Un patrimoine vivant entre ciel et forêt
À une dizaine de kilomètres du chef-lieu Hoi Xuan, niché dans une vaste vallée encerclée par plus de 1 000 hectares de forêt primaire, Ban But s’impose comme une promesse d’évasion rare. Ce petit village thaï, encore méconnu, révèle les contours d’un tourisme lent et durable, à mille lieues du tumulte urbain.
Là-haut, le lac Pha Day trône à 1 200 mètres d’altitude comme un miroir céleste. Son nom, signifiant « escalier de la montagne » en langue thaï, évoque une topographie majestueuse et poétique. L’ascension, sinueuse et parfois abrupte, est à elle seule une immersion dans l’univers végétal : senteurs de mousse humide, bruissements de ruisseaux et chants d’oiseaux composent une symphonie sensorielle inédite.
Au fil du sentier, le voyageur découvre un monde suspendu. Les maisons sur pilotis, faites de bois sombre, longent les cours d’eau ; des écheveaux de tissu coloré sèchent au soleil ; et du creux des habitations montent les rythmes cadencés des métiers à tisser. Ici, l’art de vivre est indissociable de la forêt : elle nourrit, protège et inspire. Pour les habitants, le lac Pha Day est le « cœur vert » du village, un espace sacré, témoin d’une relation millénaire entre l’homme et la nature.
Un modèle de tourisme communautaire en devenir
Ban But ne propose pas de resorts luxueux, mais propose l’essentiel : l’authenticité. Dormir chez l’habitant, savourer des plats traditionnels, comme le riz gluant multicolore, le poisson grillé ou la viande de porc parfumée au « mắc khén », devient un acte de partage. Chaque repas est un récit. Chaque plat, un fragment de mémoire.
« Ce village est un havre de paix, loin du stress quotidien. Même si les infrastructures sont encore modestes, l’accueil y est chaleureux et la culture thaï », confie Nguyen Thi Ha, une visiteuse venue de la ville de Thanh Hoa.

À la tombée du jour, les jeux traditionnels, lancer de balles, tir à l’arbalète, échasses, laissent place aux danses collectives. Sous la pleine lune, les sons du khua luống (percussions rituelles) et les pas synchronisés de la danse xòe résonnent comme une prière ancestrale. Un moment de communion suspendu dans le temps.
Depuis 2020, cinq familles de l’ethnie Thaï se sont engagées dans un projet de tourisme solidaire en transformant leurs habitations en homestays, en valorisant les objets traditionnels et en créant des circuits d’immersion culturelle.
« Nous ne voulons pas simplement accueillir des visiteurs. Nous voulons transmettre notre manière de vivre, sans la dénaturer », explique Ha Cong Chuc, chef du village.
Le défi est de taille : conserver l’âme du lieu tout en s’adaptant aux attentes des touristes. Les habitants souhaitent bénéficier de formations : accueil, gastronomie, animation, écogestion… Autant de savoir-faire nécessaires pour bâtir un tourisme professionnel sans renier les racines culturelles.
Une ambition encadrée et durable
En 2019, la province de Thanh Hoa a validé une stratégie de développement touristique communautaire pour la région de Quan Hoa à l’horizon 2030. Ban But figure parmi les sites prioritaires à promouvoir. Objectif : diversifier les produits touristiques tout en protégeant l’environnement et les cultures minoritaires.
D’ici fin 2025, le village ambitionne d’accueillir plus de 2 000 visiteurs, dont 60 % en séjour prolongé, avec des recettes dépassant 800 millions de dongs. Un pari ambitieux, mais réaliste, porté par l’alliance entre nature, culture et volonté collective.
Dans un monde toujours plus pressé, Ban But s’impose comme un espace de respiration. Ici, le tourisme n’est pas une histoire de consommation, mais de résonance. C’est une rencontre entre générations, entre traditions et renouveau. C’est un voyage à l’intérieur de soi.
Rien n’est sacrifié : ni les forêts ni les coutumes. À Ban But, on choisit la voie lente, respectueuse, où chaque pas du visiteur laisse une empreinte dans l’histoire d’un peuple.
Quand les lumières s’allument sous les toits de chaume, quand les chants thaï s’élèvent dans la brume, quand les enfants sourient aux étrangers, alors le village ne se contente plus d’exister : il devient mémoire vivante. Une invitation permanente à repenser le tourisme comme un acte d’humanité.