Derrière cette lumière scintillante se cache l’aspiration à ranimer un fil culturel en voie d’oubli.

Sur les traces de la beauté dans « l’âme » des lanternes anciennes
Partant d’une passion particulière pour les lanternes, un jour, Mme Nguyen Thi Kim Thuy (membre du collectif Khoi Dang Tac Khi) a acheté une lanterne et s’est soudain demandé : « Aujourd’hui, les lanternes n’apparaissent qu’à la Fête de la mi-automne. Mais autrefois, nos ancêtres les ont-ils utilisées différemment ? ».
À travers des documents vieux de plus d’un siècle, Mme Thuy a été fascinée par le raffinement et la vivacité des lanternes anciennes, dont certaines présentaient déjà des effets tridimensionnels ingénieux. Cette découverte a éveillé, chez elle et son époux, tous deux architectes, le désir d’explorer en profondeur les origines des lanternes. De la curiosité initiale, ils se sont lancés dans un parcours de recherche, parcourant divers lieux, assistant à des événements pour rassembler des sources, avant de décider de restaurer ces lanternes d’antan.
Pour eux, la reconstitution des lanternes ne répond pas seulement à une passion, mais constitue aussi une manière de renouer avec des liens culturels brisés. Ils souhaitent que les jeunes comprennent que, jadis, les lanternes de la mi-automne étaient variées, raffinées et riches d’histoires. Alors qu’aujourd’hui l’on associe souvent cette fête aux gâteaux de lune et aux lanternes industrielles, la restauration des lanternes traditionnelles devient un moyen de ramener la mémoire culturelle dans la vie contemporaine.
Cette idée a rapidement attiré d’autres amis partageant la même passion. Le collectif Khoi Dang Tac Khi a vu alors le jour avec plus de dix membres issus d’écoles d’arts et d’architecture. Aucun d’eux n’est artisan à proprement parler, mais leur engouement pour la culture populaire les a soudés.
Les défis de la restauration d’un savoir-faire en voie de disparition
Récemment, dans la maison communale traditionnelle de Son Tra (quartier Tan Dinh, Hô Chi Minh-Ville), le collectif Khoi Dang Tac Khi a présenté plus de quarante lanternes anciennes lors de l’exposition « Ngua troi gap lua ». Selon les organisateurs, la quasi-totalité des documents originaux sur les lanternes anciennes au Vietnam ont été perdus ou dispersés. Faute de maîtres artisans pour les guider, le groupe a dû à la fois tâtonner et faire preuve de créativité.
Nguyen Hoang Son (mari de Mme Thuy) a joué un rôle central, reconstituant les œuvres à partir de photographies en noir et blanc fournies par l’artisan Trinh Bach, qu’il a croisées avec des sources disponibles sur Internet. Il en a ensuite réalisé des esquisses en 4D avant de les matérialiser sur des tiges de bambou.

Plus de dix membres ont dû travailler sans relâche pendant quatre mois pour achever l’ensemble des pièces. L’œuvre la plus impressionnante, le « Grand Dragon » de vingt mètres de long, a exigé une minutie et une patience extrêmes, nécessitant plus de six semaines pour être achevée.
La plus grande difficulté a résidé dans la recherche des matériaux. Au départ, ils ont utilisé du bambou, mais celui-ci s’est révélé trop dur, fibreux et peu adapté aux courbures requises. Ils ont ensuite essayé le rotin, mais la matière s’est avérée trop souple et difficile à maintenir en forme. Après de nombreux essais, ils ont opté pour le bambou mature à cœur épais, à la fois suffisamment flexible pour être modelé et assez solide pour constituer l’ossature des lanternes.
Une fois les œuvres achevées, le groupe souhaitait trouver un lieu adéquat pour ramener la beauté des ancêtres dans la vie contemporaine. La famille de Mme Nha, membre du collectif et gardienne de la maison communale traditionnelle de Son Tra, a accepté de prêter l’espace. Grâce à cela, les lanternes n’ont pas seulement été exposées, mais se sont aussi fondues dans l’architecture ancienne et les dalles de pierre séculaires, suscitant une impression authentique de culture traditionnelle.
De nos jours, lorsqu’on évoque la Fête de la mi-automne, la plupart des enfants pensent seulement aux gâteaux de lune et aux lanternes en plastique multicolores. Peu de gens peuvent imaginer comment nos ancêtres jouaient autrefois avec les lanternes et comment ils y insufflaient leur âme et leurs aspirations à travers chaque pièce artisanale raffinée.
Nguyen Minh Nguyet, membre du collectif Khoi Dang Tac Khi
Selon le collectif, ce qui les anime avant tout est le désir que les jeunes générations découvrent davantage l’histoire, la culture nationale et, en particulier, la beauté de l’art des lanternes d’antan. Ainsi, la restauration des lanternes anciennes ne se réduit pas à redonner vie à un simple jouet de la Fête de la mi-automne, mais constitue aussi un moyen de renouer avec des sources culturelles en voie de rupture. À travers cette démarche, le groupe espère raviver la fierté et éveiller la conscience de préservation des valeurs traditionnelles au sein de la communauté actuelle.