Le journalisme de données contribue à façonner l’avenir de la presse à l’ère numérique

À l’ère du numérique, les données deviennent une « matière première » essentielle pour toutes les activités journalistiques.

Grâce à l’intelligence artificielle et au journalisme de données, chaque organe de presse peut renforcer sa capacité à analyser les données de retour du public. Photo d’illustration.
Grâce à l’intelligence artificielle et au journalisme de données, chaque organe de presse peut renforcer sa capacité à analyser les données de retour du public. Photo d’illustration.

La maîtrise, par les journalistes, de la collecte de données issues de multiples sources, ainsi que leur capacité à traiter et analyser ces données à l’aide d’outils statistiques et de l’intelligence artificielle (IA), constitue une compétence clé pour permettre à une rédaction de s’inscrire dans une dynamique de développement durable à l’ère numérique.

Numériser les données pour bâtir un modèle de données massives pour la rédaction

La célébration du centenaire de la Journée de la presse révolutionnaire du Vietnam est l’occasion de revenir sur un siècle d’engagement de la presse révolutionnaire au service de la Patrie et du peuple. C’est également une opportunité pour chaque organe de presse d’affirmer l’importance du renouvellement technologique à travers des solutions stratégiques, afin de permettre à la presse d’entrer pleinement dans une nouvelle ère.

Parmi les nombreuses solutions technologiques, la modernisation du modèle opérationnel, l’innovation dans la presse en ligne pour capter l’intérêt des lecteurs, ainsi que le développement du journalisme de données constitueront des éléments indispensables au sein de chaque rédaction.

Le journalisme de données est un domaine encore nouveau, mais il représente une ressource précieuse dans le flux d’informations, souvent négligée de manière involontaire par de nombreux organes de presse.

Les informations relatives aux divers secteurs, aux événements, aux images, aux vidéos, etc., constituent des données de grande valeur utilisées par les rédactions au fil des années. Toutefois, en l’absence d’un système d’archivage adéquat, sans classification, analyse, ni exploitation efficace, ces données risquent fort de sombrer dans l’oubli au sein du flot ininterrompu de l’actualité.

En s’appuyant sur la puissance des chiffres et des algorithmes, le journalisme de données offre une perspective nouvelle, multidimensionnelle, capable de refléter les dynamiques et de décrypter des enjeux complexes dans les domaines social, politique, économique, etc. Tout est exprimé à travers des données chiffrées précises, remplaçant ainsi les évaluations subjectives, approximatives et peu objectives.

Par ailleurs, grâce aux technologies de l’IA et au journalisme de données, chaque rédaction peut améliorer sa capacité à analyser les retours du public, les tendances sectorielles ou les comportements des consommateurs, afin de proposer des campagnes adaptées — une tâche qui, confiée uniquement à l’humain, exigerait temps et ressources considérables.

Dans la pratique, de nombreux organes de presse ont su prendre les devants en intégrant de manière flexible les technologies avancées dans leurs activités. Certains médias nationaux ont collaboré avec des entreprises technologiques vietnamiennes spécialisées dans les données afin de concevoir et mettre en place leur propre système de gestion, d’exploitation et d’utilisation des données au sein de la rédaction.

Nombre d’entre eux considèrent que, dans le processus de transformation numérique et de construction d’une rédaction intelligente, les données jouent un rôle central : elles sont à la fois un actif, une ressource et une condition indispensable à la mise en œuvre de cette transformation. Le développement du journalisme de données est ainsi vu comme une condition préalable à une évolution stable et durable de chaque organe de presse.

Le rédacteur en chef du journal Kinh te & Do thi (Économie et Urbanisme), Nguyên Thanh Loi a indiqué que, ces dernières années, la rédaction s’est concentrée sur l’investissement dans un système d’archivage pour les données internes, la conservation des photos de presse, ainsi que la constitution d’une base de données couvrant l’édition numérique, la version imprimée et les autres publications, répondant ainsi efficacement au modèle de rédaction convergente.

Actuellement, le journal s’emploie à développer des productions journalistiques fondées sur les données, tout en mettant progressivement ses bases de données à disposition sur diverses plateformes numériques.

« En 2025, nous développons et mettons en place des produits de presse numérique, des plateformes numériques, ainsi que la numérisation des données afin de bâtir un modèle de big data, ce qui nous permettra de construire et de déployer un modèle d’économie numérique, ainsi que de lancer un service de lecture payante basé sur les plateformes TIC du journal.

Parallèlement, nous élaborons des outils de collecte de données, d’évaluation, de prévision, de suivi et de contrôle de la qualité de l’information. Nous prévoyons également la création d’un centre de données Kinh te & Do thi (Économie et Urbanisme), ainsi que le développement de services visant à transformer les données au service de la croissance de l’économie numérique », a ajouté Nguyên Thanh Loi.

