L’identité vietnamienne, longtemps cantonnée à la mémoire, s’affirme désormais comme une véritable puissance douce (soft power) du pays à l’ère numérique.
L’année 2025 s’achève sur un paysage culturel en mouvement comme rarement auparavant : le patrimoine sort de ses vitrines grâce à la technologie, tandis que les festivals et les événements culturels investissent massivement les espaces publics. La culture vietnamienne s’impose sur les plateformes mondiales avec une capacité de rayonnement inédite.
Il ne s’agit pas d’une effervescence passagère, mais du signe d’une transformation structurelle : pour la première fois, le Vietnam aborde la culture comme un écosystème associant créativité, numérisation et technologie, plutôt que comme un simple domaine de conservation.
Sous l’impulsion de la résolution no 57-NQ/TW relative aux percées scientifiques et technologiques, la manière de concevoir l’action culturelle est passée de la « préservation » à l’« activation », de la « gestion » à la « création de valeur ».
La technologie devient une nouvelle infrastructure de la culture, la créativité en constitue le moteur, et le public jeune en est la force motrice. L’identité vietnamienne, autrefois perçue comme un héritage du passé, est aujourd’hui redéfinie comme une ressource immatérielle stratégique dans le développement national à l’ère numérique.
La technologie ressuscite le patrimoine : de la mémoire figée à l’expérience vivante
L’un des faits marquants de 2025 est la multiplication des projets intégrant l’intelligence artificielle, le big data, les capteurs et la modélisation 3D dans la conservation et l’interprétation du patrimoine.
La technologie ne joue plus un rôle accessoire, mais devient un « nouveau langage » permettant au patrimoine de passer d’un état statique à une expérience vivante, d’un espace clos à un lieu d’interaction.
Le projet « Itinéraires touristiques du patrimoine dans la ville de Hanoï » en est une illustration emblématique. Grâce aux cartes numériques, les participants peuvent « déverrouiller » différentes strates de mémoire dans des sites historiques, non seulement par l’image, mais aussi à travers des données originales et des reconstitutions spatiales. Les monuments cessent d’être de simples décors pour devenir des interlocuteurs à part entière.
Selon l’artiste visuel Nguyen The Son, cette évolution est inévitable pour des villes à forte densité patrimoniale, comme Hanoï. L’intégration de la technologie dans la création artistique au sein des sites patrimoniaux permet de « réveiller » des espaces autrefois silencieux et d’avoir un impact puissant sur la perception et la compréhension de l’histoire et de la culture par le public.
« Cette tendance est devenue courante dans les musées et les sites patrimoniaux publics à travers le monde. La technologie n’appauvrit pas le patrimoine ; elle permet au public d’en toucher plus profondément la richesse culturelle », souligne-t-il.
Les expériences menées à Hanoï confirment cette analyse. Des lieux tels que l’ancienne maison du 22 rue Hang Buom, le temple Kim Ngan, le bâtiment du 19 rue Lê Thánh Tông ou encore l’Opéra de Hanoï ont intégré des technologies de mapping et de capteurs dans leur architecture ancienne, attirant un public jeune sans précédent.
Le point clé réside dans l’approche fondée sur les données. Alors que la numérisation se limitait autrefois au simple archivage de documents, l’année 2025 marque la reconnaissance des données patrimoniales comme une ressource de développement multisectorielle.
Parallèlement, les jeunes ne se contentent plus de contempler le patrimoine : ils le racontent à travers le graphisme, les vidéos courtes et les réseaux sociaux, générant des millions de vues et faisant passer le patrimoine de la périphérie au cœur des tendances culturelles.
Explosion des festivals : la culture investit l’espace public
S’il fallait un mot pour résumer la vie culturelle en 2025, ce serait « explosion ». Les événements culturels et créatifs se succèdent à un rythme soutenu, du niveau national au local, de l’art institutionnel à l’art contemporain, des commémorations historiques aux festivals de rue.
Les programmes célébrant le 50ᵉ anniversaire de la réunification nationale et le 80ᵉ anniversaire de la Fête nationale du 2 septembre constituent des temps forts majeurs. Ces événements ont été conçus comme des expériences visuelles immersives, intégrant lumière, mapping, réalité augmentée et espaces à 360 degrés.
L’Exposition des réalisations nationales, organisée selon le concept de « musée à ciel ouvert » au Centre d’exposition du Vietnam (VEC), dans la commune de Dông Anh (Hanoï), a attiré des millions de visiteurs — un chiffre exceptionnel pour des manifestations culturelles ou politiques.
Selon l’artiste Nguyen The Son, la principale nouveauté de cette année réside dans la participation massive des jeunes, non seulement en tant que spectateurs, mais aussi comme créateurs.
Lors de grands événements tels que le Festival du design créatif ou la Biennale photographique de Hanoï 2025, la jeune génération s’impose tant par son nombre que par la qualité de sa réception culturelle.
« Cela montre qu’une génération montante est en train d’émerger, dotée des compétences et de l’ambition nécessaires pour contribuer activement à faire de Hanoï une véritable ville créative au sein du réseau de l’UNESCO », affirme-t-il.
Les industries culturelles et leur essor grâce aux plateformes numériques
L’année 2025 marque également une avancée significative du Vietnam sur la scène internationale des contenus culturels.
Le clip musical Bắc Bling de la chanteuse Hoa Minzy en est un exemple emblématique : des éléments folkloriques intégrés dans un langage moderne et des technologies de production avancées ont donné naissance à une œuvre à la fois profondément ancrée dans l’identité vietnamienne et capable de toucher un public mondial.
Des plateformes telles que YouTube, TikTok ou Spotify sont devenues de véritables « autoroutes » pour les contenus culturels vietnamiens, permettant à de nombreuses productions d’atteindre des dizaines de millions de spectateurs sans campagnes promotionnelles coûteuses.
Au-delà de la musique, de nombreuses formes de patrimoine immatériel (chants traditionnels, récits populaires, rituels) sont désormais diffusées à l’échelle mondiale grâce aux vidéos courtes, aux simulations numériques et aux archives digitalisées. Pour la première fois, la culture vietnamienne se projette sur la scène internationale en s’appuyant sur sa propre identité.
Dans le contexte international, cette évolution répond à une logique bien établie.
La République Corée a fait de la K-pop et du cinéma des industries phares ; le Japon a porté le manga et l’animation au rang d’icônes mondiales ; la Thaïlande a bâti une stratégie nationale autour de la gastronomie.
Ces réussites démontrent qu’un pays capable de transformer son patrimoine en ressource créative détient un avantage décisif dans la compétition mondiale du « soft power » au XXIᵉ siècle.
Avec plus de 50 patrimoines reconnus par l’UNESCO et un riche capital culturel immatériel, le Vietnam dispose de tous les atouts pour entrer pleinement dans cette « grande compétition », à condition de structurer un écosystème créatif cohérent.
2025 – l’année de l’activation de l’identité vietnamienne
En prenant du recul sur l’ensemble de l’année 2025, il apparaît clairement qu’il ne s’agit pas d’une simple phase d’effervescence, mais d’une année charnière marquant une transformation structurelle de la culture vietnamienne.
Lorsque la technologie devient une infrastructure, que les jeunes s’affirment comme force créative et que le patrimoine se mue en ressource, la culture vietnamienne entre dans un nouveau chapitre : celui de la confiance, de l’intégration et de la créativité.
L’identité vietnamienne, longtemps perçue comme un héritage du passé, est désormais en train de devenir un « soft power » du pays dans la nouvelle ère.
