Depuis plusieurs mois, ils vont de maison en maison, smartphone en main, pour partager leurs connaissances. Objectif: aider les habitants des villages reculés à entrer dans l’ère numérique et à participer activement à la lutte contre la criminalité transfrontalière.
Par une matinée fraîche en altitude, le poste-frontière de Vàng Ma Chải organise une séance d’initiation aux smartphones dans le village de Sì Choang, rattaché à la commune de Si Lo Lâu.
Chaque poste de garde-frontière de Lai Châu a créé une équipe de 3 à 5 enseignants pour transmettre les connaissances numériques aux habitants. Photo: Khac Kiên/VOV
Autour de tables improvisées, des dizaines de villageois apprennent à ouvrir une application, se connecter au Wi-Fi, envoyer une photo. Chaque geste est expliqué avec patience par ces soldats devenus, le temps d’une journée, des enseignants.
«Grâce au smartphone et à Internet, nous avons appris beaucoup de choses sur la technologie, comment l’appliquer à la culture sur brûlis ou aux plantations. Et surtout, cela nous évite de nous faire arnaquer lors des achats en ligne ou d’être incités à passer illégalement la frontière. Je vais transmettre à ma famille ce que j’ai appris pour aider tout le monde à se protéger et à développer notre économie», raconte Cheo Thi Hoa, habitante du village.
Des ateliers sont organisé resgulièrement pour sensibiliser les habitants au mouvement «Alphabétisation numérique». Photo: Khac Kiên/VOV
Dans le cadre du programme «Alphabétisation numérique», le poste-frontière a lancé en mai 2025 un dispositif inédit: la «boîte aux lettres électronique anonyme». Au lieu de se rendre au poste pour signaler des trafiquants ou des passeurs, les habitants scannent un code QR affiché dans les lieux publics. Les informations remontent directement aux autorités.
«Ce système renforce la connaissance et le respect de la loi, et permet aux habitants d’acquérir des compétences numériques. Nous avons déjà organisé 17 séances de formation pour plus de 850 villageois et mis en place 17 codes QR d’information juridique. Les cadres locaux savent désormais tous utiliser les outils numériques pour relayer ces contenus», précise le lieutenant Nguyên Duy Khanh, commissaire politique adjoint.
Des dizaines de foyers défavorisés ont reçu des smartphones dans le cadre du mouvement «Alphabétisation numérique». Photo: Khac Kiên/VOV
En quelques mois, la boîte aux lettres numérique a recueilli des centaines de signalements: affaires de passeurs, saisies de stupéfiants, confiscations d’armes artisanales. Derrière les chiffres, une transformation: les habitants deviennent des acteurs de la sécurité.
Depuis ce premier projet pilote, toutes les unités de la garde-frontière de Lai Châu ont adopté l’initiative. Plus de 40 classes numériques ont été organisées dans les villages Mông, Dao, Hà Nhi ou Thai. Des smartphones ont même été distribués aux familles les plus démunies.
Le colonel Nguyên Van Hung remet des cadeaux aux habitants participant à l’atelier sur l’alphabétisation numérique. Photo: Khac Kiên/VOV
«Nous avons formé de petits groupes de trois à cinq instructeurs dans chaque poste. Ils vont directement dans les villages pour aider les habitants à utiliser le smartphone et à nous transmettre des informations sur les criminels», résume le colonel Nguyên Van Hung, commissaire politique de la garde-frontière provinciale.
Ici, au milieu des montagnes brumeuses, le numérique n’est pas un luxe, mais un lien. Un lien entre citoyens et soldats, un outil de développement et de sécurité. Peu à peu, une nouvelle frontière se dessine: celle de la connaissance et de la confiance partagée.
Dans ces villages de Lai Châu, les «enseignants en uniforme vert» sont en train d’écrire une histoire singulière: la transformation numérique naît du cœur des habitants.