Le XVIIIe Sommet de la Francophonie est attendu les 19 et 20 novembre, sur l'île de Djerba (Tunisie). À cette occasion, l’Agence Vietnamienne d'Information a interviewé l'Ambassadeur Dinh Toàn Thang, Représentant permanent du chef de l'État du Vietnam auprès du Conseil permanent de la Francophonie (CPF) et de l'Organisation de la Francophonie Internationale (OIF).
Pourriez-vous évaluer le rôle et la position actuelle du Vietnam dans la Communauté francophone ?
Le Vietnam a toujours activement et substantiellement participé aux questions prioritaires de la communauté francophone, de l’élaboration de stratégies de coopération dans divers domaines tels l’économie, la culture, l'éducation, la santé, au maintien de la paix, en passant par la réforme administrative. Le Vietnam appartient au groupe des pays en développement qui sont considérés comme le noyau de la Francophonie et ont une voix importante dans la planification et la mise en œuvre des principales activités francophones. Renforcer la coopération avec les pays francophones s'inscrit dans la politique du Vietnam qui souhaite renforcer la multilatéralisation et la diversification de ses relations extérieures, son intégration internationale proactive et active, demeurer un membre, un ami et un partenaire fiable et responsable de la communauté internationale.
Le Vietnam apprécie également le rôle important et les contributions de l'OIF dans les forums internationaux et dans le renforcement de la compréhension, de la solidarité et de la coopération entre ses 88 pays membres et observateurs, contribuant au maintien de la paix et à la promotion du développement dans le monde. Les relations de coopération entre le Vietnam et la Francophonie sont de plus en plus étroites et bénéfiques. En 2021, le Premier ministre Pham Minh Chinh a effectué une visite de travail au siège de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) en France. C'était la première fois qu'un de nos hauts dirigeants visitait le siège de l'OIF.
La secrétaire générale de la Francophonie Louise Mushikiwabo a, pour sa part, effectué de nombreuses visites au Vietnam. Surtout en mars 2022, elle a dirigé la première délégation d'entrepreneurs francophones souhaitant nouer des relations commerciales et économiques au Vietnam.
Le Vietnam a été élu à de nombreuses reprises à des postes importants dans la Communauté francophone, comme celui de président du Comité économique (CPF) depuis mars 2019, membre du Conseil d'administration de l'Agence des universités de la francophonie (AUF) pour la période 2017 - 2021. L'actuel représentant en chef du Bureau régional de la Francophonie en Afrique de l'Ouest est une Vietnamienne.
Le Vietnam est également considéré comme la locomotive de la francophonie en Asie-Pacifique, comme en témoigne la présence de bureaux régionaux Asie-Pacifique de l'OIF et de l'AUF à Hanoï.
Cette année, le thème du XVIIIe Sommet de la Francophonie à Djerba est la "Connectivité dans la diversité : le numérique, vecteur de développement et de solidarité dans l'espace francophone". Pourriez-vous évaluer les opportunités et les défis du Vietnam en la matière ?
Compte tenu des grands avantages apportés par le numérique, la Communauté francophone prend des mesures importantes pour promouvoir le développement du numérique dans ses pays membres, notamment via la Stratégie numérique francophone 2022 - 2026 adoptée en décembre 2021 et le thème choisi pour le Sommet de cette année.
Pour le Vietnam, je pense qu'il y a beaucoup de potentiels pour une coopération et un investissement accrus dans l'espace francophone numérique. Avec une population jeune et passionnée par la technologie, ainsi qu'un pourcentage élevé d'utilisateurs d'Internet et de smartphones, nous nous modernisons et nous étendons progressivement les infrastructures de technologies de l'information et de la communication au niveau national. Nous promouvons également la création de l'e-gouvernement, la transformation numérique où le peuple est mis au centre, tout en créant une base pour promouvoir la croissance économique numérique, en formant un gouvernement et une société numériques. La qualité des ressources humaines en technologie au Vietnam est bonne. Chaque année, près de 50.000 étudiants sont diplômés en technologies de l'information ou liés au domaine du numérique.
En mars 2022, la Secrétaire générale de l’OIF Louise Mushikiwabo, accompagné d’une délégation d’hommes d’affaires francophones, est venu au Vietnam pour assister au Forum économique francophone de Hanoï et procéder à des échanges avec des entrepreneurs vietnamiens. Les produits et services numériques constituaient l'un des trois domaines de coopération abordés. Cela montre que le Vietnam est une destination d'investissement attractive dans le domaine de la technologie numérique, et ce d'autant plus que les entreprises vietnamiennes sont disposées à coopérer avec des partenaires francophones.
