Au cœur de la paisible capitale Vientiane du Laos, une petite maison résonne en permanence des sons familiers du pays natal : le vietnamien. Depuis près de cent ans, cette maison est le foyer de Mme Nguyen Thi Nuong, une femme d’origine vietnamienne aujourd’hui âgée de 97 ans, et le lieu où la langue vietnamienne a été préservée avec ferveur à travers quatre générations.
La famille de Mme Nuong compte huit frères et sœurs, dont seul l’aîné est né au Vietnam ; les autres ont grandi au Laos. Pourtant, dans cette petite maison nichée au sein d’une communauté multiculturelle, la langue vietnamienne n’a jamais disparu.
« Les enfants apprennent naturellement le lao à l’école, mais à la maison, ils doivent parler vietnamien. Il est interdit de parler lao à la maison, c’est pourquoi tous s’expriment clairement en vietnamien, sans aucun accent », raconte Mme Nuong d’une voix lente mais pleine de fierté.
La langue n’est pas seulement transmise par la parole, mais aussi à travers le mode de vie et les traditions. Des repas familiaux ponctués de formules de politesse comme « mời ông bà, mời bố mẹ » (invitation respectueuse à manger) aux rites ancestraux tels que le Têt (Nouvel An lunaire), les anniversaires de décès ou la fête de Đoan Ngọ avec le rituel de « tuer les parasites », tout est respecté scrupuleusement.
À 97 ans, Mme Nuong conserve toute sa lucidité et vit entourée de l’affection de ses enfants et petits-enfants. Plus encore, elle leur a transmis non seulement la langue, mais aussi l’âme et la conduite selon les valeurs traditionnelles vietnamiennes.
« Je préserve le vietnamien parce que c’est la langue de ma mère, de mon pays natal. Plus on est loin de chez soi, plus on ne doit pas l’oublier », affirme-t-elle.
Sa petite-fille, Mme Pham Thu Huong (55 ans), raconte que la famille vit au Laos depuis quatre générations. Bien que ses enfants soient nés et aient grandi à l’étranger, tous parlent couramment le vietnamien. « Parfois, ils glissent inconsciemment quelques mots lao, mais leurs parents les corrigent immédiatement. », explique-t-elle.

Mme Huong est encore plus fière du fait que les enfants de la famille parlent aussi couramment le lao, l’anglais et le thaï. Mais selon elle, l’essentiel est de préserver leurs racines vietnamiennes à l’ère de la mondialisation.
« Pour maintenir le vietnamien chez les jeunes générations, il faut une réelle volonté familiale, garder les traditions vivantes et y consacrer beaucoup de temps. »
L’arrière-petit-fils de Mme Nuong, M. Tran Viet Thanh Phong (29 ans), en est un exemple frappant. Il a appris à parler vietnamien dès son plus jeune âge, malgré un environnement multilingue.
« Quand j’étais petit, le vietnamien me semblait difficile, mais mes parents n’ont jamais abandonné. Aujourd’hui que j’ai fondé ma propre famille, je compte aussi enseigner le vietnamien à mes enfants. Peu importe le nombre de langues qu’on connaît, préserver sa langue maternelle est le plus important », confie-t-il.
La famille de Mme Nguyen Thi Nuong n’est pas un cas isolé, mais elle représente un modèle exemplaire de préservation de la langue vietnamienne à l’étranger. Dans un contexte d’intégration mondiale où langues et cultures se fondent rapidement, le fait qu’une famille maintienne la richesse et la pureté du vietnamien à travers quatre générations est une chose précieuse.
Car la langue n’est pas qu’un outil de communication ; elle est aussi le réceptacle de la mémoire, de l’identité et de l’âme d’un peuple. À travers sa détermination et son amour profond pour la patrie, la famille de Mme Nuong démontre que, même à des milliers de kilomètres du Vietnam, tant qu’on garde vivante la langue de ses ancêtres, on reste pleinement vietnamien.
Cette histoire est une ode à l’amour de la langue vietnamienne, un amour qui se manifeste non seulement par les mots, mais aussi à travers les valeurs, les rites et les traditions. Les repas familiaux, les fêtes ancestrales, les bâtons rituels de Têt… tout contribue à créer un Vietnam en miniature sur une terre étrangère, nourri par un attachement sincère et une fierté identitaire transmise de génération en génération.