Des scientifiques vietnamiens créent du cuir biologique à partir de bactéries et de fibres fongiques

Une équipe de recherche de l’Université Thu Dâu Môt (au Sud du Vietnam) a mis au point un matériau innovant : du cuir biologique issu de la cellulose bactérienne et de fibres fongiques. Ce matériau, aux propriétés similaires au cuir animal, pourrait être utilisé dans la fabrication de chaussures en cuir.
Culture de mycélium pour la production de cuir biologique. Photo : VnExpress.

Culture de mycélium pour la production de cuir biologique. Photo : VnExpress.

Le projet a débuté en 2019, lorsque l’équipe s’est associée à la société de technologie scientifique Vu Môn pour développer un cuir biologique. Les chercheurs ont utilisé un procédé de fermentation de sous-produits agricoles pour créer une alternative au cuir animal. La fabrication de ce cuir bio repose sur trois étapes principales : la culture de la cellulose, l’intégration des fibres fongiques et le processus de tannage et de teinture.

L’un des défis majeurs est de trouver un environnement de croissance optimal pour la cellulose bactérienne et les fibres fongiques. Le développement de ce biomatériau nécessite un mélange précis de nutriments, incluant des glucides issus de la mélasse, du phosphate de diammonium comme engrais, du sulfate d’ammonium comme source d’azote, ainsi que des régulateurs de pH tels que l’acide acétique et l’eau de coco. Des additifs comme le carbonate de calcium et l’eau déminéralisée sont également utilisés pour optimiser les conditions de développement.

Une fois la culture achevée, les feuilles de biomatériau résultant d’une fusion entre la cellulose bactérienne et les fibres fongiques (HMC) sont extraites et soumises à un traitement en deux étapes. Elles sont d’abord plongées dans de l’eau bouillante, puis trempées dans une solution d’hydroxyde de sodium tiède afin d’éliminer les impuretés et d’améliorer leur résistance. Enfin, elles sont séchées, donnant ainsi naissance à un matériau souple et résistant, aux propriétés similaires au cuir traditionnel. Après trois ans de recherche, l’équipe a développé un cuir biologique finalisé, désormais exploité dans la fabrication de chaussures en cuir.

Selon Nguyên Thi Liên Thuong, professeure associée et conseillère du projet, plusieurs pays développent déjà des cuirs biologiques, mais ceux-ci présentent encore des limites en termes de durabilité, de composition naturelle et de biodégradabilité. « Nous avons surmonté ces défis en hybridant des fibres fongiques avec de la cellulose bactérienne et en intégrant des nanotechnologies dans le tannage du cuir », explique-t-elle.

Fabriqué à partir de sous-produits agricoles tels que les écorces de fruits et la mélasse, ce matériau possède des caractéristiques proches du cuir traditionnel : il est solide, flexible, imperméable et biodégradable. Son utilisation s’étend à plusieurs domaines, notamment la maroquinerie, l’ameublement et l’industrie automobile. Ces avancées ont permis au projet d’obtenir un brevet américain en 2022.

Cuir biologique issu de mycélium et de cellulose bactérienne en culture. Photo : VnExpress.

Cuir biologique issu de mycélium et de cellulose bactérienne en culture. Photo : VnExpress.

« Nous avons échoué des centaines de fois avant de trouver la méthode optimale », confie Nguyên Thi Liên Thuong.

L’un des principaux obstacles était de permettre aux bactéries et aux champignons de croître ensemble, car les champignons ne se développent pas dans un environnement à faible pH, condition pourtant essentielle à la production de cellulose bactérienne.

« Grâce à notre nouvelle technologie, nous avons créé des conditions idéales pour leur croissance simultanée, permettant ainsi la formation d’un biomatériau hybride innovant », explique Thuong.

Une alternative crédible au cuir animal

Les tests effectués à l’usine de tannage du groupe ISA Tantec (États-Unis) ont démontré que le cuir biologique HMC respecte les normes industrielles en matière de résistance à la traction, flexibilité, imperméabilité, résistance aux UV et à l’usure. De plus, les essais de biodégradabilité ont confirmé que le matériau se décompose entièrement dans le sol.

Grâce à sa technologie hybride mycélienne-cellulose et à l’intégration des nanomatériaux, ce cuir biologique se distingue par sa solidité et sa résistance. Ses caractéristiques, très proches du cuir véritable, permettent son utilisation dans la fabrication de chaussures, sacs, ameublement automobile et mode, tout en réduisant son impact environnemental.

Contrairement au cuir traditionnel, qui nécessite des traitements chimiques lourds et génère une pollution massive, le processus de fabrication de ce cuir biologique est exempt de substances toxiques, réduisant ainsi son empreinte écologique.

Reiner Hengstmann, directeur mondial du développement durable chez Puma, estime que ce cuir biologique possède un potentiel d’application considérable, grâce à sa solidité répondant aux exigences de l’industrie. Il souligne également la dimension éthique et écologique du projet, qui repose sur l’utilisation de déchets agricoles.

« Ce matériau incarne une avancée à la fois environnementale et sociale, en proposant une alternative viable et durable aux cuirs traditionnels », affirme-t-il.

Selon Phan Lê Diêm Trang, vice-présidente de l’Association vietnamienne du textile et de l’habillement, ce cuir offre une solution économique compétitive, en réduisant la dépendance au cuir véritable tout en diminuant la souffrance animale. Comparé aux cuirs synthétiques, il se révèle également plus respectueux de l’environnement.

« Grâce aux technologies modernes, nous pouvons ajuster l’épaisseur et la qualité du cuir biologique pour répondre aux besoins spécifiques de l’industrie », explique-t-elle.

L’un des principaux avantages du matériau est sa consistance uniforme, un critère essentiel dans la production industrielle de chaussures et d’accessoires en cuir.