«Une opportunité en or» pour le Vietnam d’accélérer la localisation de son industrie automobile

Plus que jamais, notamment face aux dernières politiques tarifaires des États-Unis, l’industrie automobile vietnamienne doit s’appuyer sur ses propres forces pour se développer et renforcer sa capacité de localisation.

«Une opportunité en or» pour le Vietnam d’accélérer la localisation de son industrie automobile. Photo d'illustration: Vnexpress
«Une opportunité en or» pour le Vietnam d’accélérer la localisation de son industrie automobile. Photo d'illustration: Vnexpress

Dans un contexte mondial marqué par des bouleversements géopolitiques complexes, l’industrie automobile subit de nombreuses répercussions. Plus que jamais, notamment face aux dernières politiques tarifaires des États-Unis, l’industrie automobile vietnamienne doit s’appuyer sur ses propres forces pour se développer et renforcer sa capacité de localisation.

En marge de la conférence sur le renforcement de la localisation et le développement du réseau de fournisseurs récemment organisée à Hanoï, l’économiste Pham Chi Lan a partagé ses réflexions sur la nécessité de localiser davantage l’industrie automobile vietnamienne à l’heure actuelle.

Mme Pham Chi Lan estime qu’il s’agit d’une période où le Vietnam a plus que jamais besoin de développer son industrie nationale. « En rétrospective des 40 années de Renouveau (Doi Moi), nous constatons que l’économie vietnamienne a connu une croissance annuelle soutenue, de nombreux secteurs se sont développés. Mais force est de constater que l’économie intérieure, notre force intrinsèque, en particulier industrielle, reste encore faible à bien des égards. Actuellement, plus de 50 % du secteur manufacturier au Vietnam est entre les mains d’investisseurs étrangers opérant dans le pays. »

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L’économiste Pham Chi Lan. Photo: baodautu

« Les changements actuels dans le commerce mondial, en particulier avec les politiques tarifaires des États-Unis, vont bouleverser l’ordre établi. Le Vietnam ne pourra pas continuer à se développer s’il dépend uniquement de la capacité des investisseurs étrangers. Le risque que les entreprises se délocalisent est réel, surtout si les États-Unis appliquent des droits de douane élevés au Vietnam, estimant que le pays est voisin de la Chine et que des produits chinois utilisent le Vietnam comme passerelle vers le marché américain. »

« Ce soupçon sera difficile à dissiper totalement. Le Vietnam n’a d’autre choix que de s’affirmer par ses propres moyens, avec son industrie locale, pour démontrer que nous produisons des biens vietnamiens, y compris les composants et pièces détachées », affirme-t-elle.

Selon Mme Lan, en réalité, les produits industriels de grande envergure comme les automobiles nécessitent des milliers de composants fabriqués dans différents pays. Le Vietnam doit prouver que les pièces et composants utilisés dans les produits nationaux ou fabriqués localement par des entreprises étrangères sont effectivement produits par des entreprises vietnamiennes sur le territoire national, et non importés de l’extérieur.

« C’est pourquoi le moment présent est crucial pour le Vietnam. Il déterminera l’avenir de son développement dans les années à venir. Même les objectifs de croissance fixés par nos dirigeants – 8 % cette année et plus de 10 % les années suivantes, ne seront pas atteints si nous ne développons pas rapidement notre industrie nationale », a-t-elle souligné.

« Les tensions économiques mondiales auxquelles le Vietnam participe activement offrent aussi une opportunité pour nous réformer et renforcer nos capacités intérieures – des objectifs que nous poursuivons depuis des années sans grands résultats. Or, pour renforcer notre autonomie, il faut développer nos industries locales, un domaine longtemps négligé. »

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Photo: Vneconomy

« Aujourd’hui, les autorités accordent une attention particulière à cette question, avec des politiques prioritaires fortes pour développer les secteurs économiques nationaux, en particulier l’industrie, afin de renforcer notre capacité interne. C’est une occasion unique pour les entreprises vietnamiennes, et une opportunité pour le pays de décoller grâce à ses propres forces. »

En réalité, l’industrie vietnamienne s’est longtemps cantonnée à l’assemblage, tant pour la consommation intérieure que pour l’exportation. Le pays reste fortement dépendant des industries de soutien étrangères. Les politiques de développement des industries de soutien, instaurées depuis 20 à 30 ans, n’ont pas obtenu de résultats significatifs, même dans des secteurs relativement simples comme le textile, la chaussure ou le mobilier, où la part d’importations reste préoccupante pour l’avenir industriel du Vietnam.

