Il n’est pas nécessaire que tous les ouvrages atteignent d’emblée les normes "vertes intégrales", l’essentiel étant de susciter une évolution des mentalités et des actions en faveur des technologies écologiques dans ce secteur. Photo : NDEL.
Il n’est pas nécessaire que tous les ouvrages atteignent d’emblée les normes "vertes intégrales", l’essentiel étant de susciter une évolution des mentalités et des actions en faveur des technologies écologiques dans ce secteur. Photo : NDEL.

Développement urbain vert et intelligent centré sur l'humain

La situation actuelle du développement urbain vert au Vietnam pose des exigences urgentes. Dans ce contexte, il est nécessaire de mettre en œuvre des solutions synchronisées afin de promouvoir la construction d’ouvrages écologiques et durables, y compris des villes vertes et intelligentes, centrées sur l’humain.

Lorsqu’on parle de développement durable, on évoque souvent les émissions des transports, de l’immobilier industriel ou des immeubles commerciaux, alors que le secteur résidentiel ou les segments de l’immobilier de villégiature et hôtelier sont encore négligés. Pourtant, de nombreuses études montrent que près de 40 % des émissions mondiales de carbone proviennent du secteur résidentiel. Cela démontre que ce domaine a un impact considérable sur l’environnement.

S’adapter activement à l’ère numérique verte

S’agissant du développement économique urbain vert sous la pression de la transition et du rôle de l’industrie de la construction et de l’immobilier durable, le docteur Nguyen Duc Kien, ancien vice-président de la Commission économique de l’Assemblée nationale et chef du Groupe de conseillers économiques du Premier ministre, indique que la formation des villes vertes et intelligentes repose aujourd’hui largement sur l’initiative du secteur immobilier, mais reste dépourvue de politiques d’accompagnement concrètes pour mettre en œuvre les orientations globales de développement urbain vert.

En l’absence de mécanismes politiques cohérents, aucun critère ou standard technique uniforme n’a encore été établi, si bien que le développement vert sur le marché reste hétérogène. Cela conduit à une situation où les investissements technologiques ne produisent pas les effets escomptés et risquent de générer du gaspillage.

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Développement de l’économie urbaine verte, une tendance durable pour le secteur de la construction. Photo : THU HA.

En outre, on constate que les ouvrages écologiques, durables et les industries de fourniture connexes proposent encore des produits et équipements qui ne répondent pas véritablement aux besoins des consommateurs et ne placent pas le client au centre.

Le docteur Vo Tri Thanh, membre du Conseil consultatif national des politiques financières et monétaires et directeur de l’Institut de recherche sur la stratégie de marque et la concurrence, souligne que dans l’ère numérique verte actuelle, le secteur de la construction et de l’immobilier doit s’adapter de manière proactive.

Dans un contexte mondial en mutation, le développement vert doit impérativement aller de pair avec la transformation numérique. Bien que la numérisation ne garantisse pas toujours une croissance verte, il est indéniable que nous entrons dans une ère numérique et verte. Il s’agit désormais non seulement d’une exigence pour survivre, mais aussi d’un levier de compétitivité et de positionnement. La durabilité s’incarne désormais à travers le vert et le numérique. Cette vision est devenue un impératif politique, et le marché en est le principal moteur.

Explication à l’appui, M. Thanh observe que la classe moyenne croît rapidement, notamment en Asie du Nord. Au Vietnam, 60 % des habitants de Hanoï et Hô Chi Minh-Ville appartiennent à cette classe moyenne, qui exige des environnements « verts », sûrs, humains et personnalisés. Une deuxième catégorie est constituée de la génération Z, très engagée en faveur de la vie écologique. Une troisième, les intellectuels, ont une forte conscience environnementale. Ensemble, ces groupes forment ce qu’on appelle un impératif de marché.

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Le développement vert ne se limite pas à un seul facteur, mais repose sur une chaîne interconnectée allant de la ville aux bâtiments, jusqu’aux équipements intérieurs. Photo : PV

Par ailleurs, de nombreuses études révèlent que les entreprises s’engageant dans l’ESG (environnement, social et gouvernance) et adoptant des stratégies de développement vert ou d’économie circulaire obtiennent de meilleures performances économiques. De plus, de nombreuses entreprises internationales posent comme condition de coopération avec les entreprises vietnamiennes une orientation vers le développement durable. Sans critères verts, les entreprises ne sont tout simplement pas compétitives.

De nombreux économistes s’accordent à dire que la transition verte ne peut se résumer à un seul facteur, mais implique une chaîne intégrée allant des zones urbaines aux bâtiments en passant par les équipements utilisés à l’intérieur. Une solution verte exige une synchronisation de tous les éléments, dans le but de concilier croissance économique et protection de l’environnement.

Des bénéfices concrets et mesurables

Les constructions durables présentent de nombreux avantages, à commencer par l’environnement. Comparées aux bâtiments classiques, elles permettent de réduire d’environ 30 % la consommation d’énergie, 35 % les émissions de carbone, 30 à 50 % la consommation d’eau, et 50 à 90 % les coûts de traitement des déchets.

