À l’occasion du 20ᵉ anniversaire de la Journée du patrimoine culturel vietnamien, le Comité de gestion du lac Hoan Kiem et du vieux quartier de Hanoï, en partenariat avec la société Boi An Design et le Centre de promotion du patrimoine culturel immatériel du Vietnam, a inauguré officiellement le projet « Espace narratif de la maison communale Kim Ngan ».
Installé au 42–44 rue Hang Bac, cet espace vise à restituer la mémoire vivante des corporations artisanales et à transformer le patrimoine en ressource créative durable, en résonance avec les mutations contemporaines.
Le Vieux Quartier de Hanoï, cœur historique de Thang Long, conserve aujourd’hui la plus forte densité de strates patrimoniales urbaines du pays. Loin d’être un simple réseau de rues marchandes héritées du Ke Cho d’antan, il constitue également un tissu complexe de temples, sanctuaires et maisons communautaires qui témoignent de la formation et de l’évolution des anciens métiers.
La maison communale Kim Ngan figure parmi les monuments les plus représentatifs de ce patrimoine. Classée en 2013 au titre des monuments nationaux d’architecture et d’art, elle demeure l’un des rares ouvrages à avoir conservé son intégrité, tant dans sa structure que dans la richesse de ses sculptures, étroitement liées au métier de l’orfèvrerie. À travers les siècles, ce lieu a maintenu sa vocation première : lieu de culte dédié aux ancêtres du métier, siège des guildes artisanales, et espace symbolique de la communauté des orfèvres de Thang Long.
Le projet « Espace narratif » s’appuie sur cette histoire pour proposer un modèle innovant de valorisation patrimoniale. Il ne s’agit plus seulement de conserver ou d’exposer, mais de faire « vivre » le patrimoine dans un contexte urbain en constante transformation. Si les éléments matériels du Vieux Quartier ont bénéficié d’efforts soutenus de préservation, la transmission des pratiques, des gestes et de la mémoire collective des métiers reste, elle, encore marginale.
La maison communale Kim Ngan, en raison de son ampleur et de son importance historique, devient ainsi le cadre idéal pour reconstituer le parcours de l’orfèvre, depuis son initiation jusqu’à la maîtrise de son art. Les concepteurs du projet ont choisi de structurer l’espace selon une logique immersive et narrative, inspirée de la forme traditionnelle en caractère Cong (工), emblème des métiers manuels au Vietnam.
À l’entrée, la cour de la maison communale est pensée comme le seuil de l’apprentissage. Elle accueille les premiers gestes, les démonstrations techniques, les partages de savoirs. Plus loin, l’espace dédié à la création expose les tentatives d’innovation, avec notamment deux grandes fresques graphiques intitulées « Bach Nghe do » (Les Cent Métiers) et « Kim Ngan dinh thi » (Le marché de l’orfèvrerie), toutes deux réalisées dans un style graphique vietnamien contemporain à partir de motifs extraits des sculptures de la maison communale Kim Ngan.
L’étape suivante, consacrée à la maîtrise, met en scène des œuvres abouties, fruits de la créativité et de l’expertise de l’artisan accompli. Cette partie ouverte et interactive permet de découvrir les procédés de fabrication, les choix esthétiques et les histoires personnelles qui façonnent chaque objet. Enfin, l’espace le plus sacré de Kim Ngan est dédié à l’excellence et à la reconnaissance. C’est ici que sont présentées les pièces emblématiques, que les maîtres artisans racontent leur parcours et que se rejoue symboliquement le rite d’initiation aux confréries artisanales.
L’ensemble du projet repose sur un langage visuel unifié. Les équipes ont mené un travail de recherche approfondi sur les ornements de cet ouvrage, notamment les figures de La Hau, les créatures mythologiques et les motifs végétaux, afin de créer une identité graphique cohérente à travers la signalétique, la scénographie et les objets exposés. Ce vocabulaire visuel a ensuite été décliné en produits contemporains : tableaux, textiles, objets décoratifs, souvenirs, illustrant la volonté de faire du patrimoine un levier économique et culturel.
Outre la scénographie, le projet intègre une série d’ateliers pratiques, permettant au public de s’initier aux techniques traditionnelles, telles que la fonte de l’argent, la gravure, le troc de monnaie ancienne ou la fabrication d’objets. Ces activités, animées par des artisans eux-mêmes, permettent une véritable immersion, où le visiteur devient acteur de la transmission et mesure la valeur du savoir-faire.
Enfin, afin d’ouvrir cet espace au plus grand nombre, une programmation hebdomadaire est prévue pendant un mois. Du lundi au jeudi, des ateliers de gravure sur bois inspirés des motifs traditionnels Thanh Lieu seront proposés. Du vendredi au dimanche, les visiteurs pourront créer des souvenirs en soie, bois ou papier dó, matériaux emblématiques de l’artisanat vietnamien. Ces activités se dérouleront in situ, dans l’enceinte de la maison communale Kim Ngan.
Avec ce projet, Hanoï expérimente un nouveau modèle de valorisation patrimoniale, alliant narration, expérience et créativité. Le modèle pourrait être élargi à d’autres sites du Vieux Quartier, tels que les maisons communales Hang Buom et Thanh Ha ou les temples des anciens métiers, pour constituer à terme un véritable réseau de « lieux narratifs », positionnant le cœur historique de la capitale comme destination majeure du tourisme culturel et créatif.