Les entreprises dans le domaine du numérique et des technologies de l'information du Vietnam se sont développées très rapidement et fortement, et sont capables de s'ouvrir au monde, notamment dans les pays membres francophones. Ainsi, le Groupe Viettel a investi dans les systèmes de télécommunications de certains pays francophones tels que le Laos, le Cambodge, Haïti, le Cameroun, le Burundi, la Roumanie, et les groupes FPT et VNPT ont également investi et exporté leurs produits technologiques vers d'autres pays.
Cependant, outre les opportunités, la coopération dans le numérique entre le Vietnam et les pays francophones fait également face à des défis. Les ressources humaines technologiques francophones du Vietnam sont encore limitées, ce qui a un certain impact sur la connectivité. Nos ressources financières et celles des pays francophones ayant des besoins de coopération sont limitées. La portée des entreprises vietnamiennes et la compréhension entre les deux parties laissent encore à désirer. Nos entreprises doivent être plus proactives, les ministères et branches concernés doivent également renforcer leur soutien et dynamiser les entreprises vietnamiennes dans cette coopération.
La coopération économique dans la Communauté francophone est une initiative que le Vietnam a proposée dans le cadre du Sommet de Hanoï en 1997. Outre les piliers politiques, culturels et éducatifs, l'économie est aussi un pilier pour la force durable de la communauté francophone. Pourriez-vous évaluer les résultats obtenus dans ce domaine de coopération depuis lors ? Selon vous, que devraient faire le Vietnam et les autres pays pour favoriser ce volet ?
Depuis le lancement de la coopération économique dans l'espace francophone lors du VIIe Sommet à Hanoï en 1997, le Vietnam a obtenu de nombreuses réalisations remarquables dans ce domaine. Jusqu'à présent, le Vietnam a noué des échanges commerciaux avec 44/54 pays membres de l’OIF. Dans la période pré-Covid-19 de 2017 à 2019, les échanges commerciaux entre le Vietnam et les pays membres de l'OIF ont toujours connu une croissance stable, réalisant un chiffre d’affaires record de 26,7 milliards USD en 2019, dont 19 milliards de dollars d'exportations et 7,7 milliards de dollars d'importations. En 2020, en raison de l'épidémie de Covid-19, le chiffre d'affaires d'import-export entre les deux parties a quelque peu diminué, mais depuis 2021, il a montré des signes de reprise. En ce qui concerne l'investissement, fin 2021, 16 des 54 pays membres de l'OIF ont des activités d'investissement au Vietnam, avec 1 450 projets d’un capital d'investissement réuni de près de 16 milliards USD.
Je pense qu'avec le potentiel et le taux de croissance économique du Vietnam, avec les similitudes économiques entre notre pays et de nombreux pays membres francophones en développement, en particulier en Afrique, l’OIF et ses pays membres sont prêts à porter les relations de coopération économique entre le Vietnam et les autres pays membres à un niveau supérieur.
La présence de quelque 70 hommes d’affaires francophones au Vietnam en mars dernier a constitué une belle illustration pour la concrétisation de ce souhait et la signature de 21 accords de coopération à ce Forum économique francophone de Hanoï est une preuve de réussite.
Cependant, il ne faut pas se contenter de ces résultats. Pour promouvoir davantage la coopération économique entre pays francophones, il faut concrétiser ces accords de coopération notamment dans des domaines spécifiques. Par conséquent, le Vietnam et les pays membres de l’OIF doivent continuer à soutenir et améliorer la compréhension mutuelle tant au point de vue de forces, que des réglementations juridiques, sans oublier les pratiques de coopération en matière de commerce et d'investissement dans chaque pays. Le Vietnam et les pays africains doivent continuer à procéder à des échanges pour résoudre les défis émergents en matière de commerce et d'investissement. Il faut renforcer la coopération entre les banques pour trouver des canaux de paiement directs et sûrs.
Dans le contexte post-Covid-19, l’OIF doit aider les pays membres à se redresser et à se développer de manière durable, verte, inclusive en se basant sur l'innovation. Une priorité est l'accélération de la mise en œuvre de la Stratégie économique de la Francophonie pour la période 2021 - 2025 et de la Stratégie de coopération numérique 2022 - 2026. Je suis convaincu qu'avec 88 membres et observateurs, représentant près de 20% des échanges commerciaux mondiaux et 16% du PIB mondial, la coopération économique entre le Vietnam et les pays membres de la Francophonie continuera de se développer à l'avenir.