Réinventer un métier ancien avec un savoir moderne
Nguyen Minh Quang, 25 ans, est issu d’une famille de céramistes de Bat Trang (en banlieue de la capitale Hanoi du Vietnam). Diplômé de l’Université des beaux-arts industriels de Hanoï, il a choisi de revenir au village afin de relancer l’atelier familial, longtemps resté en sommeil, plutôt que de s’installer en ville comme la plupart de ses camarades.
« J’aime la céramique depuis l’enfance », confie Quang. Lycéen, il passait ses heures libres dans les fours des maîtres du village pour s’exercer au modelage et au tournage. Touchés par sa passion, les artisans lui transmettaient volontiers leur savoir-faire. Lors des fêtes du village, en voyant les maîtres vénérés honorés, le jeune Quang rêvait déjà de s’asseoir un jour parmi eux.

À 19 ans, il décide de se consacrer pleinement à la poterie. « Produire un objet n’est pas difficile, mais créer une pièce belle et aboutie exige patience, finesse et expérience », souligne-t-il.
Selon lui, rien que pour maîtriser la préparation de l’argile, il faut près de six mois d’apprentissage. Quant au tournage, l’ouvrier doit pratiquer environ 10 000 heures, soit cinq ans passés devant le tour, avant d’acquérir une vraie maîtrise. À cela s’ajoute la science des émaux et des cuissons, chaque four ayant sa propre formule secrète que l’on ne perfectionne qu’au prix de centaines d’essais.
Six ans après avoir repris le métier, Quang maîtrise désormais toutes les étapes de la fabrication. En 2023, il a obtenu le troisième prix du concours « Mains d’or » organisé par Bát Tràng, s’imposant face à des dizaines d’artisans chevronnés. Son atelier attire aujourd’hui de nombreux jeunes désireux d’apprendre et de s’initier à la céramique.

Quang privilégie la technique du tournage manuel. Pour lui, le caractère unique et spontané de ce travail artisanal confère aux pièces une valeur singulière et non reproductible. Ses collections phares sont la porcelaine à glaçure craquelée et la glaçure vert émeraude, qui marient tradition et modernité. Cette dernière, réputée difficile à travailler en raison de son instabilité et de son fort taux de fusion, lui a demandé plusieurs années de recherche avant d’obtenir des pièces homogènes, profondes, parfois irisées de reflets métalliques.

Il estime que ses succès reposent autant sur l’expérience acquise auprès des maîtres du village que sur les connaissances et la méthodologie apprises à l’université. « L’école m’a aussi permis d’élargir mon réseau, d’apprendre à valoriser mes créations et à les promouvoir auprès du public », précise-t-il.
Étudier pour ouvrir de nouvelles voies à un métier ancestral
Comme Quang, To Minh Hoang, 24 ans, diplômé de l’Université des langues étrangères de Hanoï, a choisi de revenir au village pour développer la céramique. Mais son ambition dépasse la production : il veut faire de Bat Trang une destination de tourisme artisanal.

« Je n’ai pas seulement étudié les langues, j’ai aussi découvert la culture et les goûts de nombreux pays. Cela me permet de trouver les meilleures manières de faire connaître la valeur de notre poterie aux visiteurs étrangers. Mes anciens camarades d’université m’aident d’ailleurs à attirer davantage de clients », explique-t-il.
Souhaitant à la fois devenir artisan et promouvoir le tourisme du village, Hoang ne se limite pas à l’atelier familial. Il explore aussi l’histoire des autres fours de Bat Trang, convaincu que seule une connaissance approfondie permet de restituer l’essence de l’art céramique. « Il faut avoir pétri soi-même l’argile pour comprendre la difficulté du métier et éprouver la fierté de transmettre l’héritage de nos ancêtres », insiste-t-il.
Une relève qui assure l’avenir du village
À Bat Trang, Quang et Hoang ne sont pas des cas isolés. Des dizaines de jeunes, après un temps passé loin du village, choisissent aujourd’hui d’y revenir pour développer leur terre natale.

To Thanh Son, 70 ans, maître céramiste considéré comme un pilier du village, observe : « Les artisans de 20 à 30 ans sont de plus en plus nombreux. Forts de nouvelles connaissances, ils inventent des manières originales de travailler ».
« La génération montante est l’avenir du village. Nous les encourageons à exprimer leur talent. L’association des artisans organise régulièrement concours et expositions pour qu’ils échangent leurs expériences et affirment leur savoir-faire », ajoute-t-il.