C'est une chose que cette femme venue de la province de Bac Ninh (au nord du Vietnam) n'avait jamais imaginée avant de suivre son mari en France.
Hoang Kim, âgée de 35 ans, avoue n'avoir jamais appris à cuisiner professionnellement. Sa passion pour la cuisine est née des plats préparés par sa mère et de son apprentissage autodidacte. Sa plus grande source d'inspiration est le célèbre chef américain Anthony Bourdain, à travers ses émissions culinaires, notamment celles consacrées au Vietnam.
« La façon dont il parlait du Vietnam avec amour, respect et passion m'a donné plus envie de cuisiner », confie Kim.
En avril 2023, Kim et son mari ont mis les premiers pas en Corse, l'une des plus belles îles du monde, surnommée « l'île paradisiaque ». Les premiers jours sur cette terre étrangère, la nostalgie l’a poussée à rechercher les saveurs de sa Patrie à travers des plats familiers. Ayant du mal à trouver des ingrédients typiquement vietnamiens sur cette petite île, elle utilise les produits locaux pour préparer ses plats.
Non seulement les plats vietnamiens aident Kim à surmonter la nostalgie, mais ils conquièrent également sa belle-famille, qui tombe sous le charme des nems frits, du porc braisé aux œufs, des côtes sautées aigres-douces et du pho au poulet (soupe de nouilles à la viande de poulet). Après avoir goûté à plusieurs reprises aux plats de Kim, son beau-frère - qui travaillait sur un bateau de croisière - lui a suggéré d'ouvrir un restaurant. « Les touristes, en particulier les Asiatiques, sont toujours à la recherche de plats familiers lorsqu'ils visitent l'île, mais à part les sushis, il n'y a pas d'autres options », a-t-il estimé. « Tes plats vietnamiens sont si délicieux, pourquoi n'essaierais-tu pas? », a-t-il ajouté.
Cet encouragement révèle un potentiel à Kim. Elle a donc décidé de devenir cheffe cuisinière à domicile, apportant les saveurs du Vietnam aux habitants et aux touristes de l'île.
Le premier plat que Kim a choisi de préparer, c’étaient les nems frits, car ils sont petits, pratiques et faciles à présenter au propriétaire du bateau de croisière où travaille son beau-frère. Trouvant les nems délicieux, le propriétaire a décidé de les ajouter au menu des entrées.
Les nems frits de Kim ont été présents ensuite dans les marchés nocturnes et les bars. Un bar en a commandé plus de 100 par jour et ces nems frits sont tellement appréciés des clients qu'ils sont rebaptisés « Nem Maison de Kim » et deviennent le plat phare du jour. Le menu s'étoffe ensuite avec du porc braisé aux œufs, du bun bo Nam Bo (nouilles de viande de bœuf du Sud) et des Banh bao (petits pains cuits à la vapeur remplis de viande hachée, d'un œuf de caille, de saucisse chinoise et de légumes…)
Mais lorsqu'elle préparait ces plats en grande quantité, Kim a fait parfois des erreurs et a reçu des critiques de ses clients. Elle a tiré des leçons de ses erreurs en notant les recettes et les quantités dans un carnet afin de maîtriser les coûts et d'assurer une saveur constante, car une seule petite erreur peut altérer le plat. La jeune femme originaire de Bac Ninh se rend également compte que la cuisine vietnamienne n'est attrayante que si elle est préparée avec des ingrédients frais. Elle ne congèle donc pas les aliments et ne les achète que lorsque les clients passent commande.
« De nombreux plats, en particulier les nems frits, perdent la moitié de leur qualité si on utilise des produits surgelés », indique-t-elle. « Les plats que je fais ont toujours le goût authentique du fait maison. La qualité des plats que je prépare pour mes clients est la même que celle des plats que je prépare pour moi-même ».
À la mi-février 2024, Kim a publié sa première vidéo de cuisine sur TikTok. Elle a conçu elle-même l'idée, a filmé, fait le montage de la vidéo en français. Cette vidéo a attiré 10 000 « likes » dès sa première publication.
