C’est ce qu’a souligné le docteur Rajaram Panda (*) dans son article « Vietnam Abandons Two-Child Policy Amid Demographic Challenge – Analysis », publié le 11 juin sur Eurasia Review.
Du « contrôle » à l'« incitation »
Selon le docteur Rajaram Panda, début juin 2025, l'Assemblée nationale du Vietnam a adopté la loi sur la population modifiée, abolissant la réglementation restreignant à un ou deux enfants par famille en vigueur depuis dix ans, face aux inquiétudes suscitées par la baisse du taux de natalité.
Désormais, les familles vietnamiennes ont toute autorité pour décider du nombre d'enfants qu’elles souhaitent, sans contrainte légale en cas de troisième enfant ou plus.
Le chercheur indien souligne que le Vietnam s'était fixé, pendant de nombreuses années, un objectif de 2,1 enfants par femme afin d'équilibrer le contrôle démographique et de garantir une main-d'œuvre future.
Cependant, des chiffres récents montrent que cet effort se heurte à d'importants défis. Le taux de fécondité national est tombé à 1,91 en 2024, soit son plus bas niveau historique. À Ho Chi Minh-Ville, ce taux est même descendu à 1,39, principalement en raison d’une forte pression du coût de la vie.

Auparavant, le Vietnam appliquait une politique démographique restrictive ; les fonctionnaires et membres du Parti ayant un troisième enfant pouvaient faire l’objet de sanctions, de dégradations professionnelles ou de blocage de promotion. Aujourd'hui, cette réglementation a été abolie.
L’auteur de l’article a également noté que, parallèlement à la levée de cette contrainte, de nombreuses villes et provinces mettent en place des politiques d’incitation afin d’encourager les familles à avoir deux enfants.
Ho Chi Minh-Ville a notamment mis en place une aide de 3 millions de dôngs pour les femmes ayant leur second enfant avant l’âge de 35 ans.
Certaines provinces du Sud testent également des aides financières ou des exonérations de frais médicaux et d'éducation. Cependant, les experts estiment que ces mesures ne sont pas encore suffisamment convaincantes dans un contexte de pression économique et sociale croissante sur les jeunes couples.
Le double défi démographique
L’article, citant le Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), souligne que le Vietnam figure parmi les pays asiatiques connaissant le vieillissement démographique le plus rapide.
La « période dorée », lorsque la population en âge de travailler est la plus nombreuse, ne durera que jusqu'en 2039. Par la suite, la population active diminuera tandis que les dépenses en matière de bien-être social, de santé et de retraites vont croître.
L'auteur souligne que le déséquilibre des sexes à la naissance, qui existe depuis de nombreuses années, demeure une préoccupation majeure.

Le rapport de masculinité s’établit actuellement à 111,8 garçons pour 100 filles - un écart supérieur à la norme biologique.
Bien que la loi interdise la sélection du sexe du fœtus, les cas de comportements illégaux liés à des échographies et des avortements sélectifs continuent d'être signalés.
Le ministère de la Santé propose d'augmenter l'amende maximale à 100 millions de dôngs, mais de nombreux observateurs estiment qu'il est nécessaire de promouvoir des solutions fondamentales en matière de sensibilisation et d'égalité des sexes pour résoudre définitivement le problème.
Ce chercheur indien a souligné que le problème démographique actuel représente un défi majeur pour la croissance économique et le développement durable du Vietnam.
Sans une stratégie efficace et à long terme, le Vietnam pourrait sombrer dans le vieillissement démographique, un scénario auquel de nombreux pays asiatiques, comme le Japon, la Corée et la Chine ont été et sont encore confrontés.
Clairement, la politique démographique n’est pas seulement une question vietnamienne.
La Chine, qui a appliqué la politique de l'enfant unique pendant des décennies, a dû passer à une politique de trois enfants à partir de 2021, à la suite du déclin officiel de sa population.
Certaines localités chinoises, dont Tianmen, ont proposé des aides d’environ 49 000 dollars aux familles ayant un troisième enfant, mais leur efficacité reste incertaine.

D'un autre côté, malgré l'absence de politique de contrôle des naissances, des pays développés, comme la Corée du Sud et l'Italie, connaissent des taux de natalité extrêmement bas, respectivement de 0,75 et 1,2 enfant par femme.
Cela montre que la décision d’avoir des enfants est de plus en plus individuelle, fortement influencée par le coût de la vie, l’emploi, les contraintes professionnelles, le changement de mentalité, et le mode de vie.
L’article souligne également que le coût d’un enfant jusqu’à l’âge adulte est estimé de 10 à 20 millions de dôngs par mois, en fonction des conditions de vie de la famille. C'est la raison pour laquelle de nombreux jeunes couples choisissent d'avoir moins d'enfants ou de retarder leur venue.
Le docteur Rajaram Panda conclut que le problème démographique place le Vietnam à la croisée des chemins.
D'une part, un assouplissement de la politique de natalité est nécessaire pour assurer l'équilibre de la structure démographique et maintenir la population active.
D'autre part, sans politiques de soutien, en matière de logements, d’enseignement, de soin d'enfants et de protection sociale, la politique du « nombre d'enfants souhaité » pourrait ne pas suffire à inverser la situation.
(*) Le docteur Rajaram Panda est ancien chercheur principal au Nehru Memorial Museum and Library (NMML). Il a travaillé à l’Institut d’études de défense Manohar Parrikar (MP-IDSA) et a été titulaire de la chaire ICCR de l’Université Reitaku, au Japon.