Le gâteau Ka Tum, un trésor culinaire et un symbole identitaire de la communauté khmère

Dans la région de Bay Nui (province d'An Giang, au sud du Vietnam), la communauté khmère accorde une grande importance à la préservation de son identité culturelle, qui s'exprime à travers son art culinaire raffiné, notamment le gâteau Ka Tum.

Le gâteau Ka Tum, une empreinte culturelle marquante de l’ethnie khmère. Photo : baoangiang.
Le gâteau Ka Tum, une empreinte culturelle marquante de l’ethnie khmère. Photo : baoangiang.

En langue khmère, « Ka Tum » signifie à la fois « grenade » et « entourer, envelopper hermétiquement », des notions qui symbolisent l’abondance, la prospérité et les retrouvailles familiales.

La forme singulière de ce gâteau constitue d’emblée un élément marquant, suscitant l’admiration de tous ceux qui le découvrent.

Ce petit gâteau carré évoque l'image d'une grenade mûre, symbole de plénitude et de richesse dans la culture khmère.

La garniture se compose principalement de riz gluant, trempé toute une nuit puis soigneusement égoutté, de haricots mungo cuits, de noix de coco râpée à la texture onctueuse, le tout mélangé à du sucre et à une pincée de sel afin d’équilibrer les saveurs.

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Ce petit gâteau carré évoque l'image d'une grenade mûre, symbole de plénitude et de richesse dans la culture khmère. Photo : baoangiang.

Sans conservateurs chimiques, tous les ingrédients sont d’origine naturelle, garantissant à la fois la sécurité alimentaire et le respect des valeurs traditionnelles.

L’utilisation de jeunes feuilles de palmier à sucre comme enveloppe confère non seulement un arôme caractéristique lors de la cuisson, mais permet également au gâteau de conserver sa souplesse et son moelleux, laissant une impression durable dès la première dégustation.

Cette combinaison d’ingrédients et de savoir-faire, perfectionnée au fil des générations, permet au Ka Tum de se distinguer parmi les spécialités populaires du Sud du Vietnam.

Selon Mme Néang Sóc Senl, présidente de l’Union des femmes de la commune d’O Lam, les ingrédients du gâteau Ka Tum symbolisent l’abondance de la terre d’An Giang, où le palmier à sucre constitue une ressource emblématique et la riziculture, le principal moyen de subsistance.

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L’utilisation de jeunes feuilles de palmier à sucre comme enveloppe confère un arôme caractéristique lors de la cuisson. Photo : baoangiang.

La préparation du Ka Tum requiert minutie et habileté. Les jeunes feuilles de palmier sont cueillies fraîches, nettoyées, puis découpées en fines lanières destinées à être tressées en une structure carrée.

Le sommet du gâteau est noué en forme de fleur, créant un accent esthétique distinctif.

L’ouverture étroite de l’enveloppe exige un remplissage délicat afin d’éviter toute déchirure.

Une fois soigneusement emballés, les gâteaux sont cuits à l'eau bouillante pendant 45 à 50 minutes, jusqu’à ce que les feuilles passent du vert au jaune clair et dégagent un arôme envoûtant.

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Les gâteaux sont cuits à l'eau bouillante pendant 45 à 50 minutes. Photo : NDEL.

Selon l’artisane Néang Phuong, originaire de la commune d’O Lam et forte de plus de quarante années d’expérience, le tressage des feuilles constitue l’étape la plus complexe, nécessitant une concentration intense : la moindre erreur peut ruiner l’ensemble du gâteau.

Elle a transmis ce savoir-faire aux jeunes générations, leur enseignant les techniques permettant de dissimuler la garniture et d’assurer une cuisson uniforme.

Ce processus permet de préserver l’authenticité des saveurs et de perpétuer des compétences ancestrales menacées par la modernité.

Le gâteau Ka Tum incarne ainsi la persévérance et la créativité des Khmers, transformant des ingrédients simples en une véritable quintessence gastronomique.

Sa portée culturelle dépasse largement sa valeur nutritionnelle, en faisant un symbole spirituel profondément ancré dans la vie communautaire khmère.

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L’artisane Néang Phuong (à droite) guide les apprenties dans l’art de l’emballage du gâteau. Photo : NDEL.

Le Ka Tum est traditionnellement préparé lors des grandes fêtes telles que le Têt Chôl Chnăm Thmây (Nouvel An khmer), la fête de Sen Dolta dédiée au culte des ancêtres, ou encore le festival Óoc Om Bóc, célébrant l’espoir de récoltes abondantes.

Mme Néang Phuong confie que ce gâteau n’est pas seulement une offrande au ciel et à la terre, mais qu'il porte aussi l'aspiration à une vie prospère et heureuse, où toutes les difficultés sont symboliquement « emballées ».

La façon de le déguster est particulière : il faut trouver les articulations des feuilles pour ouvrir délicatement l'emballage, à l’image de la découverte progressive des beautés cachées de la vie.

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Le Ka Tum, symbole de plénitude et d’abondance dans la culture khmère. Photo : NDEL.

Dans l’atelier de l’artisane Néang Phuong, des centaines de gâteaux peuvent être produits chaque jour selon les commandes, vendus entre 5 000 et 6 000 dôngs pièce.

Cette activité assure un revenu mensuel stable d’environ six millions de dôngs par personne.

Le maintien de ce métier ne crée pas seulement des emplois pour les femmes khmères, mais il stimule également l’économie locale, faisant du Ka Tum un produit artisanal emblématique de la culture d’An Giang et affirmant la place de la communauté khmère dans la mosaïque culturelle vietnamienne.

Les efforts de préservation du métier du gâteau Ka Tum sont aujourd’hui renforcés grâce à l’implication active des autorités locales et des organisations communautaires.

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Ka Tum, le gâteau khmer qui incarne l’âme d’une culture. Photo : baoangiang.

L’Union des femmes de la commune d’O Lam a mis en place un modèle de coopérative dirigé par l’artisane Néang Phuong, visant à transmettre le métier aux jeunes générations et à développer une identité de marque propre.

Cette initiative contribue non seulement à la préservation d’un patrimoine culturel, mais renforce également la solidarité communautaire et l’autonomisation des femmes khmères.

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