Loin des stigmates de la guerre, le Vietnam d'aujourd'hui est une nation dynamique, ouverte et ambitieuse. Pour Daniel Van Houtte, expert belge ayant suivi de près l'évolution du pays, le Vietnam incarne un modèle de résilience, d'adaptation et d'ascension économique. Son regard expérimenté offre une analyse fine des progrès réalisés et des défis à venir.
Un tournant décisif : la politique de Đổi Mới (Renouveau)
À la sortie de la guerre, le Vietnam adopte un modèle économique centralisé inspiré de l'URSS. Toutefois, ce modèle a entraîné rapidement des pénuries alimentaires, une stagnation industrielle et une pauvreté généralisée. Selon Daniel Van Houtte, cette situation oblige le gouvernement vietnamien à revoir radicalement sa stratégie.
C'est dans ce contexte qu’est née la politique de Đổi Mới en 1986, « un véritable tournant vers une économie de marché à orientation socialiste », selon Van Houtte. La libéralisation de l'agriculture en 1988, l'ouverture aux investissements étrangers et la restructuration des entreprises publiques ont permis au pays d'engager une transformation structurelle profonde.
À ses yeux, cette transition n’a pas seulement favorisé une croissance rapide du PIB ; elle a aussi permis de réduire drastiquement la pauvreté, d'intégrer le Vietnam au commerce mondial et d'améliorer l'efficacité économique globale.
Une jeunesse dynamique, un enjeu éducatif stratégique
Pour Daniel Van Houtte, l’un des facteurs les plus prometteurs du développement vietnamien réside dans sa jeunesse. Il décrit une génération "dynamique, ambitieuse, dotée d’un esprit entrepreneurial prononcé et d’une capacité remarquable à adopter les nouvelles technologies". « Leur détermination, leur esprit entrepreneurial et leur capacité d'adaptation aux nouvelles technologies sont remarquables », souligne-t-il.
Cependant, Van Houtte met en garde contre certaines faiblesses structurelles qui pourraient freiner cet élan. Le système éducatif vietnamien reste encore trop axé sur l'apprentissage par cœur, au détriment de l'esprit critique, de la créativité et de l'innovation. La pression académique intense et le manque d’expérience pratique constituent également des freins à la pleine exploitation du potentiel des jeunes talents.
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Entretien entre la journaliste du journal Nhân Dân et M. Daniel Van Houtte sur les changements du Vietnam depuis la réunification. Photo: Minh Hanh/NDEL |
Dans cette dynamique de modernisation éducative, il souligne l'importance d’investir massivement dans l’éducation numérique, la maîtrise des langues étrangères, ainsi que dans des programmes favorisant la pensée critique et créative. À cet égard, Daniel Van Houtte cite l'International School of Management and Economics (ISME), intégrée à l'Université Nationale d'Économie (NEU) du Vietnam, comme un exemple concret des efforts de modernisation de l'enseignement supérieur.
ISME joue un rôle clé dans l'ouverture académique du pays en proposant des programmes internationaux en partenariat avec des universités prestigieuses du Royaume-Uni et des États-Unis ; en offrant des formations de master et de doctorat en collaboration avec des institutions européennes de renom ; en appliquant des méthodes pédagogiques avancées inspirées des meilleures pratiques mondiales ; et en renforçant les échanges académiques pour mieux préparer les étudiants vietnamiens à la compétitivité globale.
Pour Van Houtte, ces initiatives sont essentielles pour construire un capital humain robuste, moteur du développement futur du Vietnam.
Diplomatie du bambou : la stratégie d'un pays indépendant
Sur le plan géopolitique, Daniel Van Houtte salue la stratégie de la diplomatie du bambou, introduite en 2016 par le Secrétaire général Nguyên Phu Trong. Cette approche, inspirée du bambou à la fois souple et enraciné, permet au Vietnam de manœuvrer habilement entre les grandes puissances, tout en défendant fermement ses intérêts nationaux.
Dans un contexte international marqué par une rivalité exacerbée entre la Chine et les États-Unis, cette politique de diversification et de multilatéralisation est, selon Van Houtte, un gage de stabilité et de souveraineté pour le Vietnam.
Les défis du développement durable
Daniel Van Houtte attire l’attention sur la nécessité de ne pas sacrifier l’environnement au profit de la croissance économique. Le développement rapide des infrastructures doit s’accompagner d'une meilleure gestion des déchets, d’une transition vers des énergies renouvelables, et d'une industrialisation verte.
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Le professeur Daniel Van Houtte, expert belge. Photo: Minh Hanh/NDEL |
Face aux enjeux climatiques mondiaux, le Vietnam pourrait, selon lui, « devenir un leader régional dans les technologies vertes, notamment dans les domaines de l’énergie solaire et éolienne ».
Un avenir à construire : entre optimisme et vigilance
S'il se montre admiratif des progrès réalisés, Daniel Van Houtte reste lucide quant aux défis qui attendent le Vietnam. Il souligne la nécessité d'une gouvernance agile, de réformes continues dans l'éducation et l'innovation, et d'une vigilance constante dans l'équilibre de ses alliances internationales.
Pour cet observateur averti, le Vietnam, fort de son expérience historique, de son dynamisme démographique et de sa capacité d'adaptation, est prêt à écrire un nouveau chapitre de son développement, à condition de garder le cap sur un modèle de croissance inclusif, durable et souverain.