L’IA pourrait contribuer à hauteur de 5 000 milliards de dollars à l’économie mondiale d’ici 2030. Pour le Vietnam, ce potentiel est estimé entre 120 et 130 milliards de dollars d’ici 2040, grâce à une synergie entre les entreprises, les citoyens et le gouvernement.
Le Vietnam a désigné l’IA comme une technologie stratégique, avec l’objectif de figurer parmi les trois premiers pays d’Asie du Sud-Est dans ce domaine d’ici 2030, conformément à la résolution no 57-NQ/TW.
Dans un contexte où l’IA et les données deviennent les deux piliers importants de la transformation numérique nationale, l’adoption d’une loi sur l’IA est considérée comme une nécessité urgente.
Cette loi permettra non seulement de contrôler les risques, mais créera également un cadre juridique solide pour stimuler l’innovation et la créativité, protéger les droits des citoyens et consolider la souveraineté numérique du Vietnam dans la nouvelle ère.
Nécessite d’édifier un couloir juridique pour l'IA
Le Vietnam a mis en œuvre depuis 2021 une stratégie nationale pour la recherche, le développement et l’application de l’IA à l’horizon 2030. Cette stratégie vise à bâtir un écosystème d’IA solide afin de stimuler la croissance socio-économique, d’améliorer les services publics, de renforcer la compétitivité et de garantir la sûreté, la sécurité et les normes éthiques dans l’utilisation de l’IA.
Récemment, le Vietnam s’est doté pour la première fois d’un cadre juridique spécifique à l’IA, à travers la Loi sur la science, la technologie et l’innovation, ainsi que la Loi sur l’industrie des technologies numériques. Cela a marqué un tournant historique dans le développement de l’économie numérique au Vietnam.
L’IA n’est pas seulement une technologie appliquée, elle est en passe de devenir une infrastructure intellectuelle nationale. Grâce à sa capacité à analyser les données à grande vitesse, à prévoir les tendances et à simuler les comportements, l'IA est actuellement devenue une nouvelle force productive de l'ère numérique. Elle est présente dans presque tous les domaines : la santé, l'éducation, les transports, l'agriculture, la finance, la gestion urbaine, l'environnement, la défense et la sécurité nationale.
Ces dernières années, le Vietnam a mis l’accent sur la promotion de la coopération internationale et la formation en IA à différents niveaux. Le gouvernement a promulgué de nombreuses politiques et mesures énergiques pour encourager le développement de l’écosystème d’innovation et favoriser les investissements dans ce domaine, notamment en ce qui concerne la création des centres de recherche, des laboratoires et des alliances en IA.

Un programme national pour une transformation numérique inclusive a été lancé. En mars dernier, le Comité central de pilotage pour le développement de la science, de la technologie, de l'innovation et de la transformation numérique a lancé le mouvement et la plateforme « Alphabétisation numérique », dans le but de généraliser l’apprentissage des compétences numériques pour l’ensemble de la population.
La plateforme accessible à l'adresse https://binhdanhocvuso.gov.vn, est conçue pour renforcer les compétences numériques de la population et améliorer la capacité de l'utilisation des dispositifs et applications numériques.
Grâce à cette plateforme, des activités de sensibilisation et de formation sont menées pour diffuser les connaissances et compétences de base en technologies de l'information. Elle propose des cours en ligne sur les compétences numériques essentielles, ainsi que des guides pratiques pour aider les citoyens à utiliser les ordinateurs, les appareils intelligents, les réseaux sociaux, les services publics en ligne et à interagir avec l'administration à travers les plateformes numériques.
De plus, la plateforme fournit des conseils pour surfer sur internet en toute sécurité, prévenir les risques liés aux cyberarnaques et aux contenus nuisibles dans l'espace numérique.