Selon Mme Lan, ce n’est que lorsque le Vietnam disposera d’entreprises suffisamment grandes pour mener et contrôler les chaînes de valeur que les industries de soutien pourront réellement se développer. Sans leader vietnamien dans la chaîne, le pays ne pourra pas bâtir un véritable secteur de soutien industriel.

Concernant l’industrie automobile, elle rappelle que dès le départ, les constructeurs étrangers implantés au Vietnam, Toyota, Mitsubishi, Ford ou d’autres entreprises japonaises et américaines, ont utilisé leur propre réseau de fournisseurs. Par exemple, dans le modèle japonais, la production de pièces détachées est concentrée en Thaïlande tandis que le Vietnam ne joue qu’un rôle d’assembleur. Dans ce contexte, il est difficile pour le pays de bâtir une industrie locale de composants automobiles, en l’absence d’un leader, d’un « oiseau tête de file » tel que VinFast.

L’apparition de VinFast constitue une avancée majeure. C’est une entreprise de taille suffisante pour entraîner l’industrie de soutien, avec la capacité d’utiliser les produits locaux, de s’engager sur des normes élevées et de répondre aux exigences de la concurrence internationale. Les fournisseurs vietnamiens capables de fournir VinFast seront ainsi en mesure de se hisser au niveau mondial.

Pour Mme Lan, la volonté affirmée de grandes entreprises comme VinFast représente une opportunité précieuse pour les industries de soutien du secteur automobile vietnamien.

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Photo: VNA

« Le rôle de leader est crucial. Je me souviens encore, lors de mon voyage au Japon dans les années 1980, le président de Toyota m’avait confié qu’il ne possédait que trois usines principales au Japon, tandis que plusieurs milliers d’ateliers à travers le pays et ailleurs produisaient les composants. Les grandes usines n’intervenaient que pour les étapes finales nécessitant une grande échelle. Ce sont les quelque 3 000 fournisseurs qui constituaient le socle de Toyota. »

« Le lien entre le chef de la chaîne d’approvisionnement – à l’époque Toyota, aujourd’hui VinFast – et les entreprises de soutien est essentiel. Les deux parties ont besoin l’une de l’autre. C’est pourquoi je veux rassurer les fournisseurs : lorsqu’un grand acteur est prêt à les entraîner, coopérer et évoluer ensemble, ce n’est pas une relation à sens unique, mais un partenariat mutuel au service d’un développement commun. »

« Dans le contexte actuel du Vietnam, nous devons prendre conscience que l’intégration internationale doit aller de pair avec le renforcement de nos capacités nationales, afin que le pays puisse se hisser à la hauteur de la concurrence mondiale, y compris sur son propre territoire, et pas uniquement à l’étranger. »

« C’est donc une grande opportunité. Je suis convaincue que les entreprises de soutien recevront le soutien des grandes entreprises comme VinFast ainsi que de toute la société pour aller de l’avant. »

« Nous proposons actuellement, et le gouvernement semble favorable, une politique de développement de l’industrie de base. Mais à côté de cela, il faut insister sur l’importance des industries de soutien. Car même les industries fondamentales ont besoin de leur propre réseau de soutien. Sans cela, aucune industrie majeure ne peut avancer seule. Le développement industriel, comme en agriculture, repose sur un système interdépendant. Sans réseau de soutien performant, les fondements mêmes de l’industrie de base seraient fragiles », conclut Mme Lan.

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