Outre le journal Kinh te & Do thi, de nombreux autres organes de presse ont également intégré les systèmes de données dans le fonctionnement de leur rédaction.

Récemment, à l’occasion du 50ᵉ anniversaire de la libération du Sud et de la réunification du pays, le journal Sai Gon Giai Phong (Saïgon libérée) a officiellement lancé une œuvre de journalisme fondée sur les données. Ce projet fait appel à des outils d’intelligence artificielle pour numériser, analyser et présenter les données, allant de la conversion de texte en audio, à la restauration de pages de journaux endommagées, en passant par la reconnaissance d’éléments visuels caractéristiques et la recherche rapide d’informations.

L’œuvre se décline sous de multiples formats multimédias, notamment des récits longs, des infographies et des vidéos, offrant aux lecteurs une expérience informative à la fois accessible, immersive et enrichissante.

Le journalisme de données, une tendance irréversible

Il est indéniable que l’application du journalisme de données dans la vie quotidienne offre de nombreux avantages. Toutefois, à côté des apports positifs de la technologie, certaines limites subsistent. Grâce aux données massives, les journalistes peuvent générer des articles rapidement, mais les contenus produits par ces outils restent souvent rigides, manquent de profondeur analytique, utilisent un langage stéréotypé et peinent à établir une connexion émotionnelle avec les lecteurs.

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Il est nécessaire d’intégrer des modules et des formations spécialisées sur le journalisme de données et l’analyse des mégadonnées. Photo d’illustration.

À ce sujet, Nguyen Phuong Anh, maître en communication à l’Académie du journalisme et de la propagande, a partagé : « Bien que l’intelligence artificielle puisse remplacer l’humain dans la présentation des données, elle ne saurait se substituer à la pensée critique, au regard humaniste et à la déontologie professionnelle du journaliste. La véritable question est de savoir comment exploiter efficacement l’IA tout en préservant la rigueur, le sens des responsabilités et l’éthique du métier de journaliste à l’ère numérique. »

Elle a souligné : « Par nature, l’IA ne peut produire que des réponses fondées sur une base de données préexistante. Elle est totalement dépourvue d’émotions humaines ou de compréhension approfondie des contextes historiques, économiques, culturels et sociaux spécifiques. Elle n’a ni idéal journalistique, ni sensibilité politique, encore moins les valeurs humanistes ou la conscience de la responsabilité sociale, comme en possèdent les journalistes, ces travailleurs étroitement liés à la réalité concrète de la vie. »

Dans les faits, les systèmes d’IA peuvent générer automatiquement du contenu à partir des données fournies, mais ils sont incapables d’évaluer les valeurs éthiques, la fiabilité des sources ou les contextes historiques et sociaux spécifiques. Cela peut facilement conduire à la diffusion d’informations erronées, de fausses nouvelles, de titres sensationnalistes ou de contenus biaisés et discriminatoires, causant du tort à des organisations ou à des individus.

On peut affirmer que l’adoption du journalisme de données constitue une tendance irréversible pour chaque organe de presse. Toutefois, la question essentielle réside dans la manière de l’utiliser : former et accompagner les journalistes dans la constitution de bases de données solides et dans leur exploitation méthodique et rigoureuse afin d’en tirer une réelle efficacité.

Pour répondre à cette problématique, Luong Dong Son, enseignant à l’Institut de journalisme et de communication de l’Académie du journalisme et de la propagande, estime :

« Il est nécessaire d’intégrer des modules et des formations spécialisées sur le journalisme de données et l’analyse des mégadonnées. À l’ère numérique, les données sont devenues une “matière première” essentielle à toute activité journalistique.

Les programmes de formation et de perfectionnement permettront aux journalistes et aux étudiants en journalisme de maîtriser la collecte de données à partir de sources variées, leur traitement et leur analyse à l’aide d’outils statistiques et d’intelligence artificielle. Ce n’est qu’à cette condition que les données pourront être efficacement visualisées sous forme de graphiques, d’infographies, et qu’elles pourront, en fin de compte, être utilisées pour raconter des histoires de manière captivante. »

À l’ère numérique, les données sont devenues une ressource précieuse pour détecter des tendances, révéler des informations cachées ou identifier les schémas de comportement du public. Chaque journaliste doit aujourd’hui être capable d’exploiter, de traiter et d’analyser des données issues de diverses sources, telles que les réseaux sociaux, les bases de données publiques ou les systèmes de collecte automatique.

Cela nécessite une connaissance des méthodes statistiques, de l’analyse de données, ainsi qu’une maîtrise des outils et logiciels spécialisés. Ce n’est qu’ainsi que les journalistes et les reporters pourront produire des contenus approfondis, fiables, reflétant fidèlement les tendances en cours et permettant au lectorat de mieux comprendre les enjeux complexes de notre société.

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