En plus, elles améliorent la santé et le confort des usagers. Ces bâtiments sont conçus pour optimiser l’expérience des utilisateurs grâce à l’éclairage naturel, à la régulation de la luminosité, à la ventilation et au maintien d’une température stable. Ces facteurs contribuent à un meilleur bien-être, à la réduction du stress et à une hausse notable de la productivité.

Sur le plan économique, le surcoût de construction d’un bâtiment vert est estimé à moins de 2 %, une dépense aisément compensée grâce à la conception écologique et à l’analyse du coût sur le cycle de vie (LCCA) dès la phase initiale. Les coûts de conception restent modulables en fonction de l’échelle des secteurs économiques, facilitant ainsi l’accessibilité. Par ailleurs, ces bâtiments permettent d’économiser l’énergie et d’augmenter l’efficacité du travail, avec un gain de productivité estimé entre 1 et 1,5 %.

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Les bâtiments écologiques permettent aussi de réduire considérablement la consommation d’énergie et d’améliorer la productivité, avec un gain estimé entre 1 et 1,5 %. (Photo : HNV)

Les bâtiments verts jouent également un rôle crucial dans l’adaptation au changement climatique, en contribuant à la résilience urbaine et à la réduction des impacts négatifs sur les écosystèmes.

La transition verte, tout comme la transformation numérique, constitue aujourd’hui une révolution « trois en un ».

La première est une révolution technologique, incarnée notamment par les technologies d’énergie verte et les équipements écologiques.

La deuxième est une révolution des mentalités, touchant les modes de pensée, de vie, de production, les marchés, la consommation et les institutions financières.

La troisième est une révolution institutionnelle. Ces trois dimensions doivent évoluer simultanément. Pour que ce changement soit possible, l’État doit avant tout accompagner les entreprises, en établissant des « règles du jeu » claires – à travers des réglementations et un cadre institutionnel – afin qu’elles puissent se développer en toute confiance. En effet, dès lors que le marché exprime une demande, les entreprises sont contraintes de concevoir des projets et de proposer des produits ou services pour y répondre, même en l’absence d’obligation formelle de l’État.

Actuellement, les référentiels d’évaluation des bâtiments verts au Vietnam restent de nature incitative, sans caractère obligatoire. En revanche, certains pays de la région ont déjà mis en place des politiques volontaristes pour accélérer ce développement de manière plus efficace.

Tirant parti des expériences internationales et du contexte national, les économistes formulent deux recommandations concrètes :

Premièrement, intégrer les critères des bâtiments verts dans les normes obligatoires lors de l’octroi des permis de construire, afin de leur conférer une valeur juridique et d’accroître l’engagement des investisseurs.

Deuxièmement, mettre en place des politiques incitatives, notamment fiscales, ainsi que des avantages spécifiques pour les promoteurs afin de renforcer l’attractivité et la faisabilité de ces projets.

Sur des aspects tels que la sensibilisation des consommateurs, la cohérence du système de gestion, les politiques publiques… il reste encore de nombreux efforts à fournir pour faire évoluer les mentalités et les actions vers une « verdification » de l’urbanisme.

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Pour promouvoir les bâtiments verts, il est nécessaire d’élaborer et d’appliquer un outil d’évaluation adapté, sous l’égide du ministère de la Construction. Photo : HNV.

Le Vietnam a déjà publié la norme QCVN 09:2017/BXD, désormais renommée QCVN 04:2019/BXD. Pour promouvoir les bâtiments verts, il est nécessaire de développer et d’appliquer un outil d’évaluation adapté, sous la responsabilité du ministère de la Construction. Ce dernier s’emploie d’ailleurs activement à finaliser son propre référentiel pour l’évaluation et le développement des bâtiments verts. Pour l’heure, la norme QCVN 04:2019/BXD s’applique aux bâtiments ayant une surface totale de plancher supérieure à 2 500 m², mais devrait s’étendre à d’autres types de bâtiments de plus petite taille.

La question du financement vert et du crédit vert demeure une préoccupation majeure. De nombreuses entreprises ne comprennent pas encore bien ces concepts ou n’ont pas accès à ces sources de financement, alors que la demande augmente fortement, exerçant une pression considérable sur le système bancaire, y compris la Banque d’État.

Le marché immobilier, fortement consommateur de capitaux, a un rôle clé dans cette transition. Si l’immobilier évolue vers une logique verte, il pourra capter les flux de financement vert. Pour cela, il faut établir des critères clairs et transparents pour l’immobilier vert. On pourrait envisager d’accorder des crédits verts aux projets certifiés par au moins un label écologique reconnu à l’échelle internationale. Cela constituerait un levier pour accélérer la transition verte du secteur.

Il apparaît donc clairement que, dans cette trajectoire vers un développement durable, il n’est pas nécessaire que tous les bâtiments atteignent immédiatement une norme verte intégrale.

L’essentiel est d’opérer une transformation progressive des mentalités et d’encourager les promoteurs à intégrer étape par étape des solutions technologiques vertes et des équipements économes en énergie. Cette transition partielle, guidée et adaptée au contexte, constituera le socle du développement urbain vert et durable de demain.

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