Tourisme à l’extrême-Ouest du pays

Située à l’extrême-Ouest du Vietnam, la commune de Sin Thau – aux confins de la province de Dien Bien – repose discrètement au cœur des forêts primaires.

Les Ha Nhi de la commune de Sin Thau, province de Dien Bien, lors de la fête communautaire. Photo: nhandan.vn
Les Ha Nhi de la commune de Sin Thau, province de Dien Bien, lors de la fête communautaire. Photo: nhandan.vn

Derrière cette tranquillité se cache un potentiel immense : la beauté sauvage du paysage et la richesse culturelle des minorités ethniques. Du site sacré d’A Pa Chai aux fêtes traditionnelles imprégnées de l’âme des montagnes, cette terre marque peu à peu les esprits des amoureux de la nature et des cultures locales.

À Sin Thau, les Ha Nhi préservent la forêt et leur identité à travers chaque point de broderie, accueillant les visiteurs avec des sourires, des repas simples et des chants anciens. Ces « ambassadeurs du tourisme » singuliers transforment leurs racines en une source de vie nouvelle, empreinte de fierté.

Située à l’extrême-Ouest du Vietnam, la commune de Sin Thau – aux confins de la province de Dien Bien – repose discrètement au cœur des forêts primaires. Derrière cette tranquillité se cache un potentiel immense : la beauté sauvage du paysage et la richesse culturelle des minorités ethniques. Du site sacré d’A Pa Chai aux fêtes traditionnelles imprégnées de l’âme des montagnes, cette terre marque peu à peu les esprits des amoureux de la nature et des cultures locales.

Des « ambassadeurs » silencieux

Pour les Ha Nhi, la forêt est bien plus qu’un décor : elle est l’âme même de leur existence. Elle est le murmure du ruisseau qui berce les enfants, l’ombre des arbres lors des marchés, la source de subsistance et l’espace du sacré. Chaque arbre, chaque torrent est préservé comme s’il s’agissait de leur propre sang. De cette vie en harmonie avec la nature est née une philosophie durable, qui permet à la communauté de sauvegarder sa culture tout en bâtissant l’avenir, sans sacrifier la forêt.

Ces dernières années, un vent de renouveau a soufflé sur Sin Thau. De nombreuses maisons en terre battue ont été transformées en homestays pour accueillir les voyageurs venus des quatre coins du monde. Dans ce développement du tourisme lié à la préservation culturelle, les femmes Hà Nhì jouent un rôle central : elles préparent les couchages, cuisinent, reçoivent les hôtes, chantent les airs traditionnels et présentent les coutumes locales.

Sans besoin de titres officiels, elles sont de véritables « ambassadrices du tourisme » au sein de leur village, diffusant la culture avec simplicité et sincérité. La confection de costumes traditionnels – longtemps confinée à l’intimité du foyer – devient désormais une activité touristique précieuse. Les jupes et tenues réalisées à la main par les femmes Ha Nhi sont recherchées, louées pour des séances photo ou portées lors des festivals.

Mme Po My Le, secrétaire adjointe du Parti à Sin Thau, confie : « Un costume complet peut nécessiter plus de trois mois de travail artisanal. Son prix peut atteindre 6 à 7 millions de dôngs, mais sa véritable valeur réside dans la fierté identitaire qu’il incarne ».

Aujourd’hui encore, ces tenues ne sont pas réservées aux seules fêtes ou cérémonies, elles permettent aussi aux visiteurs de mieux comprendre l’univers culturel des Ha Nhi.

Au crépuscule, alors que la fumée des cuisines s’élève au-dessus des toits, l’image des grands-mères brodant des foulards, des mères cousant des habits et des fillettes apprenant leurs premiers points devient familière. Dans cette vie rythmée par la transmission, les femmes Ha Nhi sont à la fois gardiennes du foyer et passeuses de culture.

Mme Po My Le se remémore avec émotion la première robe que sa mère lui a cousue à l’âge de sept ans : « Elle m’a dit que chaque fille Ha Nhi doit porter sa tenue pour ne jamais oublier qui elle est ». Depuis ce jour, elle a appris à broder, et aujourd’hui, c’est à son tour de coudre des habits pour sa fille – un héritage qui se transmet discrètement, comme une rivière souterraine au cœur des montagnes.

Préserver l’identité dans la modernité

Dans un monde en mutation, de nombreux jeunes Ha Nhi reviennent vers l’art de la couture, les chants anciens et les danses traditionnelles, pour les intégrer dans les activités touristiques. Les jeunes filles ne se contentent plus de travailler aux champs : elles deviennent guides, artistes, hôtesses. Les petites filles, dès leur plus jeune âge, portent la robe traditionnelle, nourrissant très tôt leur amour pour leur culture.

En 2023, l’art de confectionner les costumes traditionnels Ha Nhi a été classé au patrimoine culturel immatériel national – une reconnaissance qui insuffle un nouvel élan à ces femmes, les encourageant à perpétuer leur culture à travers les gestes du quotidien : tissage, accueil des visiteurs, récits, chants et danses...

Des formations professionnelles, la fourniture de matières premières, des cours de tourisme… permettent aux femmes Ha Nhi de tirer un revenu de leurs savoir-faire traditionnels. Les objets artisanaux vendus au village, au marché ou dans les homestays ne sont pas seulement une source de revenus, ils sont aussi le moyen de faire vivre la culture au quotidien.

Dans une maison en terre battue, un repas simple préparé par l’hôte – riz gluant, viande fumée, soupe aux herbes – est bien plus qu’un festin : c’est un moment de partage. Autour du feu, les histoires des grands-mères, des mères et des jeunes générations révèlent aux visiteurs qu’ils ne viennent pas seulement découvrir un village, mais bien entrer en contact avec une culture vivante, habitée d’une âme.