Avec tous ces efforts, le Vietnam a réalisé des avancées notables en matière d’IA. L’Indice de préparation du gouvernement à l’IA 2024 (Government AI Readiness Index), réalisé par Oxford Insights (Royaume-Uni), a classé le Vietnam parmi les cinq premiers pays de l’ASEAN. À l’échelle mondiale, le Vietnam se classe troisième en termes de confiance et cinquième en termes d’acceptation de l’IA, ce qui reflète la confiance croissante du public et sa volonté d’adopter cette technologie.
Les investissements dans les entreprises vietnamiennes d’IA ont également fortement progressé, les flux de capitaux ayant été multipliés par huit entre 2023 et 2024. Les applications de l’IA sont désormais répandues dans les secteurs de la finance, du commerce électronique, de la santé, de l’industrie manufacturière et de l’automatisation.
Les analystes affirment que l’écosystème vietnamien de l’IA entre dans une phase décisive, faisant du pays une destination stratégique pour les grandes entreprises technologiques mondiales.
Selon Doan Huu Hau, directeur du Centre de transformation numérique du groupe FPT, le Vietnam compte actuellement des centaines de startups spécialisées dans l’IA et près de 80 % des entreprises utilisent déjà cette technologie. Promouvoir l'application de l'IA au sein des entreprises et des organismes publics est la voie la plus rapide pour développer le marché intérieur et de permettre aux entreprises d’atteindre l’échelle internationale.
Pourtant, les défis restent nombreux : vision stratégique, ressources humaines, qualité des données et budget, a-t-il indiqué.
De l’avis de Nguyen Tu Quang, président et directeur général de Bkav, le principal goulot d’étranglement réside dans l’absence de normalisation et de connexion des données. Il recommande la mise en place de standards unifiés pour garantir une concurrence équitable et une interopérabilité efficace.
Le Vietnam a le potentiel de devenir un centre régional en IA grâce à une équipe d'experts compétents issus de grandes entreprises, a-t-il noté.
Pour sa part, Tran Van Khai, vice-président de la Commission des sciences, des technologies et de l’environnement de l’Assemblée nationale du Vietnam, a souligné la nécessité urgente d’adopter une loi sur l’IA afin de favoriser un développement sûr, de maîtriser les risques et de protéger les citoyens. Le moment est opportun pour créer un cadre juridique adapté au développement et à la gestion de l’IA dans la nouvelle ère de développement national.

Pour le développement d’une IA sûre, durable et humaniste
L’Assemblée nationale du Vietnam de la XVe législature a officiellement adopté, le 1ᵉʳ août 2025, la Loi sur l’industrie des technologies numériques. Il s’agit non seulement d’une loi spécialisée, mais aussi d’un levier institutionnel qui offre au Vietnam une occasion en or de bâtir une base juridique solide, de promouvoir le développement des entreprises technologiques nationales et de mieux se positionner dans la chaîne de valeur technologique mondiale.
Cette loi affirme pour la première fois que les données constituent un « nouveau moyen de production » et que l’IA est une « nouvelle méthode de production ».
Avec l’objectif d’atteindre 150 000 entreprises du secteur des technologies numériques d’ici 2035, cette loi mettra en œuvre des politiques de soutien complètes. Les petites et moyennes entreprises (PME) bénéficieront d’une aide pour les investissements en infrastructures et la formation de la main-d’œuvre, et seront prioritaires pour les appels d’offres publics.
L’État fournira des capitaux d’investissement pour des projets spéciaux et financera l’innovation technologique, permettant aux entreprises de renforcer leur créativité et leur compétitivité. Les zones industrielles du secteur des technologies numériques, soutenues par des politiques incitatives attractives, créeront un environnement favorable aux startups et au développement durable.
Premier pays au monde à adopter une loi dédiée à l’industrie des technologies numériques, le Vietnam souhaite affirmer sa position de pionnier et sa volonté de mener les tendances technologiques mondiales. Ce texte soutient non seulement les entreprises du numérique, mais jette également les bases d’une concurrence loyale avec les principales économies numériques mondiales.

