Phạm Sỹ Thành, directeur du Centre de recherche économique et de stratégie sur la Chine, s'est entretenu avec l'agence de presse vietnamienne à ce sujet.
De nombreuses institutions financières pensent que le resserrement de la politique monétaire pour freiner l'inflation élevée et la crise énergétique sans fin seront des facteurs importants affectant l'économie mondiale en 2023. Qu'en pensez-vous ?
Le resserrement de la politique monétaire des principales banques centrales est l'un des facteurs importants qui créent une réduction de la demande extérieure des économies ainsi que la baisse de la production des pays à l'heure actuelle. Cependant, ce n'est qu'une partie des difficultés à anticiper pour 2023. Le fait est que l'inflation mondiale a déjà atteint un pic alors que la feuille de route des hausses de taux d'intérêt des banques centrales suivra une marge beaucoup plus faible par rapport à celle de 2022.
En plus de cela, je pense qu'il y a trois autres facteurs qui auront un impact négatif sur l'économie mondiale. Tout d'abord, il n'y a jamais eu de situation où les trois plus grandes économies du monde sont confrontées à autant de difficultés qu'aujourd'hui.
En 2008, l'économie américaine a connu des problèmes, tandis que les économies européenne et chinoise se portaient plutôt bien.
En 2010, l'économie européenne était instable, mais l'économie américaine s'est redressée et la Chine était sur la voie de la croissance.
En 2015-2016, l'économie chinoise a connu des problèmes, tandis que les États-Unis et l'Europe se sont fortement remis de la crise.
Cependant, maintenant, c'est la première fois que les trois plus grandes économies mondiales ont des problèmes. Plus précisément, les États-Unis sont toujours confrontés à une inflation élevée. En Europe, l'inflation et les prix de l'énergie sont problématiques. La Chine, en revanche, connaît des problèmes sur le marché des actifs et les effets inattendus de sa politique "zéro COVID".
Dans le modèle économique mondial, les États-Unis et l'Europe sont du côté de la demande, et la Chine du côté de l'offre. Ainsi, si un seul des deux côtés a des problèmes, l'économie mondiale est confrontée à de grandes difficultés. Si ces deux camps rencontrent des difficultés en même temps, le risque d'un ralentissement économique mondial est encore plus évident.
Le deuxième facteur qui affectera négativement l'économie mondiale est la conséquence du resserrement de la politique monétaire que les banques centrales ont appliqué ces dernières années pour contrôler une inflation élevée. Le problème n'est pas seulement le taux de change, c'est aussi la forte pression sur les économies qui poursuivent un modèle d'exportation ou qui comptent sur les exportations pour promouvoir leur croissance économique.
De plus, l'instabilité du marché des actifs en Chine est également un nouveau point chaud à surveiller. Pour l'économie mondiale, la Chine est un pays à la croissance très importante. Selon les dernières prévisions, sa croissance du PIB en 2022 n'a atteint que 50 % de l'objectif. Les raisons sont l'effet de la politique "zéro COVID", la volatilité du marché des actifs affectant la confiance des consommateurs et la réduction des exportations. Ce sont des facteurs qui peuvent affecter négativement les perspectives de croissance économique de la Chine en 2023.
De nombreux analystes estiment que la Chine peut s'ouvrir complètement en 2023 après une longue période d'isolement face à la pandémie de COVID-19. Cela aura un impact important sur le contrôle de l'inflation mondiale en 2023. Quelles sont vos analyses sur ce point ?
La réouverture de la Chine aura un impact énorme sur les prix des produits de base mondiaux tels que le cuivre, l'aluminium, l'acier, le pétrole et les produits agricoles. En fait, les importations chinoises de ces produits destinés à la consommation intérieure sont très faibles. Si les exportations de la Chine vers les États-Unis et l'Europe ne peuvent pas se redresser, la Chine les stimulera vers d'autres marchés.
Cependant, les statistiques de fin 2022 ont montré que la croissance des exportations chinoises était à un bas niveau. En novembre 2022, les exportations chinoises ont chuté de 8,7 % en glissement annuel, et il s'agissait du deuxième mois consécutif de baisse.
Il s'agit également de la plus forte baisse des exportations chinoises depuis février 2020, pic de l'épidémie de COVID-19 en Chine.
Ces chiffres ont montré que la vraie difficulté vient du resserrement de la politique monétaire des États-Unis et de l'UE qui a eu un impact immédiat sur les grandes économies basées sur l'exportation comme la Chine.
Le problème mondial de l'inflation vient également du conflit entre la Russie et l'Ukraine, car celui-ci a amené le monde à faire face à une crise des prix de l'énergie. Par conséquent, l'inflation mondiale en 2023 dépendra non seulement de la réouverture de la Chine, mais aussi de la résolution de la crise énergétique mondiale.
Comment l'économie du Vietnam fera-t-elle face à ces grands défis pour maintenir la croissance économique ?
Je pense que le Vietnam fait face à un grand défi de l'extérieur, qui est une énorme baisse de la demande pour ses exportations.
La croissance des nombreux produits d'exportation du Vietnam, dont le chiffre d'affaires dépasse le milliard de dollars, tels que les produits en bois et les vêtements, en octobre et novembre 2022, a diminué de 30 à 40 % par rapport à la même période de l'année passée et au mois précédent.
Cela montre que le marché extérieur n'est plus assez attractif pour les exportations. Cette baisse des exportations entraînera de nombreux problèmes, notamment la pauvreté et une augmentation du chômage dans les zones industrielles.
En outre, le Vietnam est également confronté à deux défis internes. Premièrement, le traitement des violations tant sur le marché obligataire que dans le système bancaire qui crée des goulots d'étranglement dans les flux de capitaux.
A cela s'ajoute le coût du capital qui est l'un des obstacles pour les entreprises désirant investir. Cette difficulté oblige le gouvernement à prendre des mesures pour aider les entreprises à accéder au capital le plus rapidement possible avec des taux d'intérêt appropriés.
En outre, les exportateurs vietnamiens ont également de grandes opportunités d'obtenir des commandes de partenaires qui ont déjà fait affaires avec des entreprises chinoises dans le contexte où la Chine applique la politique "zéro COVID".
Cette politique a également accéléré la délocalisation des chaînes d'approvisionnement de la Chine vers le Vietnam, à l'image des groupes Foxconn, Apple, Adidas ou Samsung. En Asie du Sud-Est, le Vietnam est en train de devenir l'une des destinations où les grandes entreprises multinationales choisissent de construire des centres de recherche et développement (R&D).
Pour tirer parti des avantages externes, le Vietnam a besoin de mesures synchrones, notamment la construction de meilleures infrastructures industrielles.
Une autre solution importante consiste à régler les problèmes des marchés obligataires et du système bancaire. En particulier, la politique budgétaire doit jouer un rôle plus important pour ouvrir davantage de possibilités de développement économique et tirer parti de la situation où les autres économies touchées ne se rétablissent pas.