Trois années de travail ont été nécessaires pour donner vie à cet album destiné, selon son auteur, aux enfants de 5 ou 6 ans, mais qui, en réalité, s’adresse à tout le monde. À travers cet ouvrage, Blanchin souhaite offrir au monde, et en particulier à ses compatriotes français, une vision du Vietnam d’aujourd’hui : un pays en plein essor, dynamique et paisible à la fois.
Un Français tombé amoureux de Hanoï
Originaire du Sud de la France, Olivier Blanchin a grandi dans un environnement artistique, ses parents étant tous deux artistes visuels. Sa région natale, entre la mer Méditerranée et les montagnes des Pyrénées, est réputée pour ses paysages magnifiques, entre vignobles, champs de lavande et villages perchés. Van Gogh lui-même y a trouvé son inspiration, peignant Le Sud durant son séjour dans cette terre baignée de lumière et de couleurs éclatantes.
Mais c’est par un heureux hasard que le Vietnam et Hanoï sont entrés dans la vie de Blanchin. En 2018, il s’est rendu dans le pays pour participer à un programme de résidence artistique en milieu écologique. Cependant, tout ne se déroulait pas comme prévu. Contraint de modifier ses plans, il explore Hanoï et tombe sous le charme de son architecture, de son urbanisme et de son agitation quotidienne. Pour lui, la capitale vietnamienne est une ville absolument unique.
Ce qui le fascine, c’est l’entrelacement des vestiges architecturaux de l’époque coloniale française et des projets de construction modernes, témoins de la transformation rapide du pays. Avant de découvrir le Vietnam, comme beaucoup d’Occidentaux, il n’en avait qu’une image liée aux guerres passées, à la colonisation française et au conflit avec les États-Unis.
Bien sûr, tout n’est pas parfait à ses yeux, mais il apprécie la simplicité de la vie quotidienne et la vitalité permanente de la ville. Lorsque la pandémie de Covid-19 frappait et que le Vietnam imposait des confinements stricts, il a réalisé à quel point il s’est attaché à son pays d’adoption.
Il est aussi profondément marqué par la bienveillance des Vietnamiens, toujours prêts à l’aider en cas de panne de moto ou de perte de repères. Mais ce qui l’impressionne peut-être le plus, c’est la résilience des femmes vietnamiennes, qu’il voit travailler sur les chantiers, dans les rizières ou qui élèvent seules leurs enfants tout en gérant leur propre entreprise.
Son attachement au pays le pousse à le découvrir davantage. Il sillonne le Vietnam, privilégiant le train pour savourer la lenteur du voyage, mais Hanoï reste son point d’ancrage. C’est là qu’il rencontre Hanh, une jeune femme travaillant dans la logistique, qui deviendra son épouse et la mère de leur fils aujourd’hui âgé de trois ans. Cette nouvelle vie le ramène à ses deux passions : l’illustration et l’éducation.
Un Vietnam dynamique à travers le dessin
Blanchin confie que s’il ne dessinait pas, il aimerait se consacrer à des projets liés à la protection de l’environnement, notamment dans le domaine éducatif. Il aime transmettre ses connaissances aux enfants, et Chim sẻ du ký s’inscrit dans cette démarche. Son style détaillé, souvent qualifié de « foule foisonnante », stimule l’observation et la curiosité des jeunes lecteurs, développant ainsi leur sens de l’analyse et leur réactivité.
Ainsi, malgré son apparente simplicité, Chim sẻ du ký regorge de détails minutieusement dessinés. Chaque page est une véritable fresque où s’animent des centaines de personnages. L’histoire suit Momo, un jeune moineau vivant à Hanoï, qui accueille son cousin Nino venu de France pour un périple à travers le Vietnam à moto.
Après une découverte de la capitale, les deux oiseaux rendent visite à leur famille, avant d’entreprendre un voyage à travers le pays. Ils traversent des destinations emblématiques comme Ninh Binh, Dà Nang, Binh Dinh, Phu Yên, Dà Lat et enfin Hô Chi Minh-Ville, où ils poursuivent leur exploration avant de rentrer à Hanoï en train pour célébrer le Nouvel An lunaire avec leurs proches.
À l’origine, Blanchin envisageait de publier son ouvrage en France, pour faire découvrir le Vietnam à un public occidental. Mais, à l’image de son attachement imprévu au pays, le projet a pris une autre tournure. L’album a finalement été adapté au marché vietnamien, nécessitant des ajustements narratifs et la suppression de certaines idées, notamment celles inspirées des livres-jeux populaires dans le monde occidental.
Un livre entre exploration et jeu éducatif
Le concept du livre-jeu, bien connu des jeunes lecteurs dans les livres « Où est Charlie », repose sur l’observation et la recherche d’éléments cachés dans des illustrations complexes. Ces livres développent l’attention et les capacités de déduction des enfants en les invitant à retrouver des personnages dans des scènes foisonnantes de détails.
Chim sẻ du ký reprend cette mécanique, encourageant les lecteurs à repérer Momo et Nino dans chaque page illustrée. Le texte, volontairement épuré, guide l’exploration sans s’imposer. Blanchin a souhaité que l’image prime, estimant que les jeunes lecteurs sont plus captivés par les paysages que par les descriptions de la culture ou de la gastronomie vietnamiennes.
Mais au-delà d’un simple album illustré, Chim sẻ du ký est un hommage vibrant au Vietnam, un pays qui est devenu pour Blanchin un foyer. Sur la couverture, il illustre l’expression vietnamienne rừng vàng, biển bạc (« forêts d’or, mers d’argent »), représentant d’un côté l’océan, de l’autre la jungle luxuriante et les villes en pleine expansion.
L’artiste né en 1983 ne compte pas s’arrêter là. Il nourrit déjà de nouveaux projets éditoriaux au Vietnam. Et ce n’est pas son statut d’illustrateur étranger qui le motive, mais la conviction profonde d’avoir trouvé ici une source inépuisable d’inspiration.
D’ailleurs, selon Nguyên Khanh Duong, fondateur et directeur de Comicola – maison d’édition spécialisée dans la publication d’œuvres vietnamiennes –, Blanchin et lui discutent déjà de futures collaborations. Peut-être une nouvelle bande dessinée de voyage, ou un projet combinant illustration et musique… Une chose est sûre : Chim sẻ du ký, après son succès au Festival du Livre de la Rue du Têt 2025, n’est que le début d’un long voyage artistique.