Le tourisme communautaire, lorsqu’il est transmis de manière appropriée, permet aux habitants de rester chez eux tout en valorisant leurs racines. C’est l’alliance subtile entre tradition et modernité, entre identité et développement – là où les Ha Nhi avancent avec fierté, en harmonie avec leur montagne paisible.

Un pont pour préserver durablement la culture

Dans la commune frontalière de Sin Thau du district de Muong Nhe, province de Dien Bien, les autorités locales coopèrent avec diverses organisations sociales pour organiser des cours de formation professionnelle, fournir des matériaux et équipements, aidant les femmes Ha Nhi à préserver leur identité tout en créant des produits touristiques de valeur. Ce compagnonnage constitue un véritable pont pour faire avancer plus loin et plus solidement le processus de sauvegarde culturelle dans un monde en mutation.

Nombre d'habitants ont transformé leurs savoir-faire traditionnels en moyens de subsistance : couture de vêtements, foulards, sacs et coiffes vendus aux visiteurs vietnamiens et étrangers. Les marchés montagnards ou de simples étals au sein des homestays sont devenus des vitrines d’artisanat typique, générant des revenus tout en maintenant la culture vivante au quotidien.

Dans leurs maisons en terre battue, les femmes pionnières du tourisme communautaire tiennent à préparer elles-mêmes les repas pour les hôtes. Ce n’est pas par manque de main-d’œuvre, mais parce qu’elles souhaitent offrir aux visiteurs une vraie expérience culinaire Ha Nhi : gâteau de riz gluant parfumé, viande fumée suspendue sous les toits, soupe aux herbes forestières… et surtout, une chaleur humaine rare et précieuse.

Autour du feu, elles confient : « Depuis toujours, les femmes Ha Nhi s’occupent de tout : travailler aux champs, élever les enfants, préserver les coutumes. Aujourd’hui, faire du tourisme est aussi une responsabilité, mais c’est une nouvelle manière de préserver nos traditions ».

Madame Su Lo De – une artiste folklorique âgée de Sin Thau – connaît encore des dizaines de danses et chants anciens. À chaque visite de touristes, elle chante, danse, raconte des histoires aux enfants du village rassemblés autour d’elle, les yeux brillants face à son visage marqué de rides bienveillantes.

« Autrefois, je marchais des jours entiers pour aller chanter au chef-lieu du district. Aujourd’hui, je ne danse plus que dans le village, mais la joie reste la même », dit-elle en souriant, avant de sortir de sa hotte un foulard en cours de broderie. Point après point, elle poursuit un récit sans fin, symbole vivant de la mémoire collective – ce qui marque à jamais les visiteurs de Sin Thau, bien au-delà des paysages forestiers.

Dans un petit homestay du village, des jeunes filles Ha Nhi apprennent à cuisiner des plats traditionnels tout en filmant des vidéos pour les publier sur les réseaux sociaux. Elles rient : « Nos grands-mères et nos mères brodaient silencieusement au coin du feu. Aujourd’hui, nous faisons pareil, mais on peut le partager avec le monde entier – c’est génial ! » C’est ainsi qu’elles sortent du cadre ancien sans pour autant rompre avec leurs racines : préserver tout en s’adaptant.

Selon les experts en tourisme communautaire, ce modèle ne peut reposer sur l’improvisation. Il nécessite un plan structuré, une vision stratégique et des personnes profondément ancrées dans la culture locale. L’État, les associations, les professionnels de la culture doivent accompagner les habitants pour qu’ils puissent sortir de leurs repères traditionnels avec confiance et autonomie.

À Sin Thau, des formations courtes sur les compétences touristiques, la gestion de homestays, la communication et la promotion des produits sont organisées localement, dans un langage simple et accessible. Elles permettent aux femmes – habituées aux champs et à la cuisine – de devenir des hôtesses professionnelles, accueillant les visiteurs avec toute l’authenticité de leur village.

Le vrai tourisme communautaire ne réside pas dans des hébergements sophistiqués, mais dans les histoires vivantes derrière chaque maison. Les visiteurs viennent à Sin Thau pour ses paysages, mais ce qu’ils retiennent le plus, c’est l’expérience d’une vie ralentie au cœur de la forêt, l’écoute d’un chant ancien, la confection de gâteaux de riz pour le Tet, ou le port d’un costume brodé à la main – autant de façons de sentir battre le cœur d’une culture vibrante.

C’est pourquoi la restauration des fêtes, la sauvegarde des chants traditionnels ou l’art du tissage ne doivent pas se limiter à quelques concours ou événements. La culture ne peut survivre que si elle vit dans chaque foyer, chaque classe, chaque veillée autour du feu. Elle devient alors une ressource réelle pour le développement touristique.

Les Ha Nhi n’ont pas besoin de devenir des guides professionnels pour faire du tourisme. Il leur suffit d’être eux-mêmes, fiers et ouverts : une aïeule racontant une légende, une mère apprenant à sa fille à coudre, un enfant chantant dans la cour… autant de moments qui font sentir aux visiteurs qu’ils se trouvent sur une terre habitée d’une âme.

Lorsque le tourisme est transmis avec justesse, les habitants n’ont plus besoin de quitter leur village pour survivre. Ils peuvent vivre de leur culture, en harmonie avec leur environnement. C’est là une osmose entre tradition et modernité, identité et développement, entre forêts vierges et avenir lumineux. Dans le bruissement du vent à travers les cèdres, les flammes ancestrales se rallument – illuminant la voie nouvelle que les Ha Nhi tracent de leurs mains, avec fierté et humilité.

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