Les droits de l’homme à l’ère numérique

À l’entrée dans l’ère numérique, le Vietnam fait de la protection des droits de l’homme en ligne une priorité, en renforçant le cadre institutionnel et les politiques afin d’équilibrer développement technologique et droits fondamentaux des citoyens.

Un « point de services publics en ligne » aide les habitants à utiliser les services administratifs dématérialisés. (Photo : Police de la province de Thanh Hoa)
Un « point de services publics en ligne » aide les habitants à utiliser les services administratifs dématérialisés. (Photo : Police de la province de Thanh Hoa)

Comparée aux périodes précédentes, la garantie des droits de l’homme a connu de profondes transformations : d’un cadre conceptuel traditionnel centré sur les droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, elle est passée à un système de droits « dynamiques », adaptés à l’environnement virtuel.

Autrefois, les droits de l’homme s’exerçaient essentiellement dans l’espace physique. L’essor des technologies numériques - de l’intelligence artificielle (IA) et des données massives (Big Data) à l’Internet des objets (IoT) - a élargi leurs frontières tout en faisant émerger de nouveaux droits jusque-là inexistants. Ainsi, la protection des données personnelles numériques est désormais reconnue comme un droit humain fondamental.

La Loi sur la protection des données personnelles (2025) stipule : « La protection des données personnelles est associée à la protection des intérêts nationaux, au développement socio-économique, à la garantie de la défense, de la sécurité et des relations extérieures ; elle assure un équilibre entre la protection des données personnelles et celle des droits et intérêts légitimes des organismes, organisations et individus » (article 3).

Les technologies numériques apportent à la société des bénéfices indéniables, telles que la transparence de la gestion publique. La base de données nationale sur la population permet aux citoyens d’accéder plus facilement à leurs droits légitimes.

Ces dernières années, le Portail électronique du gouvernement et le système de services publics en ligne ont permis à des millions de personnes d’utiliser les services administratifs sans avoir à se déplacer, marquant un progrès notable. Par ailleurs, l’IA et l’analyse de données peuvent anticiper les risques sociaux et contribuer à protéger les groupes vulnérables, notamment via des applications de suivi de la santé communautaire ou d’éducation en ligne.

Ces évolutions enrichissent non seulement le contenu des droits humains mais posent aussi les bases d’une société plus équitable, où la technologie devient un outil de garantie des droits et intérêts de la communauté, offrant à chacun de meilleures conditions pour jouir de ses droits fondamentaux.

Cependant, dans le contexte de la révolution industrielle 4.0, des technologies telles que l’IA et les Big Data, tout en générant une forte valeur socio-économique, favorisent également la multiplication de cybercrimes sophistiqués, menaçant la sécurité nationale et les droits humains.

Parmi les défis majeurs figure la protection des données et de la vie privée. Rien que durant les six premiers mois de 2025, Viettel Threat Intelligence a recensé près de 8,5 millions de comptes d’utilisateurs vietnamiens compromis, soit 1,7 % du total mondial, ainsi que 4 500 noms de domaine frauduleux et 1 067 sites web usurpés.

Fait préoccupant, de nombreux comptes volés sont liés à des systèmes sensibles - courriels professionnels, VPN, SSO, comptes administrateurs - ce qui expose non seulement au vol d’identifiants, mais aussi à l’intrusion illégale, au détournement d’actifs internes et au sabotage d’infrastructures numériques.

Par ailleurs, les technologies de surveillance intelligente, telles que la reconnaissance faciale, contribuent à la sécurité publique mais peuvent aussi faire l’objet d’abus pour suivre les individus, portant atteinte à la liberté de déplacement et d’expression, soulevant la question de l’équilibre entre intérêts nationaux et vie privée.

Les inégalités numériques dues aux disparités territoriales et ethniques en matière d’accès aux technologies doivent également être prises en compte. Ces défis exigent une adaptation rapide du cadre conceptuel des droits humains aux exigences de la nouvelle ère.

