Quand la science s’allie au savoir local
Depuis plusieurs années, le professeur Ermias Kebreab, membre du Conseil de présélection du prix VinFuture, collabore avec des équipes vietnamiennes sur deux domaines stratégiques : le développement d’un système d’aquaculture intelligente dans la province de Khanh Hoa et la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l’élevage laitier à Ba Vi.
Selon lui, ces projets illustrent parfaitement la capacité du Vietnam à relier recherche scientifique et développement durable.
À Khanh Hoa, ses équipes conçoivent un modèle d’aquaculture fondé sur des capteurs de qualité de l’eau, des algorithmes d’optimisation de l’alimentation et des outils d’aide à la décision en temps réel. « C’est l’avenir de l’aquaculture durable : plus propre, plus intelligente et mieux adaptée aux changements climatiques », estime-t-il.
Particularité du projet : il est dirigé par des chercheurs locaux, dans une approche interdisciplinaire où ingénieurs, informaticiens et biologistes conjuguent leurs savoirs au service de l’agriculture. Pour les zones côtières comme Khanh Hoa, cette démarche ouvre la voie à des moyens de subsistance plus stables, une meilleure qualité de l’eau et une résilience accrue face aux aléas climatiques. À terme, elle pourrait devenir un modèle pour l’économie bleue vietnamienne, démontrant qu’un développement durable est possible lorsque la science et la nature avancent de concert.
Réduire les émissions grâce aux ressources locales
En parallèle, le professeur Kebreab conseille un projet mené par l’Académie d’agriculture du Vietnam visant à réduire les émissions de méthane issues de l’élevage bovin. Il salue l’approche du programme, fondée sur la valorisation des ressources locales et la rigueur scientifique.
Le Vietnam dispose, selon lui, d’une grande diversité de plantes riches en composés bioactifs susceptibles de limiter les émissions de méthane. Si les essais en cours aboutissent, le projet pourrait réduire les gaz à effet de serre, améliorer la santé animale et réduire les coûts de production. À l’échelle nationale, il représenterait une contribution concrète à l’engagement du pays pour la neutralité carbone d’ici 2050.
Une jeune génération tournée vers l’innovation durable
Le chercheur américain se dit particulièrement impressionné par l’esprit d’innovation des jeunes scientifiques vietnamiens, capables d’adapter les grands défis mondiaux au contexte local. Plutôt que d’importer des modèles existants, ils cherchent à transformer les ressources indigènes en solutions adaptées : « Ils se demandent toujours si les savoirs et matières locales peuvent être la clé », souligne-t-il.
Le savoir traditionnel, transmis de génération en génération, constitue un atout majeur : connaissance fine des écosystèmes, des plantes médicinales et du comportement animal. En l’associant aux technologies modernes, séquençage génétique, intelligence artificielle, modélisation des cycles de vie, les chercheurs vietnamiens créent des innovations efficaces et reproductibles.
Dans l’aquaculture, par exemple, certaines équipes expérimentent l’usage d’algues ou de feuilles de thé aux propriétés antibactériennes pour remplacer les antibiotiques. Une démarche emblématique d’un développement durable alliant innovation et héritage culturel.
VinFuture, carrefour du savoir et du dialogue scientifique
Pour atteindre la neutralité carbone, rappelle le professeur Kebreab, aucun pays ne peut avancer seul. Il salue la volonté d’ouverture du Vietnam, qui multiplie les échanges de savoirs avec la communauté scientifique mondiale. Les projets conjoints, à l’image de celui mené avec l’Académie d’agriculture, reposent sur une coopération égalitaire, où les solutions sont co-construites à partir des connaissances et expériences de chaque partie.
Dans cette dynamique, le prix VinFuture joue, selon lui, un rôle clé. « VinFuture est devenu une véritable table ronde de l’intelligence mondiale, où les jeunes chercheurs vietnamiens peuvent dialoguer directement avec les plus grands scientifiques, y compris des lauréats du prix Nobel », observe-t-il.
Ce qui distingue la Semaine VinFuture, poursuit-il, c’est son atmosphère d’ouverture et d’humanité : scientifiques, responsables publics et jeunes chercheurs y échangent librement, faisant naître de nouvelles coopérations. « À VinFuture, le monde rencontre le Vietnam, et le Vietnam rencontre le monde, par la science, la confiance et la générosité. »
« Les scientifiques vietnamiens avancent clairement dans la bonne direction du développement durable », conclut le professeur Ermias Kebreab. « En unissant savoirs locaux et science moderne, le Vietnam montre qu’un modèle de croissance verte, porteur d’identité et d’avenir, est possible. »