Quand les garde-frontières se font passeurs de savoirs

À Nghê An, les garde-frontières ont transformé le quotidien d’élèves défavorisés avec la mise en place d’internats qui, au-delà de l’hébergement, servent de tremplin éducatif, nourrissant les rêves d’une jeunesse en quête d’avenir. Un modèle inédit où enseignement rime avec altruisme.
Internat frontalier à Tam Quang, district de Tuong Duong, province de Nghê An (Centre). Photo : CVN.
Internat frontalier à Tam Quang, district de Tuong Duong, province de Nghê An (Centre). Photo : CVN.

Pour faciliter les déplacements des élèves défavorisés et leur offrir un environnement d’apprentissage idéal, certains postes de garde-frontières de la province de Nghê An (Centre) ont construit des internats dans les zones frontalières.

Ainsi, ces jeunes bénéficient d’un hébergement sécurisé et d’un environnement propice à la réussite scolaire, permettant de soutenir et de concrétiser leurs aspirations en dépit de l’éloignement et de l’isolement de leurs foyers.

Nourrir les rêves

La province de Nghê An compte actuellement deux internats, situés dans la commune de Tam Quang, district de Tuong Duong, et au collège Môn Son, district de Con Cuông.

Au sein de ce dernier, après les cours de l’après-midi, les élèves ont pris l’habitude de s’organiser de manière autonome. Chacun se voit confier différentes tâches, telles que le ménage des chambres et de la cour, le désherbage du jardin et l’arrosage des légumes. Dans les dortoirs, les couvertures, les vêtements et les livres sont rangés avec soin, évoquant l’ordre d’une caserne militaire.

Le lieutenant Nguyên Van Tham, poste de garde-frontière de Môn Son, encadre les élèves dans leurs études. Photo : VNA/CVN.

Le lieutenant Nguyên Van Tham, poste de garde-frontière de Môn Son, encadre les élèves dans leurs études. Photo : VNA/CVN.

Luong Thi Mai, élève en 6e classe, originaire du hameau de Co Phat et résidant à l’internat depuis trois ans, s’exprime : “Dans mon village, les conditions d’étude étaient difficiles. Mes parents étaient souvent absents, travaillant dans la forêt, et je n’avais personne pour m’aider dans mes devoirs. Depuis mon installation à l’internat, j’ai bénéficié de conditions d’étude bien meilleures. Les soldats m’ont également aidée à approfondir mes connaissances. Pour réaliser mon rêve de devenir artiste peintre, je m’engage à travailler assidûment, afin de répondre aux attentes de mes bienfaiteurs et de mes professeurs”.

C’est la plus longue période qu’elle ait passée loin de ses parents. “Au début, ils me manquaient beaucoup, mais ici, j’ai beaucoup d’amis, je mange bien, je suis bien logée et les garde-frontières s’occupent de nous et nous guident dans nos études, alors je me suis vite adaptée à cette nouvelle vie”, partage La Thi Huynh, une autre élève de 6e année, à l’internat depuis plus de cinq mois.

Mai et Huynh font partie des 66 élèves de l’internat du collège Môn Son. Tous issus de l’ethnie Dan Lai, ils viennent des hameaux isolés de Khe Bung et Co Phat, situés au cœur de la vaste forêt de Pù Mat. Leurs habitations se trouvent à plus de 20 km de l’école, et la piste terrain qui y mène est accidentée et impraticable pendant la saison des pluies.

Selon le lieutenant-colonel Nguyên Tiên Hanh, commissaire politique adjoint du poste de garde-frontières de Môn Son, afin de soutenir les élèves Dan Lai, les autorités, les organisations et les collectivités locales ont appuyé la construction d’un internat dès 2018. Pour structurer cet accompagnement, en novembre 2022, le poste de garde-frontière a uni ses forces avec le Comité populaire de la commune de Môn Son et son collège pour lancer officiellement le modèle “internat en zone frontalière”, une initiative pionnière dans la province de Nghê An.

Dîner à l’internat de la commune de Môn Son, district de Con Cuông, province de Nghê An (Centre). Photo : VNA/CVN.

Dîner à l’internat de la commune de Môn Son, district de Con Cuông, province de Nghê An (Centre). Photo : VNA/CVN.

La commune de Tam Quang, dans le district de Tuong Duong, est le second lieu où les militaires de Nghê An ont mis en œuvre ce dispositif d’hébergement.

Inauguré juste à temps pour la rentrée scolaire 2024-2025, cet établissement offre un cadre de vie stable à 46 élèves issus des ethnies Thai, Kho Mu et Tày Pong, leur permettant de se consacrer pleinement à leurs études.

Le lieutenant-colonel Nguyên Tât Khanh, commissaire politique adjoint du poste des garde-frontières de Tam Quang, explique que “la création de cet internat répond à une nécessité : dans la commune de Tam Quang, les hameaux de Tùng Huong et Tân Huong, situés à 12-15 km du centre communal, sont profondément enclavés dans la forêt. Ces enfants devaient se débrouiller seuls dès leur plus jeune âge, préparant leurs repas, dormant et étudiant sans aucune supervision. Leur scolarité était gravement compromise par ce manque d’encadrement”.

