Sous l'ombre des tentes faites de bâches multicolores, les pêcheurs de Mui Ne (province de Lam Dong, au Centre du Vietnam) s'affairent à réparer leurs bateaux et à démêler leurs filets.
Dans les eaux peu profondes, des femmes coiffées de chapeaux coniques trient avec agilité les fruits de mer fraîchement pêchés, escargots, crevettes, crabes bleus, et remuent les anchois dans de grands tonneaux pour faire du nuoc mam.
L'odeur intense de la sauce de poisson imprègne l'air, si dense qu'on croirait pouvoir la toucher.
Sur l'eau, des embarcations en bois, peintes de toutes les couleurs, jaune, bleue, rouge, se balancent, amarrées.
La poupe de chaque jonque est ornée d'une paire d'yeux perçants, comme si elle surveillait chaque pas des étrangers.
Les habitants croient que ce sont les « yeux divins », symboles du « ca Ong », la sainte divinité marine, écrit le journaliste Daniel Stables du magazine National Geographic.
Les gens croient que les baleines sont les dieux de la mer du sud, ayant autrefois sauvé les pêcheurs en détresse lors de tempêtes, et cette croyance perdure dans la vie spirituelle de nombreuses générations de Mui Ne.

Le paysage paisible de Mui Ne vu par le photographe de National Geographic. Photo : Ulf Svane.
Ironiquement, ce sont les vents qui poussaient autrefois les gens à prier pour la sécurité qui attirent désormais les touristes.
Mui Ne connaît environ 260 jours de vents forts par an, avec deux saisons de vent distinctes, la mousson du sud-ouest de juin à septembre, et la mousson du nord-est les autres mois, ce qui créent les conditions idéales pour les sports nautiques tels que la planche à voile, le kitesurf, le stand-up paddle et le surf.
Nguyen Tan Hung, entraîneur de kitesurf au Mui Ne Sailing Club, est l'un des premiers à avoir été témoin de la transformation de sa ville natale.
Né dans une famille de pêcheurs, il a suivi son père en mer, grandissant sur les bateaux ornés des « yeux divins de la mer ».
Hung dit qu'il a « l'eau de mer dans le sang ».
Il croit absolument au « ca Ong », car son père a personnellement vu le dieu de la mer sauver des gens au milieu d'une tempête.
Hung se souvient clairement du tournant qui a changé la vie de Mui Ne en 1995, lorsque des milliers de personnes ont afflué à Mui Ne pour observer une éclipse solaire totale.
« Avant cela, personne ne connaissait Mui Ne. Mais après ce jour-là, tout a changé », raconte-t-il.
Les visiteurs sont séduits par les dunes de sable rouge à perte de vue, les rangées de casuarinas rafraîchissantes et la mer aux vagues calmes et régulières.
Pour les amateurs de sports nautiques, ce qui les passionne, c'est le vent, stable et puissant, mais prévisible.
Depuis lors, Mui Ne est devenue une destination pour les sports nautiques, plus paisible que les paradis des sports nautiques en Thaïlande ou aux Philippines.

Mui Ne est comme un tableau au lever et au coucher du soleil. Photo : Linh Huynh.
Outre la mer et le vent, Mui Ne abrite également le temple de Van Thuy Tu, qui conserve des milliers de squelettes de baleines repêchés le long de la côte au fil des siècles.
Selon Ly Nham, le gardien du temple, le temple a été construit en 1762. Derrière l'autel principal se trouve une grande vitrine, remplie de mâchoires de baleines, certaines mesurant jusqu'à 4 mètres de long. Dans la pièce voisine se trouve un squelette de baleine de plus de 20 mètres de long, considéré comme le plus grand d'Asie du Sud-Est.
« Ce squelette s'est échoué en 1800, mais le “ca Ong” avait déjà sauvé des pêcheurs bien avant cela. Pour nous, le “ca Ong” est l'ange gardien de la mer », déclare M. Nham.
Quand le soir tombe, le soleil dore la Suoi Tien, une petite source serpentant à travers des falaises d'argile rouge sinueuses et pittoresques.
Les vagues se calment, le vent s'arrête, Mui Ne retrouve son aspect originel et paisible.
Selon M. Hung, cette semaine, le « ca Ong » retient le vent pour les pêcheurs, et non pour les kitesurfeurs.