Le système de valeurs culturelles — La force incomparable du Vietnam

L’ambassadeur Pham Sanh Chau est connu pour sa passion envers la diplomatie culturelle.

Des diplomates étrangers lors d’une activité de découverte de la culture traditionnelle vietnamienne. Photo: baoquocte.vn
Des diplomates étrangers lors d’une activité de découverte de la culture traditionnelle vietnamienne. Photo: baoquocte.vn

Surnommé « l’ambassadeur du patrimoine », il s’est toujours soucié de promouvoir la culture vietnamienne à l’étranger, contribuant ainsi à construire un système de valeurs culturelles — une forme de puissance douce qui permet au Vietnam de surmonter toutes les difficultés.

En tant que diplomate attaché depuis de nombreuses années à la diplomatie culturelle, comment percevez-vous votre « mission » ?

J’ai eu la chance, lorsque j’ai commencé à mettre en œuvre les orientations de mes supérieurs en matière de diplomatie culturelle, de le faire à un moment où le pays était déjà entré dans une phase de stabilité, après avoir brisé l’encerclement et l’embargo imposés de l’extérieur, qu’ils soient politiques, économiques ou diplomatiques. Vers 2005-2006, soit environ vingt ans après le Doi Môi (Renouveau), le pays commençait à s’épanouir. Cela a rendu mon travail beaucoup plus aisé.

Je comprends que mes prédécesseurs ont dû déployer d’immenses efforts pour faire connaître à nos amis internationaux la justesse de notre cause : défendre la patrie, réunifier le pays, puis préserver la paix et la stabilité de la région.

À l’époque où j’ai exercé dans le domaine de la diplomatie culturelle, le contexte était très favorable. Nous avions déjà beaucoup à « montrer ». Et la diplomatie culturelle, c’est un peu comme la vie familiale : lorsqu’on rencontre des proches, la première question est souvent : « Comment allez-vous ? Et les enfants ? », et bien sûr, chacun a envie de partager quelque chose de positif sur sa famille. Mon travail, en déployant la diplomatie culturelle et en façonnant la puissance douce du Vietnam, consistait donc à déterminer ce qu’il fallait « montrer » et comment le faire.

Selon vous, quel est l’élément le plus important pour réussir en diplomatie culturelle ?

Avant tout, il faut bien comprendre ce qu’est la diplomatie culturelle. À mon sens, en tant que praticien, elle doit réunir deux composantes : une substance culturelle et une substance diplomatique. Si nous ne faisons que de la culture, nous sommes des acteurs culturels ; si nous ne faisons que de la diplomatie, nous sommes des diplomates défendant les intérêts du pays au sens classique du terme.

Mais le diplomate culturel, lui, est un diplomate qui doit promouvoir la mise en œuvre de politiques culturelles et utiliser la culture comme un instrument pour exprimer la puissance douce du Vietnam. L’essentiel est de transmettre des messages culturels et de créer une véritable différence.

Dans cette optique, sur quels éléments le Vietnam doit-il mettre l’accent dans sa diplomatie culturelle ?

Selon l’UNESCO, un pays peut être plus puissant sur le plan militaire, plus peuplé ou plus riche économiquement. Mais en matière de culture, il faut respecter les différences : toutes les cultures se valent et ont la même force.

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Le Vietnam est un pays qui chérit et aspire toujours à la paix. Photo: baoquocte.vn

Notre diplomatie culturelle actuelle possède de nombreux atouts. Tout d’abord, nous avons une histoire glorieuse et héroïque. Cette histoire constitue un bagage et un patrimoine inestimable à partager.

Le monde a connu le Vietnam à travers ses victoires contre de grandes puissances coloniales et impérialistes, un Vietnam héroïque. Mais je tiens à préciser que la culture vietnamienne n’est pas une culture de la victoire. Nous ne devons pas nous présenter comme « Vietnam — pays de la guerre » ou « Vietnam — pays des victoires ». Non !