Actuellement, son compte de Tik Tok comprend plus de 60 vidéos présentant des recettes telles que le nem de poulet, le pho, le banh mi (sandwich vietnamien) au porc grillé et le bun bo Nam Bo. Après près d'un an de création de son compte, elle a reçu de nombreux commentaires et messages de personnes qui aiment sa cuisine, en particulier des Vietnamiens vivant en France.
« Quand quelqu'un me dit que ma recette lui permet de se sentir comme à la maison, ou que les Vietnamiens sont fiers que je mette en valeur la culture vietnamienne - pour moi, c'est plus précieux que n'importe quel nombre de vues ou de « likes » », confie-t-elle.
Un mois après le lancement de son compte TikTok, Kim est invitée à travailler dans un hôtel 4 étoiles spécialisé dans la cuisine française. « Le propriétaire sait que je cuisine bien les plats vietnamiens et il a l'intention d'en ajouter quelques-uns au menu », explique-t-elle. Auparavant, cet homme avait travaillé au Vietnam et il apprécie particulièrement la culture culinaire de ce pays en forme d’un S.
N'ayant jamais fréquenté d'école de cuisine et ne maîtrisant pas le français culinaire, Kim commence au poste d'aide-cuisinière. Tout en travaillant, elle apprend le vocabulaire lié aux ingrédients et aux techniques de cuisine pour aider le chef.
Au bout de trois mois, Kim est promue cheffe cuisinière, responsable des entrées, dont des plats vietnamiens.
Outre ses compétences culinaires, Kim a également appris la gestion d’une cuisine, car chaque chef est responsable de l'ensemble du processus. Les nems frits, les crevettes panées croustillantes, les bánh bao et le bún bò Nam Bộ sont tous des plats qu'elle a proposés d'ajouter au menu et qui ont été approuvés par le chef. Lorsque le restaurant propose davantage de plats vietnamiens, les clients les commandent systématiquement en entrée.
« Beaucoup de personnes ont déjà visité le Vietnam en tant que touristes et lorsqu'ils y goûtent, ils demandent immédiatement si c'est une personne vietnamienne qui l'a préparé ? », raconte Kim. « Chaque fois que j'entends un client commander un plat de mon pays, je suis très heureuse. », a-t-elle déclaré.
Travailler dans un hôtel haut de gamme, au début, Kim a rencontré de nombreuses difficultés. Les différences linguistiques l'ont parfois amenée à mal comprendre les instructions du chef, ce qui a retardé la préparation des entrées et a suscité des plaintes des clients. La pression du travail et la barrière de la langue ont parfois épuisé Kim, qui a perdu du poids et a souffert de stress.
« J'ai même voulu démissionner, mais le chef m'a encouragée à continuer, en me disant que c'était une excellente occasion de promouvoir la cuisine vietnamienne », poursuit-t-elle.
Souhaitant que la cuisine vietnamienne reçoive l'amour et l'attention qu'elle mérite, Kim s'est motivée en se disant qu'elle devait surmonter cette difficulté pour faire mieux la fois suivante.
Parallèlement à son travail au restaurant, Kim continue de vendre des plats vietnamiens aux habitants de l'île avec l'aide de son mari, Quentin Ferrari. Chaque matin, elle prépare les ingrédients et apprend à son mari à faire de la sauce de poisson, à cuire du riz, à frire des nems ou des crevettes panées croustillantes... pour les livrer aux clients.
« Grâce à ma femme, je sais maintenant comment préparer des plats vietnamiens, alors qu'avant je savais seulement les manger sans jamais les préparer », déclare Quentin Ferrari.
L'objectif de Kim cette année est d'ouvrir un restaurant vietnamien authentique sur l'île de Corse, avec des boissons typiques de son pays comme le café au lait glacé ou le café au sel.
« Mais mon objectif est de développer ce modèle et de faire connaître la cuisine vietnamienne dans toute la France », déclare Hoàng Kim.