La soie vietnamienne renforce sa production durable et se prépare à conquérir le monde

En misant sur les matières naturelles et en s’orientant vers les standards ESG, les entreprises vietnamiennes démontrent leur capacité à aller plus loin sur le chemin de l’intégration de la soie vietnamienne au marché mondial.

Des produits de soie brute de Nam Cao. Photo : congthuong.vn
Des produits de soie brute de Nam Cao. Photo : congthuong.vn

Des savoir-faire artisanaux, un atout pour porter la soie vietnamienne à l’international

Depuis longtemps, la soie du Vietnam est considérée comme une expression raffinée de la culture et de l’histoire nationales. Chaque pièce de soie est le fruit de la minutie, de la patience et de la créativité des artisans. Dans le contexte de la modernisation et de l’ouverture, de nombreux villages de métier ont cherché à se réinventer afin de répondre aux nouvelles exigences du marché. La soie tussar (soie brute) de Nam Cao figure parmi les exemples les plus emblématiques : elle préserve l’âme des traditions tout en osant s’ouvrir aux marchés internationaux.

Selon Luong Thanh Hanh, directrice de la coopérative de soie de Nam Cao (province de Hung Yen), l’entreprise met chaque année sur le marché près de 30 000 produits, principalement des foulards, des chemises et des articles de mode haut de gamme. Outre le marché intérieur, la République de Corée constitue aujourd’hui une destination majeure pour la soie de Nam Cao, aux côtés des États-Unis, du Royaume-Uni, de la France, de l’Allemagne et de plusieurs pays européens. Malgré les fluctuations économiques mondiales, la demande des consommateurs sensibles aux matières naturelles et respectueuses de l’environnement continue de croître régulièrement, offrant une base stable aux exportations.

Luong Thanh Hanh souligne que, lors des échanges avec les partenaires sud-coréens, ces derniers accordent de plus en plus d’attention non seulement à la qualité des produits, mais également à leur dimension culturelle, à la sécurité des procédés de fabrication et aux critères ESG. Le respect des normes ESG devient ainsi un indicateur déterminant pour les entreprises exportatrices et ouvre la voie à une meilleure visibilité des produits artisanaux vietnamiens.

« Les partenaires sud-coréens apprécient tout particulièrement les teintures issues de matières naturelles et les couleurs qui conservent le caractère brut de la soie vietnamienne. Cet aspect fait des produits artisanaux un atout considérable : à la fois différenciants et porteurs d’identité culturelle », explique Mme Hanh.

Contrairement au marché européen, où les consommateurs privilégient les textures brutes, les aspects irréguliers et les détails faits à la main, les acheteurs sud-coréens préfèrent une soie douce, légère et aux couleurs éclatantes. La flexibilité des créations, les teintures naturelles et la capacité à s’adapter aux préférences régionales permettent à Nam Cao de répondre avec finesse aux attentes de chaque segment de clientèle.

Afin d’améliorer la qualité et d’élargir la palette de teintures, l’entreprise prévoit en 2026 de collaborer avec le Musée de la teinture naturelle en République de Corée pour développer de nouvelles gammes chromatiques à partir de plantes tinctoriales, respectueuses de l’environnement. Cette démarche stratégique vise à rapprocher davantage la soie vietnamienne du segment haut de gamme, où la dimension durable est un critère essentiel.

Préserver le métier, préserver les artisans : l’ambition d’élever la soie vietnamienne

Construire une marque de soie ne se résume pas à l’achat, la vente ou l’exportation. Pour Mme Hanh, il s’agit surtout d’assumer la responsabilité de préserver un métier ancestral. La filière de la soie est longue : plantation du mûrier, élevage du ver à soie, filage, tissage, teinture, finition des produits. Elle requiert persévérance et une importante main-d’œuvre locale. Maintenir cette chaîne de valeur intégrée signifie assurer des emplois stables aux habitants, leur permettant de vivre du métier et de ne pas quitter les campagnes pour les grandes villes.

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Luong Thanh Hanh, directrice de la coopérative de soie brute de Nam Cao (province de Hung Yen) (deuxième à partir de la droite), présente les produits de la coopérative à une cliente.

Aujourd’hui, la principale source de cocons provient de Lam Dong, « capitale » vietnamienne du mûrier et du ver à soie, ainsi que de régions telles que Gia Lai, Lao Cai ou Cao Bang. Pourtant, la réalité montre que si le Vietnam figure parmi les trois plus grands exportateurs mondiaux de soie brute, les entreprises spécialisées dans la transformation approfondie pour créer des produits à forte valeur ajoutée restent peu nombreuses. « Nous exportons beaucoup de matière brute sans exploiter pleinement la dimension culturelle et artisanale de ce métier. C’est vraiment regrettable », confie Mme Hanh.

Selon elle, si les étapes de transformation et de finition étaient menées jusqu’au bout, la valeur commerciale de la soie pourrait être multipliée. Plus encore, le métier traditionnel serait consolidé : les habitants resteraient au pays, disposeraient d’un revenu stable et le savoir-faire local serait transmis aux générations futures. « Préserver le métier, c’est aussi préserver les artisans et l’essence même de l’identité vietnamienne », insiste Mme Hanh.

Dans la dynamique du développement durable et de la consommation responsable, la soie artisanale vietnamienne dispose d’un fort potentiel d’essor. Toutefois, les petits producteurs doivent relever plusieurs défis : manque de capitaux, techniques de teinture naturelle encore peu standardisées et absence d’espaces de mise en valeur de l’histoire de la soie. Mme Hanh espère que de futures politiques de soutien permettront aux entreprises artisanales d’élargir leur production et de renforcer leur présence à l’international.

Les perspectives pour 2026 s’annoncent favorables, les produits d’artisanat vietnamien devant continuer de bénéficier des avantages des accords de libre-échange (ALE), ouvrant de grandes opportunités pour les articles en soie. L’entreprise vise une intensification de ses exportations vers les États-Unis tout en consolidant le marché sud-coréen, où la demande en soie demeure élevée et où les tendances locales privilégient de plus en plus les matières naturelles.

Le chemin de la soie vietnamienne à l’international est loin d’être rectiligne. Mais grâce à la persévérance, à l’amour du métier et à l’esprit de « l’authenticité assumée », les soieries tissées par les artisans de Nam Cao contribuent à valoriser la tradition vietnamienne sur la scène mondiale. Chaque mètre de soie exporté porte en lui une valeur économique, mais également une histoire : celle de la culture, de la résilience et d’un savoir-faire qui traverse les siècles.

La soie de Nam Cao n’est pas seulement un produit, mais une quintessence. Le parcours qui la conduit aujourd’hui à conquérir les marchés internationaux en est la preuve la plus éclatante : un savoir-faire traditionnel, lorsqu’il est préservé avec justesse, peut pleinement rayonner à l’ère de la mondialisation.

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