Nous devons transmettre l’image d’un Vietnam qui aime et recherche toujours la paix. Notre message est un message de paix. Nous n’avons pris les armes que par nécessité pour défendre la patrie, et lorsque nous avons remporté la victoire, nous étions conscients des douleurs et des pertes des deux côtés. Nous sommes prêts à tourner la page du passé pour regarder vers l’avenir.

Lorsque nous affirmons être capables de tourner la page, cela signifie que nous savons pardonner. Or, la capacité de pardon est immense : seuls les pays dotés d’un haut degré de culture, d’une grande finesse et d’une grande résilience peuvent pratiquer une véritable « culture du pardon ».

En même temps, nous devons « montrer » au monde nos valeurs profondes, nos croyances. Nous croyons au bien, et nous nous inspirons des pensées, des idéaux et de la philosophie du bouddhisme.

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L’ambassadeur Phạm Sanh Châu estime que l’élément personnel et l’identité individuelle sont essentiels en diplomatie. Photo : baoquocte.vn

La stratégie diplomatique du Vietnam, comparée par feu le secrétaire général Nguyen Phu Trong à « la diplomatie du bambou », porte l’empreinte vietnamienne. Nous avons une philosophie diplomatique de longue date : nous ne choisissons jamais le camp, jamais l’affrontement, jamais l’extrémisme. Mais nous ne choisissons pas non plus la lâcheté ou la capitulation. Nous choisissons la justice — un chemin grandiose.

Toutes ces qualités doivent être partagées. Aucun autre pays au monde ne possède un univers spirituel aussi singulier que le Vietnam. Certes, chaque nation a ses religions, toutes respectables et porteuses de valeurs. Mais le Vietnam possède le culte des ancêtres – issu notamment du culte des rois Hùng, de la Mère sacrée… – qui nourrit la foi des Vietnamiens en des valeurs positives.

Le système de valeurs culturelles qui fonde la force du Vietnam est constitué de tout cela. La culture vietnamienne ne peut se réduire à une chanson, une pièce de théâtre ou un film. Ce ne sont que des formes d’expression. Ce qui importe le plus, c’est de mettre en avant et de faire de ce système de valeurs un pilier de notre diplomatie culturelle. C’est ce système qui engendre la puissance douce du Vietnam, et c’est grâce à cette puissance douce que notre pays a triomphé de tous les envahisseurs au fil de l’histoire.

Dans votre carrière diplomatique, vous avez tissé de nombreuses relations personnelles à l’échelle internationale, avec des responsables politiques, des diplomates, des chercheurs, des économistes… Quelle importance accordez-vous à ces relations dans la stratégie diplomatique globale ?

Je pense que l’une de mes contributions à la politique diplomatique du Vietnam est d’avoir introduit une dimension de personnalisation. Aujourd’hui, je travaille dans un grand groupe privé vietnamien, dont la stratégie de développement repose sur trois axes : la systématisation, la personnalisation et la simplification. Parmi ces axes, la personnalisation joue un rôle crucial.

La diplomatie vietnamienne est excellente, et ses 80 ans d’accomplissements sont largement reconnus. Mais pour entrer dans une nouvelle ère, pleine de défis et de bouleversements, la diplomatie doit franchir une nouvelle étape.

Nous devons atteindre trois objectifs :

D’abord, créer une motivation plus forte encore pour nos diplomates.

Ensuite, chaque diplomate doit s’efforcer de devenir un professionnel : un comportement professionnel, une expression professionnelle, une tenue professionnelle, des interventions professionnelles, une ponctualité professionnelle, une écriture professionnelle… Tout doit être normé et rigoureux.

Enfin, il faut préserver une dimension personnelle, une identité individuelle. On parle souvent de « marque personnelle » : je crois que c’est vrai. Dans bien des cas, j’ai réussi à obtenir des résultats diplomatiques grâce à ma propre identité.

Il est des situations où, malgré les blocages politiques, un simple appel téléphonique, un repas partagé ou une conversation sincère suffisent à convaincre : « Je traverse actuellement une difficulté, je sais comment fonctionne votre gouvernement, mais je vous demande de m’aider… ». Dans ces moments-là, la dimension personnelle est déterminante.

Merci, Monsieur l’ambassadeur.

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