Le professeur associé, docteur Tuong Duy Kien, directeur de l’Institut des droits de l’homme de l’Académie nationale de politique Ho Chi Minh, analyse : « La protection des droits humains à l’ère numérique nécessite non seulement de répondre aux défis actuels, mais aussi de façonner les futurs cadres juridiques et de gouvernance à l’échelle mondiale. Les approches doivent concilier innovation technologique et principes démocratiques et fondamentaux des droits de l’homme. »

Le Vietnam a pris des mesures proactives pour garantir les droits humains dans l’environnement numérique, notamment par l’adoption de la Loi sur la cybersécurité (2018), de la Loi sur les données (2024) et de la Loi sur la protection des données personnelles (2025). Ces textes constituent non seulement une base juridique pour protéger les informations personnelles et l’intérêt communautaire, mais s’inscrivent également dans les normes internationales, créant un fondement pour une gouvernance transparente et équitable.

Récemment, l’accueil par le Vietnam de la signature de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la cybercriminalité (Convention de Hanoï) illustre son engagement en faveur de la protection des droits des citoyens dans l’espace numérique.

Face à des évolutions de plus en plus complexes, le Vietnam doit mettre en œuvre une stratégie globale pour garantir les droits de l’homme à l’ère numérique. Premièrement, la construction et l’amélioration du système juridique doivent demeurer une priorité, assurant l’harmonisation entre le droit national et les engagements internationaux.

Selon de nombreux experts, l’élaboration d’une loi sur l’IA, la révision du Code pénal et la finalisation des règles encadrant les infractions dans l’environnement numérique sont nécessaires afin de garantir l’équité, la responsabilité juridique et un cadre de protection efficace.

Deuxièmement, il convient de renforcer les capacités de gestion publique et les compétences numériques des agences compétentes. La gouvernance de l’espace en ligne, la surveillance des contenus illicites, la sécurisation des réseaux et la gestion des risques liés aux données exigent des équipes maîtrisant à la fois la technologie et le droit, ainsi que des infrastructures techniques solides pour détecter et prévenir les attaques.

L’État doit promouvoir les partenariats public-privé, la coopération avec les experts et instituts de recherche pour élaborer des standards, des directives techniques et des cadres éthiques relatifs à l’IA et aux plateformes numériques. L’évaluation de l’impact sur les droits humains devrait être envisagée pour tout grand projet technologique, des villes intelligentes aux systèmes de données de population. Parallèlement, des mécanismes de sanction dissuasifs et la clarification des responsabilités des entreprises technologiques en matière de collecte, de traitement et de partage des données s’avèrent indispensables.

Troisièmement, il est nécessaire de renforcer l’éducation et la sensibilisation au sein de la communauté, en particulier auprès des groupes vulnérables, afin de créer un « bouclier » interne. Les citoyens doivent être informés de leurs droits dans l’environnement numérique, tels que le contrôle des données, le droit de porter plainte et les moyens de se protéger en ligne. L’éducation à la citoyenneté numérique doit être intégrée aux programmes scolaires, aux formations professionnelles et aux stratégies de communication communautaire, encourageant une utilisation responsable et éclairée des technologies.

Enfin, le renforcement de la coopération internationale et la mobilisation de l’ensemble de la société constituent des éléments clés pour protéger les citoyens dans l’environnement numérique. La collaboration entre l’État, les entreprises, les organisations sociales et la communauté permettra de bâtir un écosystème de cybersécurité solide, via la formation des ressources humaines, l’investissement dans les infrastructures et le dialogue interdisciplinaire.

L’ère numérique ouvre de vastes perspectives mais exige une action collective, fondée sur le sens des responsabilités et l’objectif d’une société juste et humaine. Avec la détermination du Parti, de l’État et de la société, le Vietnam a pleinement la capacité de construire un espace numérique civilisé et sûr, où chaque individu est respecté, protégé et responsabilisé, posant les bases d’un développement national durable.

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