Profitant d’une pause de six mois, Hoàng Lan Anh s’est mise à travailler sur son roman intitulé Đung nói loi tu biêt (Ne dis pas au revoir). En tant que personne ayant étudié et travaillé dans quatre pays pendant près de 20 ans et experte en immigration, elle est toujours intéressée par la vie des expatriés vietnamiens.
"Ce roman est une +dette personnelle+ et fait partie de mes mémoires sur mes voyages à l’étranger", a-t-elle confié.
"Nous sommes la première génération d’étudiants vietnamiens qui étudient à l’étranger depuis la mise en œuvre de la politique de Renouveau (Dôi moi). Nous avons été confrontés à de nombreux incidents au cours de nos voyages à l’étranger. Bien que nous étudions et travaillons dans des sociétés civilisées et prospères, nous avons aussi des +coins cachés+ dans notre âme que tout le monde ne peut pas comprendre", a-t-elle expliqué.
Une excellente élève
Lan Anh est une ancienne élève en langue russe au Lycée d’excellence de Thái Binh, au Nord. Puis, elle a poursuivi ses études au Département de russe de l’Université nationale de Hanoï. Cependant, à ce moment-là, l’Union soviétique s’est désintégrée.
"Je me suis dit que je devais étudier quelque chose d’autre que des langues étrangères, car ces dernières ne sont qu’un +outil+ que j’utilise dans le travail", a-t-elle raconté.
Après ses deux premières années à l’université, Lan Anh a décidé d’intégrer la faculté de tourisme de l’Université des sciences sociales et humaines pour suivre deux cursus en même temps. Pendant les week-ends et les vacances d’été, la jeune fille a travaillé comme guide touristique pour quelques grandes entreprises touristiques.
Elle a obtenu son diplôme universitaire lorsque le Vietnam a été témoin du boom du tourisme en 1999-2000. Mais elle a décidé de travailler pour un projet de recherche international. Après deux ans de travail avec des experts étrangers, elle a constaté qu’elle devait se perfectionner à l’étranger.
Lan An a entamé un master à l’Université d’East Anglia au Royaume-Uni grâce à une bourse Chevening. Il s’agit d’un des rares bourses complètes où tous les frais de l’étudiant sont pris en charge par le gouvernement britannique.
"À ce moment-là, j’étais comme une +personne qui marchait dans le noir+. Car le nombre d’étudiants vietnamiens à étranger était très modeste. Et Internet restait encore un concept étranger au Vietnam", s’est-elle souvenue.
Elle a été devenue la major de son master et a reçu le prix de la meilleure thèse. Grâce à cette belle réalisation, elle a fait partie des candidats bénéficiaires d’une bourse de doctorat de l’Université d’East Anglia. Puis, elle a obtenu une bourse postdoctorale à l’Asian MetaCentre for population and Sustainable developpement analysis (MetaCentre asiatique pour l’analyse de la population et du développement durable) à Singapour, avant de rejoindre l’Université de Melbourne en janvier 2011, en tant que maître de conférences en recherche et développement.
Travaillant dans la deuxième plus ancienne université d’Australie et la plus ancienne de l’État de Victoria, Lan Anh a partagé qu’elle avait plus de temps pour la recherche. "40% de mon temps est réservé à la recherche scientifique, 40% aux conférences et 20% à la gestion", a-t-elle dévoilé.
Lan Anh est une experte bien connue dans le monde sur l’immigration des Vietnamiens. Elle a publié trois livres et des dizaines d’articles dans les principales revues mondiales. Ses travaux de recherche ont été cités 1.189 fois, un chiffre très impressionnant pour des études en sciences sociales.
En 2020, son livre sur les Vietnamiens en Russie intitulé Nguoi Viêt Nam o Nga : Di cu trong môt thê gioi nhiêu biên dông (littéralement : Les Vietnamiens en Russie : l’immigration dans un monde très fluctuant) a été publié, montrant comment les Vietnamiens savent se débrouiller sur le sol russe.
Un projet de manuel sur l’éducation sexuelle
Lan Anh a également sollicité avec succès un financement du ministère australien des Affaires étrangères pour développer un projet de manuel sur l’éducation sexuelle à destination des élèves vietnamiens du secondaire.
"En fait, ce n’est pas un problème nouveau et il y a déjà eu des projets sur le terrain. Mais le Vietnam fait partie des pays où le taux d’avortement chez les adolescentes est le plus élevé au monde en raison de connaissances limitées en matière de sexualité", a-t-elle regretté. Selon elle, des enquêtes récentes ont révélé que de plus en plus de jeunes ont des relations sexuelles précoces, et beaucoup n’ont pas les connaissances de base suffisantes.
"Notre programme apporte une approche différente, en se construisant autour du mot +respect+ au lieu d’+interdit+. Nous intégrons également dans le programme le respect des droits des homosexuels, bisexuels et transgenres", a-t-elle souligné.
Selon Lan Anh, de nombreux parents essaient d’envoyer leurs enfants à l’étranger à tout prix mais ne sont pas conscients du "revers de la médaille".
"Je sais que de nombreux étudiants partent à l’étranger lorsqu’ils entrent au lycée et beaucoup d’entre eux doivent s’arrêter à mi-chemin. Ils ne peuvent pas supporter la vie solitaire et sous pression dans un pays étranger, sans leurs parents et proches à leurs côtés", a-t-elle déclaré.
Lan Anh connaît de nombreux cas d’excellents étudiants au Vietnam qui ont une vie difficile à l’étranger et ne peuvent trouver d’emploi à la hauteur de leurs qualifications.
Elle a estimé que les parents ne devraient envoyer leurs enfants à l’étranger que s’ils peuvent être indépendants et vivre dans un environnement éducatif et professionnel exigeant.-