Une base solide contre les ruptures de chaîne
Lors du forum « Solutions pour renforcer la compétitivité et promouvoir l’exportation des fruits à fort potentiel : fruit de la passion, banane, ananas, noix de coco », organisé par le ministère vietnamien de l’Agriculture et de l’Environnement, le docteur Tran Minh Hai, vice-recteur de l’École de politique publique et de développement rural, a souligné que pour améliorer la capacité d’exportation et réduire les risques de rupture contractuelle, les entreprises doivent se regrouper au sein de coopératives.
Selon lui, les coopératives ne sont pas seulement des unités techniques mais aussi des partenaires stratégiques en matière de logistique et de qualité des produits.
Elles peuvent établir et gérer les codes des zones de culture, organiser les zones de matières premières et contrôler les volumes – des conditions essentielles pour accéder aux marchés haut de gamme.
Une nouvelle tendance se dessine avec la relocalisation des zones de culture de noix de coco destinées à la production d’eau de coco depuis Ben Tre et Tien Giang vers le Sud-Est et les Hauts Plateaux du Centre, sur des superficies de 30 à 50 hectares déjà codifiées et prêtes à l’exportation.
Toutefois, Chan Minh Hai précise qu’il est important de distinguer entre les variétés de noix de coco à boire et celles destinées à l’huile, car une mauvaise variété ou un mauvais moment de récolte peut altérer la qualité de l’eau de coco durant le transport.
Il a également présenté un modèle où les coopératives vendent directement les fruits de seconde qualité dans les résidences à Ho Chi Minh-Ville et Da Nang.
Chaque camion de 3 tonnes écoule souvent son stock en une à deux heures, contribuant ainsi à désamorcer les stocks et à ouvrir des opportunités pour le commerce électronique, à condition de disposer d’un bon emballage et d’un design attractif.

Cependant, la chaîne de valeur peut s’effondrer en l’absence d’un mécanisme de contrôle.
Nguyen Manh Hung, président du conseil d’administration de Nafoods Corporation, cite l’exemple d’un investissement de 200 milliards de dongs dans une zone de culture d’ananas qui a échoué car les agriculteurs ont rompu les contrats pour vendre à des commerçants offrant de meilleurs prix.
Tirant les leçons de cette expérience, Nafoods a numérisé la gestion de ses 5 000 hectares de zones de production, signé des contrats avec prix plancher, fixé des quotas d’achat par hectare et est prêt à résilier les contrats en cas de violation pour protéger sa réputation et ses intérêts à long terme.
M. Hung alerte également sur les risques liés à des commerçants chinois agissant sous couverture, qui disparaissent avec les marchandises, causant des pertes sévères.
Il recommande un contrôle renforcé des opérateurs étrangers, incluant la réglementation de leur résidence, la lutte contre les mariages de complaisance et une fiscalité stricte.
Reconstruction des filières pour réaliser les objectifs d’exportation
Au-delà de l’ananas, d’autres produits stratégiques comme le fruit de la passion, la banane et la noix de coco visent des chiffres d’exportation de plusieurs milliards de dollars.
Cela nécessite une refonte complète de la filière : planification des zones de production, sélection variétale, contrôle de la qualité et investissement dans la transformation.
La filière du fruit de la passion est passée de zéro à 300 millions USD d’exportations en dix ans, avec une prévision de dépasser 500 millions USD cette année.
Si le marché chinois s’ouvre pleinement, ce chiffre pourrait atteindre un milliard USD.
Le Vietnam affiche un rendement de 40 à 60 tonnes/ha (le double de l’Amérique du Sud), un faible coût de production, et un prix pouvant aller jusqu'à 230 000 dongs/kg en grande distribution.
La variété douce développée par Nafoods génère un revenu allant jusqu’à un milliard de dongs par ha par campagne pour les producteurs.
Mais pour une croissance durable, M. Hung souligne la nécessité de lutter contre les variétés frauduleuses, de contrôler les résidus de pesticides, de renforcer la surveillance des petites exploitations et d'éviter une expansion anarchique de la culture.
Pour la banane, les attentes sont encore plus grandes : jusqu'à 4 milliards USD d’exportations.
Pham Quoc Liem, président d’Unifarm, affirme que seule l’application d’une norme et d’un processus unique – de la variété à la technique et la transformation – permettra aux bananes vietnamiennes d'être compétitives.
Unifarm mise sur les technologies avancées et les variétés résistantes à la fusariose tropicale, visant un revenu de 20 000 USD/ha, soit près de dix fois le niveau actuel.
L’entrepreneur Vo Quan Huy plaide également pour le développement de la transformation de la banane et de ses dérivés (tiges, feuilles, fleurs, bulbes), exploitables en alimentation, médecine, fibres biologiques ou engrais organiques.
Ce secteur manque encore de politiques d’investissement structurées, tandis que les bananes fraîches restent dépendantes des marchés chinois, japonais et sud-coréens.
Concernant la filière de la noix de coco, Nguyen Thi Kim Thanh, présidente de l’Association vietnamienne de la noix de coco, indique que le delta du Mékong compte plus de 20 variétés, mais que la culture mélangée, due à l’initiative individuelle des agriculteurs, reste fréquente.
Elle suggère de créer une cartographie numérique des zones de culture, de promouvoir l’agroécologie, d’exploiter les crédits carbones et d’investir dans la mécanisation pour réduire les coûts et améliorer la traçabilité.
To Viet Chau, directeur adjoint du Département de coopération internationale, précise que le ministère de l’Agriculture et de l’Environnement priorise le développement de quatre filières – fruit de la passion, banane, ananas et noix de coco – en raison de leur fort potentiel d’exportation.
La Chine en constitue un marché clé, avec 12 fruits exportés officiellement et 6 ayant déjà fait l’objet d’un protocole d’accord.

Ngo Xuan Nam (bureau SPS Vietnam) indique que depuis l’instauration du modèle administratif à deux niveaux, le 1er juillet 2025, aucun lot d’exportation n’a connu de problèmes dus aux changements de délimitations administratives, grâce à la mise à jour rapide sur la plateforme CIFER de la Chine.
Sur le plan des politiques variétales, Nguyen Nhu Cuong relevant du Département des sciences et des technologies précise que le ministère propose de ne conserver que le riz et le maïs dans la liste des cultures principales.
Les autres, comme la banane, le café ou le pamplemousse, seront déclarées par les entreprises elles-mêmes, qui devront en garantir la qualité.
Côté technologie, plusieurs entreprises suggèrent des politiques d’encouragement à l’importation de matériels comme les couteaux de greffage, les bandes d’attache ou les substrats pour la production de plants de fruit de la passion.
La docteure Nguyen Thi Thanh Thuy, ancienne directrice du Département des sciences et des technologies, annonce l’élaboration de lignes directrices pour créer des entreprises scientifiques et technologiques bénéficiant de financements publics.
Au cours du premier semestre 2025, les exportations de produits agricoles, sylvicoles et aquatiques ont atteint 33,84 milliards USD, en hausse de 15,5 % par rapport à la même période de 2024.
La coopérative s’impose ainsi comme un pilier essentiel dans la structuration des chaînes de valeur et le renforcement de la compétitivité des produits agricoles vietnamiens.
Toutefois, pour en exploiter pleinement le potentiel, il est nécessaire d’harmoniser les politiques sur les variétés, les technologies, la transformation et la réglementation du marché – autant de maillons faibles qu’il faut consolider pour permettre à l’agriculture vietnamienne de relever les défis mondiaux avec sérénité.