C’est ce qu’on a appris lors du forum scientifique intitulé « Définir un nouveau modèle de croissance pour le Vietnam pour la période 2026 – 2030, avec une vision pour 2045 », qui s’est récemment tenu à Hanoï sous les auspices de l’Institut d’économie vietnamienne et mondiale (relevant de l’Académie des sciences sociales du Vietnam).
L’événement a réuni de nombreux économistes, scientifiques, gestionnaires et entrepreneurs. Il avait pour objectif de repenser le modèle de croissance pour qu’il s’adapte aux réalités du pays, tout en répondant aux mutations rapides de l’environnement mondial.
Les limites du modèle actuel
Pendant plus de trois décennies, le Vietnam a prospéré grâce à un modèle de croissance extensif, fondé sur le faible coût de la main-d’œuvre, les investissements massifs et l’ouverture économique. Ce modèle a permis au Vietnam de sortir de la pauvreté et de maintenir une croissance soutenue et d’améliorer le niveau de vie de la population.
Mais les moteurs traditionnels de cette croissance s’essoufflent progressivement. Le pays veut désormais miser sur la science, la technologie, l’innovation et le capital humain qualifié, a indiqué Nguyen Hong Son, vice-président de la Commission centrale des politiques et des stratégies du Parti.

« Le Vietnam a identifié la science, l’innovation et la transformation numérique comme leviers essentiels pour changer de modèle. Ce changement doit s’articuler avec l’amélioration de l’environnement des affaires, la 4e révolution industrielle et l’intégration dans les chaînes de valeur mondiales. En parallèle, nous nous efforcerons de concilier croissance économique, protection de l’environnement et développement social durable », a-t-il souligné.
Selon Dang Xuân Thanh, vice-président de l’Académie des sciences sociales du Vietnam, les trois moteurs de croissance des 30 dernières années, main-d’œuvre bon marché, investissements massifs et intégration au marché mondial, perdent de leur efficacité. La croissance reste très dépendante des investissements, mais l’efficience dans l’utilisation des capitaux diminue progressivement.
La productivité du travail vietnamienne ne représente qu’une fraction de celle des pays voisins, comme Singapour, la Malaisie ou la Thaïlande.
De plus, le Vietnam occupe principalement les segments à faible valeur ajoutée des chaînes de valeur mondiales, limitant son potentiel de développement économique.

Nécessité de renouveler et de diversifier le modèle de croissance économique
Face à ces défis, les experts s’accordent sur la nécessité d’un changement radical. Le nouveau modèle de croissance se veut multidimensionnel, intégrant des facteurs économiques, technologiques, environnementaux et sociaux. Il repose sur trois piliers fondamentaux : la transformation numérique et l’économie des données ; la transition verte et l’adaptation au changement climatique ; et enfin, la restructuration des chaînes d’approvisionnement pour capter les mouvements industriels mondiaux.
« Dans un monde en mutation rapide et marqué par de nombreux risques, le modèle de croissance doit être conçu comme une structure complexe et multidimensionnelle, intégrant des facteurs sociaux, environnementaux et même géopolitiques. Il est indispensable de prendre en compte les éléments émergents qui redéfinissent le contexte du développement : la transformation numérique et l’économie des données, les robots et l’intelligence artificielle (IA), qui favoriseront la création de nouvelles chaînes de valeur, la transition verte et le développement durable. Ces facteurs obligent les économies à se transformer rapidement si elles ne veulent pas être exclues du jeu mondial », a souligné Dang Xuan Thanh, vice-président de l’Académie des sciences sociales du Vietnam.
Les experts ont identifié trois groupes de secteurs appelés à devenir les locomotives de ce nouveau modèle : les technologies numériques et l’intelligence artificielle ; l’énergie verte et la transition écologique ; l’industrie manufacturière de haute technologie.

Le professeur associé Bui Quang Tuan, vice-président de l’Association des sciences économiques du Vietnam, a insisté sur l’importance de la croissance verte : « La croissance verte et l’économie verte constituent un nouveau moteur de développement. Aux côtés de la transformation numérique, elles créeront les dynamiques du nouveau modèle de croissance pour la nouvelle période. L’économie verte, pilier du développement durable, intègre les dimensions sociale et environnementale, ainsi qu’institutionnelle. L’économie verte et la croissance verte englobent déjà transformation numérique, sciences-technologies et innovation ».
À l’avenir, le Vietnam devra privilégier l’investissement dans la transformation numérique et l’économie de la donnée, tout en restructurant ses chaînes logistiques pour capitaliser sur les mutations économiques mondiales.
Le professeur Trân Tho Dat, président du Conseil scientifique et pédagogique de l’Université d’économie nationale, a expliqué : « La croissance vietnamienne doit s’appuyer sur le numérique et les avancées technologiques. L’enjeu est de créer une infrastructure digitale intégrée, performante et sécurisée, de combler le fossé numérique territorial pour une économie digitale véritablement inclusive. L’indicateur clé reste le poids du numérique dans le PIB : de 13,7 % en 2024, il faut passer à 20 % dès 2025, puis 30 % en 2030 ».
Dans ce nouveau modèle, l’État joue un rôle d’orientation et de direction à travers des programmes nationaux de sciences et technologies.
Le professeur associé Nguen Hong Son, chef adjoint de la Commission centrale des politiques et des stratégies du Parti, a précisé : « Le Vietnam mise sur la science et la technologie comme levier central du changement de modèle économique. L’objectif est de cibler les branches stratégiques capables de restructurer l’économie et de consolider les bases du futur modèle de croissance ».
Ce nouveau modèle de croissance intégré, lorsqu’il fonctionnera efficacement, devrait permettre au Vietnam de se développer rapidement et durablement, en visant la prospérité d’ici 2045.
Les experts présents au forum ont également recommandé de renforcer le cadre institutionnel du marché et de promouvoir un secteur privé dynamique, moteur d’une croissance inclusive et durable.