Le professeur Hoàng Liên Son, directeur du collège Tam Quang, se félicite des retombées positives de cet internat. “Avant sa création, les élèves des hameaux isolés devaient louer une chambre ou loger chez des tiers, ce qui posait de nombreuses difficultés et nuisait à leur scolarité”, raconte-t-il. “Aujourd’hui, grâce au soutien de garde-frontières et de donateurs généreux, le nouvel internat est spacieux, propre et bien équipé, offrant aux élèves un cadre d’étude sûr et serein. Leurs familles sont également rassurées”, ajoute-t-il.

Un modèle efficace

Après les cours au collège Môn Son, les 66 élèves Dan Lai retrouvent leur internat frontalier. Photo : CTV/CVN.

Après les cours au collège Môn Son, les 66 élèves Dan Lai retrouvent leur internat frontalier. Photo : CTV/CVN.

Afin d’assurer le bon fonctionnement de ce modèle d’hébergement, les postes de garde-frontières ont désigné une équipe de trois agents, chargés de collaborer avec les établissements scolaires pour la gestion et la protection des locaux, dans le respect d’un règlement intérieur établi conjointement. Ils sollicitent également l’aide de bienfaiteurs pour améliorer la qualité des repas et les conditions de vie des élèves, qui s’ajoutent aux subventions gouvernementales. Les garde-frontières inculquent aux jeunes pensionnaires une discipline rigoureuse, inspirée du mode de vie militaire.

Les journées débutent par un coup de sifflet pour le réveil et des exercices matinaux, suivis du rangement des lits, de la toilette, du nettoyage et de la préparation pour l’école. Après les cours, les élèves déjeunent et se reposent avant de retourner en classe l’après-midi. Ensuite, ils pratiquent des activités sportives et physiques, et reçoivent des conseils en jardinage. La soirée est consacrée aux études, puis le coucher s’effectue à heure fixe.

Selon le lieutenant Nguyên Van Tham, membre de l’équipe opérationnelle “Accompagner l’internat frontalier” dans la commune de Môn Son et affectueusement surnommé “Papa Tham”, ces enfants, âgés de 11 à 15 ans, vivent loin de leur foyer pour la première fois, ce qui engendre une certaine appréhension face à leur nouvelle routine et à leurs études. “En les accompagnant dans leur intégration, je me sens investi d’un rôle parental, leur enseignant les gestes les plus élémentaires, tels que se brosser les dents ou se laver le visage, et les guidant dans leur parcours scolaire. Je les considère comme mes propres enfants et leur prodigue toute mon affection”, partage-t-il.

Nguyên Van Vy, directeur du collège de Môn Son, souligne l’apport significatif de cette initiative à l’éducation dans les districts montagneux. “Depuis leur installation à l’internat, les élèves ne sont plus sujets au décrochage scolaire. Leurs résultats se sont améliorés et, surtout, les soldats leur ont transmis des compétences essentielles pour la vie quotidienne, tout en veillant à leur bien-être”, précise M. Vy. “Il est indéniable que ce modèle a permis aux élèves défavorisés des zones frontalières de poursuivre leur scolarité, d’améliorer leurs performances académiques et de développer des aptitudes indispensables dans un environnement équilibré”, affirme-t-il.

Un garde-frontière du poste de Môn Son apprend aux élèves à nettoyer correctement leurs plateaux. Photo : CVN.

Un garde-frontière du poste de Môn Son apprend aux élèves à nettoyer correctement leurs plateaux. Photo : CVN.

Un véritable tremplin

Cette initiative joue un rôle déterminant dans la réduction du décrochage scolaire voire de la déscolarisation au sein des zones isolées et en difficulté. Plus encore, ce modèle revêt une profonde dimension humanitaire, témoignant de l’attention et de l’engagement de la société envers la jeune génération des régions défavorisées.

Le colonel Nguyên Van Hâu, commissaire politique du commandement des garde-frontières de Nghê An, souligne : “L’internat en zone frontalière est un modèle à la fois pragmatique et porteur de sens. Officiers et soldats s’investissent volontairement dans ce programme, animés par une profonde empathie envers les habitants et les élèves, et partageant leurs difficultés”. Grâce à cette initiative, les militaires contribuent à l’amélioration des conditions de vie, de l’éducation et du bien-être social dans les régions frontalières, tout en renforçant les liens entre eux et les communautés ethniques locales. L’internat de Nghê An constitue un véritable tremplin, permettant aux élèves des régions rurales isolées de concrétiser leurs ambitions scolaires.

Fort de son succès initial, le commandement des garde-frontières de Nghê An envisage d’étendre ce modèle, afin d’offrir à un plus grand nombre d’élèves issus de milieux défavorisés la possibilité de s’épanouir à travers l’éducation.