Lors d’un colloque scientifique national tenu le 15 septembre, à Hanoi, sur le thème « La puissance illimitée et les défis imprévisibles de l’intelligence artificielle, Impact et réponses politiques », le ministre vietnamien des Sciences et des Technologies, Nguyen Manh Hung, a précisé que l’IA n’est pas seulement une technologie appliquée, mais devient une infrastructure nationale comparable à l’électricité, aux télécommunications ou à internet.
Comme l’IA est un domaine en évolution rapide, la stratégie nationale en la matière doit être régulièrement actualisée pour rester pertinente. Une nouvelle version de cette stratégie et la loi sur l’IA sont attendues d’ici la fin de l’année, a souligné Nguyen Manh Hung.
Il a affirmé que l’élaboration du cadre juridique vise non seulement à réguler, mais constitue également une déclaration de la vision nationale, considérant l’IA comme une infrastructure intellectuelle essentielle, au service de la population, du développement durable et du renforcement de la compétitivité du pays.
Le Vietnam s’engage à développer l’IA selon des standards ouverts et des logiciels libres, afin à la fois de maîtriser la technologie et de contribuer à l’humanité. La loi et la stratégie nationales sur l’IA s’appuieront sur les principes suivants : gestion selon le niveau de risque, transparence, responsabilité, encouragement du développement national de l’IA, autonomie, protection de la souveraineté numérique et utilisation de l’IA comme moteur de croissance durable.
Le ministre a conclu que l’IA est un outil puissant, mais l’humain reste l’acteur ultime. L’IA doit servir à soutenir et non à remplacer la réflexion, les valeurs et les responsabilités humaines, libérant ainsi le travail pour des tâches créatives et à plus forte valeur ajoutée.
Il a également annoncé que le Fonds national pour l’innovation technologique (NATIF) consacrerait au moins 40 % de son budget au développement de l’IA, en fournissant des bons aux petites entreprises pour le déploiement de solutions technologiques innovantes.
L’élaboration du cadre juridique vise non seulement à réguler, mais constitue également une déclaration de la vision nationale, considérant l’IA comme une infrastructure intellectuelle essentielle, au service de la population, du développement durable et du renforcement de la compétitivité du pays.
Nguyen Manh Hung, ministre vietnamien des Sciences et des Technologies.
Nguyen Ngoc Cuong, directeur du Centre national des données, a relevé les défis posés par le manque de connexion des données.
Le Vietnam compte actuellement plus de 80 millions d’utilisateurs d’internet, 150 millions d’abonnements mobiles et des millions d’entreprises, mais son système de gouvernance des données reste fragmenté. Il doit donc rapidement bâtir un système unifié de gouvernance des données reposant sur quatre piliers : institutions, technologies, processus et ressources humaines.
Il est également important de perfectionner le cadre juridique sur la propriété, l’utilisation et le partage des données, d’améliorer les infrastructures nationales de données, de normaliser les processus de collecte et de traitement des données, ainsi que de former une équipe d'experts en gestion des données.
De son côté, Ho Duc Thang, directeur de l’Institut national des technologies numériques et de la transformation numérique (ministère des Sciences et des Technologies), a indiqué que l’urgence actuelle ne concerne pas seulement l’élaboration des standards et des normes de données. Selon lui, la loi sur l’IA doit reposer sur des principes fondamentaux pour garantir un développement sûr, durable et responsable. Cette loi doit être flexible et capable de s’adapter aux progrès technologiques.
« La loi sur l’IA doit inscrire dans le droit des politiques essentielles telles que : le principe d’une IA humaniste, la gestion des risques et la transparence, le développement des infrastructures de données, la promotion de l’innovation, ainsi que la clarification des responsabilités juridiques des parties concernées », a noté Nguyen Thi Tuyet Nhung, secrétaire générale adjointe de l’Association nationale des données.