Né à Phu Thi, près de Hanoi, d’une famille de lettrés, Cao Ba Quat avait suivi depuis son enfance la filière traditionnelle des études classiques pour être reçu à vingt-trois ans cu nhân (licencié). Afin de passer le concours de doctorat, il avait fait plusieurs fois le voyage (à pied) de Huê qui était alors la capitale. À trente-deux ans, nommé à un poste subalterne au ministère des Rites, il faisait connaissance avec l’ennui qui dévorait la vie des petits fonctionnaires, et la pourriture de la monarchie à l’époque. Il était également témoin des premières menées occidentales contre l’indépendance nationale.
Désigné comme censeur à un concours mandarinal, il avait voulu repêcher des candidats méritants, qui avaient cependant eu la malchance de commettre des fautes vénielles, mais considérées par la cour comme crimes de lèse-majesté : emploi dans les compositions de mots interdits, parce que c’étaient les noms mêmes du roi et de la reine. Dénoncé, Cao Ba Quat fut condamné à mort puis gracié, mais dut passer trois années en prison : là il fut torturé, reçut la bastonnade infligée aux grands criminels.
À la sortie de prison, il fut désigné pour servir dans une mission commerciale envoyée en Indonésie et au Cambodge ; ce fut l’occasion pour lui de voir de près les Occidentaux, en particulier les Anglais alors très actifs dans ces parages. Renvoyé dans son village, il fut convoqué à nouveau à la capitale en 1847, et y resta jusqu’en 1850, date à laquelle il fut nommé responsable de l’enseignement du district de Quôc Oai, actuellement dans Hanoi.
Il démissionna en 1853 pour préparer et lancer une insurrection populaire contre la cour de Huê. C’était un mouvement essentiellement paysan : Cao Ba Quat s’était assuré également la participation de groupes ethniques minoritaires du Nord-Ouest. L’insurrection ne put résister aux troupes royales et Cao Ba Quat fut tué au cours d’une bataille.
Cao Ba Quat était considéré par ses contemporains comme l’un des plus grands poètes de son temps. Une partie de ses oeuvres a été détruite ou dispersée après l’échec de l’insurrection qu’il avait dirigée. Jusqu’à présent, on a pu recenser mille trois cent cinquante trois poèmes et vingt et un textes en prose. Le choix le plus important a été présenté par les Éditions littéraires de Hanoi dans un ouvrage paru en 1970 (présentation et textes, 418 pages).
La poésie de Cao Ba Quat traite de sujets variés: paysages, méditations sur la vie, l’histoire, poèmes faits en prison... On y retrouve un coeur fier, sensible à la beauté de la nature, à la misère du peuple, dégoûté de la scolastique de l’époque, rêvant de remplacer la monarchie décadente des Nguyên par une monarchie éclairée. Il avait également pressenti les ambitions des puissances occidentales sur le Vietnam. À une époque où le ritualisme confucéen inculquait la stricte observance de l’étiquette surtout devant les supérieurs, où les rois et mandarins exigeaient de tous une obéissance et un respect sans bornes, Cao Ba Quat avait osé écrire : «Ma vie durant, je ne me suis jamais incliné que devant des fleurs de prunier».
