héritage culturel
Selon une enquête menée par Neo Chèo auprès de plus de 300 étudiants du nord du Vietnam, 97 % connaissent le Chèo, mais peu en comprennent réellement les codes et la richesse. Pourtant, 92 % affirment qu’il s’agit d’un pilier de la culture nationale et se disent prêts à s’y intéresser davantage à condition qu’il soit présenté sous une forme plus attractive.
Les chiffres révèlent également une attente forte : 96 % souhaitent voir le Chèo fusionner avec des genres modernes, comme le rap ou la musique électronique, ou s’inviter dans la mode et les contenus numériques.
« Ces résultats montrent que les jeunes ne rejettent pas la tradition, mais ils attendent simplement qu’on leur parle dans un langage qu’ils comprennent », souligne Do Phuong Linh, chargée de la conception visuelle du projet.
Entre tradition et innovation : un dialogue générationnel

Pour guider ces jeunes créateurs, la docteure Vu Viet Nga, professeure à la Faculté des technologies de la communication (Université FPT), accompagne le projet en tant que mentor.
« Contrairement aux idées reçues, la Génération Z n’est pas détachée de ses racines. Beaucoup de projets récents montrent qu’elle sait faire dialoguer patrimoine et innovation. Neo Chèo en est une belle preuve : ses membres ne font pas un simple exercice académique, ils vivent et réinventent le Chèo avec passion et respect », déclare-t-elle.
Les étudiants collaborent également avec le Théâtre du Chèo de Hanoï et plusieurs artistes chevronnés, comme le journaliste et dramaturge Mai Van Lang, pour approfondir leur compréhension des techniques et de l’esprit du Chèo.
« Les maîtres du Chèo sont pour nous des phares culturels : ils nous aident à ne pas nous égarer dans notre créativité », confie Tran Duc Anh.
Faire vivre la tradition dans le présent
Le message de Neo Chèo est clair : préserver, ce n’est pas figer. Pour ces jeunes, la tradition doit respirer au rythme du monde moderne.
« Conserver le Chèo, c’est le laisser vivre avec les nouvelles générations. Quand un jeune se reconnaît dans un air, un costume ou une scène, le Chèo devient une part naturelle de sa vie quotidienne », explique Le Cao Thien, coordinateur du projet.

Grâce à cette vision ouverte, Neo Chèo dépasse le cadre d’un simple projet universitaire. Il devient un mouvement culturel où les jeunes ne sont plus de simples spectateurs, mais des cocréateurs de patrimoine.
« Le Chèo ne disparaît pas, il se transforme pour continuer à exister. Et c’est cette transformation, guidée par la passion et la conscience culturelle des jeunes, qui garantit sa pérennité », conclut la docteure Vu Viet Nga.