Au milieu du rythme de vie trépidant à l’étranger, préserver la langue maternelle pour les enfants demeure une préoccupation majeure de nombreuses familles de la diaspora vietnamienne.
Forte de sa propre expérience, la docteure Tra My, présidente de l’Association des entrepreneurs vietnamiens en Chine, partage les enseignements concrets qui ont permis à sa fille CiCi (Simona Tu Mac), née et élevée en Chine, de maîtriser parfaitement le vietnamien.
Selon elle, l’essentiel réside dans la création d’un environnement entièrement vietnamophone au sein de la famille dès la naissance, combiné à des séjours réguliers au Vietnam pour permettre à l’enfant de s’imprégner de la langue maternelle et de la culture du pays natal.
Le principe immuable : « Ne parler vietnamien qu’avec son enfant ! »
Contrairement à de nombreuses familles vietnamiennes vivant dans un contexte bilingue, elle s’est fixée une règle absolue : depuis la naissance de sa fille, elle ne s’adresse à elle qu’en vietnamien, dans toutes les interactions du quotidien. La langue maternelle doit être le vietnamien. Ainsi, pour comprendre sa mère, l’enfant doit écouter, comprendre et parler vietnamien.
Grâce à cette constance, le vietnamien est devenu pour CiCi une « langue naturelle » dès ses premiers babillages. Lorsque la petite utilisait par mégarde le chinois, sa mère feignait de ne pas comprendre et l’invitait doucement à reformuler en vietnamien. Cette persévérance sans pression a permis à la langue vietnamienne de s’enraciner en elle, jusqu’à devenir spontanément la langue des échanges entre mère et fille.
Aujourd’hui, chaque soir, après ses devoirs, CiCi lit encore deux pages de vietnamien. Le week-end, elle fait des appels vidéo à ses proches au Vietnam pour raconter les événements marquants de sa semaine. Elle possède son propre compte Zalo pour suivre les nouvelles quotidiennes en vietnamien et interagir régulièrement avec sa grande famille au Vietnam.
Ramener régulièrement son enfant au Vietnam : la clé pour raviver « la flamme » de la langue vietnamienne en elle
Pour Tra My, la maîtrise durable du vietnamien ne peut se construire que si l’enfant évolue au sein d’un véritable environnement linguistique, lui permettant de pratiquer naturellement la langue. La famille constitue alors le meilleur terrain pour cet apprentissage.
Immergée dans l’affection chaleureuse de sa famille au Vietnam, l’enfant développe un attachement sincère pour le pays natal, sa langue et sa culture.
« À chaque fête, chaque vacance, je ramène CiCi au Vietnam et je demande qu’elle puisse intégrer une classe dans une école maternelle, afin qu’elle puisse vivre pleinement dans la langue et la culture de son pays d’origine », a-t-elle confié.
Afin de doter sa fille de compétences linguistiques structurées, comparables à celles des enfants vivant au pays, Tra My a choisi de l’inscrire une année entière en classe de CP au Vietnam.
Les résultats ont dépassé toutes ses attentes : CiCi s’est adaptée rapidement, s’est intégrée avec aisance et a progressé au même rythme que ses camarades.
À la fin de l’année, elle a brillamment obtenu le titre d’élève excellente. Non seulement elle maîtrise les quatre compétences fondamentales, écouter, parler, lire et écrire, mais, encouragée par sa mère, elle compose même spontanément de petits poèmes en vietnamien.
De retour en Chine, la fillette apprend même le vietnamien à son professeur de chinois, enseigne à ses camarades à compter en vietnamien et à chanter l’hymne national du Vietnam. Pour CiCi, le vietnamien n’est plus seulement une langue : c’est la voix de la famille, de la patrie et du pays natal.
L’expérience de Tra My montre que pour préserver le vietnamien chez un enfant, les parents doivent s’engager à maintenir un environnement linguistique 100 % vietnamien dès le plus jeune âge. Cette langue ne doit jamais être remplacée dans la communication familiale.
Il faut également créer le plus d’occasions possibles de contact avec la famille, la culture et l’environnement vietnamien.
« D’après moi, la langue est l’âme du pays. Il est important de veiller à préserver la langue vietnamienne qui est le fil conducteur reliant les générations de chaque famille, mais aussi à valoriser les belles traditions vietnamiennes. L’enseignement et la préservation du vietnamien nécessitent une coopération étroite et une forte détermination de la part de la communauté et de chaque famille. L’État vietnamien a choisi le 8 septembre comme la Journée de la langue vietnamienne à l’étranger. Cette décision montre l’attention du Parti, de l’État et du gouvernement pour la diaspora vietnamienne dans le monde », a noté la docteure Tra My.
Des programmes destinés aux enfants de la diaspora vietnamienne
Dans cet esprit, le Comité d’État chargé des Vietnamiens résidant à l’étranger (relevant du ministère vietnamien des Affaires étrangères) a collaboré avec plusieurs établissements scolaires pour ouvrir des cours de vietnamien destinés aux enfants de la diaspora vietnamienne.
Il a également organisé des programmes de « camps d’été » spécialement conçus pour les jeunes vietnamiens du monde entier.
L’Ambassade du Vietnam en Chine, quant à elle, a organisé cette année des cours de vietnamien en ligne destinés aux enfants de la communauté vietnamienne résidant dans ce pays.
Ces cours a accueilli plus de 60 participants venant de plusieurs villes chinoises telles que Pékin, Shanghai, Tianjin, Chongqing, Shandong, Nanning... Deux niveaux sont proposés : un pour les apprenants débutants, l’autre pour ceux ayant déjà des connaissances en vietnamien.
Ces cours ont pour objectif de promouvoir l’apprentissage de la langue vietnamienne au sein de la communauté vietnamienne en Chine, de préserver l’identité culturelle nationale, et de renforcer les liens entre les Vietnamiens à l’étranger et leur pays d’origine.
Les familles d’origine vietnamienne peuvent saisir ces opportunités précieuses afin de permettre à leurs enfants d’apprendre la langue maternelle et de découvrir la culture de leur pays d’origine.
« Dans le contexte actuel où les relations d’amitié et de coopération intégrale entre le Vietnam et la Chine se développent vigoureusement, les talents maîtrisant les deux langues sont très recherchés. Permettre aux enfants de maîtriser le vietnamien, c’est aussi leur offrir un choix supplémentaire, une perspective d’avenir », a affirmé la docteure Tra My.