Expert économique : Nécessité de réformer les politiques d’incitation aux IDE

Le Vietnam est considéré comme ayant réussi à attirer les Investissements directs étrangers (IDE). Cependant, le transfert de technologie via les projets d’IDE reste limité par rapport aux attentes, et la valeur ajoutée ainsi que les bénéfices générés demeurent faibles.

Le transfert de technologie via les projets d'IDE reste très limité. Photo: VOV
Le transfert de technologie via les projets d'IDE reste très limité. Photo: VOV

État des lieux du transfert de technologie par les entreprises d’IDE

Depuis la mise en œuvre de la politique d’ouverture et d’intégration économique, le Vietnam est constamment évalué comme une destination attractive et sûre pour les investisseurs étrangers. Le gouvernement maintient et améliore en permanence l'environnement et les politiques visant à attirer les capitaux étrangers, dans l'espoir qu'à travers les projets d’IDE, l'économie s'intégrera rapidement à l'économie mondiale, et que les entreprises nationales apprendront et rattraperont leur retard technologique par rapport aux partenaires d’IDE. Pourtant, le transfert de technologie via les projets d’IDE, ainsi que l'apprentissage, l'assimilation et l'application des technologies, restent très limités.

Exprimant franchement son point de vue, Nguyen Hai Minh, vice-président de l'Association des entreprises européennes au Vietnam (EuroCham), estime qu'il est nécessaire de définir de manière concrète ce qu'est le transfert de technologie que le Vietnam souhaite.

« Aucun investisseur étranger ne dira qu'après cinq ans d'investissement au Vietnam, il transférera l'intégralité de sa technologie aux entreprises vietnamiennes. Cela n'existe pratiquement pas. Il n'y a que le cas des entreprises d’IDE qui souhaitent vendre des technologies vertes et modernes. Dans cette situation, l'État doit créer des mécanismes facilitant le transfert (par exemple, des réglementations fiscales trop strictes ou l'obligation d'enregistrer les contrats de transfert sont des exigences inutiles). Nous avons besoin de leur technologie ; le mécanisme de transfert doit donc être souple. Si les mécanismes sont resserrés et compliquent les choses, le transfert ne pourra pas s'opérer. L'État n'a pas besoin de trop réglementer cela ; le transfert devrait être laissé à la libre négociation entre le vendeur et l'acheteur, car aucune entreprise d’IDE ne souhaitera transférer sa technologie tout en devant payer des impôts et perdre du temps à l'enregistrer », a précisé Nguyen Hai Minh.

Le transfert de technologie via les projets d'IDE reste très limité

Dans les faits, les entreprises d’IDE se concentrent souvent sur l'assemblage et la sous-traitance pour optimiser les coûts et amènent fréquemment leurs fournisseurs depuis leur pays d'origine vers le Vietnam. Cela a pour conséquence de fortement limiter leur besoin de créer leurs liens avec les entreprises vietnamiennes et de développer la chaîne d'approvisionnement locale.

Par conséquent, de nombreux groupes étrangers n'apportent pas un soutien réel aux entreprises nationales ni ne partagent leurs technologies de base avec leurs partenaires vietnamiens. Dennis Quennet, directeur du Programme de Développement économique durable de l'Organisation allemande de coopération internationale (GIZ) au Vietnam, estime que le Vietnam doit répondre à cette question suivante : quel bénéfice les entreprises d’IDE tireront-elles du transfert de leur technologie de base ?

Concevoir des politiques d'incitation à l'investissement avec des conditions contraignantes

Selon les experts, si le transfert de technologie des entreprises d’IDE vers le Vietnam n'a pas été à la hauteur des attentes, c'est parce que les politiques et l'environnement d'attraction des IDE n'ont pas été conçus de manière à encourager et à stimuler les activités de transfert de technologie ni à être assortis de conditions contraignantes appropriées. De ce fait, de nombreux investisseurs étrangers viennent au Vietnam uniquement pour profiter des incitations et n'ont pratiquement aucune autre obligation à respecter.

Selon le Dr. Tran Toan Thang, de l'Institut de Stratégie et de Politique économique et financière, relavant du ministère des Finances, la capacité d'absorption technologique des entreprises vietnamiennes est limitée et le système de politiques d'incitation à l'investissement reste dispersé, manque de ciblage, et n'est pas lié à des conditions contraignantes claires. Cela a conduit à un effet d'entraînement des IDE inférieur aux attentes.

« Il est nécessaire de réformer de manière exhaustive la politique d’incitation à l’investissement, en la rendant ciblée, basée sur les performances et assortie de conditions, et de mettre fin aux incitations généralisées. Il faut construire un nouveau cadre d'incitations, sélectif, où le niveau d'incitation dépend du résultat de la mise en œuvre des engagements pris par le projet d’IDE », a souligné Tran Toan Thang.

Sous un autre angle, le transfert de technologie est aussi une question de bénéfices et de coûts. Lorsque les entreprises d’IDE n'y voient pas d'avantages nets clairs et à long terme, elles n'ont aucune motivation à partager leur savoir-faire et à transférer leur technologie. Dans ce cas, des réglementations visant à « forcer » le transfert de technologie ne peuvent pas résoudre le problème. Par conséquent, le Dr. Can Van Luc, économiste en chef de BIDV et membre du Conseil consultatif politique du Premier ministre, estime qu'au lieu d’« exiger » des entreprises d’IDE le transfert de technologie avant d'approuver l'investissement, nous devrions concevoir des politiques d'incitation conditionnelles, volontaires et transparentes.

Pour disposer de technologies modernes, nous pouvons investir financièrement pour les acheter, mais l'important est de disposer de ressources humaines qualifiées capables d'assimiler la technologie, de l'améliorer et de la maîtriser, car même la technologie moderne n'est que temporaire et devient obsolète avec les avancées scientifiques et techniques. Par conséquent, il est essentiel de se concentrer sur le développement et la formation de ressources humaines de haute qualité : notamment, moderniser le système d'enseignement professionnel, l'aligner sur les besoins des entreprises, former des experts dans les secteurs de haute technologie, et mettre en place des politiques d'incitation et de rétention de ces ressources humaines pour qu'elles servent efficacement le processus d'exploitation scientifique et technologique.

Le Vietnam ne devrait pas attendre que les entreprises d’IDE transfèrent leur technologie, et encore moins espérer qu'il s'agisse de technologie moderne, car il est certain que personne ne sera prêt à partager ce qu'il a de meilleur, ses secrets technologiques, sauf si cela maximise ses propres profits.

L'État doit disposer d’une stratégie et des ressources d'investissement importantes pour le développement de la science, de la technologie, de l'innovation et de la transformation numérique nationale. Il doit également mettre en place des politiques pour aider efficacement les entreprises à accéder à la science et à la technologie modernes afin de renforcer leurs capacités et de les rendre aptes à participer à la chaîne de valeur mondiale. Dans cette nouvelle ère, la science, la technologie, l'innovation et la transformation numérique ne sont pas seulement un moteur, mais aussi la seule voie pour permettre au pays de se développer rapidement et durablement, en visant l'objectif d'un Vietnam prospère à l'ère du numérique.

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