Former, innover, coopérer : quand l’université, l’État et l’entreprise s’unissent

Le modèle tripartite associant l’État, les établissements d’enseignement supérieur et les entreprises s’impose progressivement au Vietnam comme une voie stratégique pour répondre aux besoins du marché du travail, tout en stimulant la recherche scientifique et l’innovation.

Des étudiants de l'Université nationale du Vietnam s'exercent en laboratoire. Photo : NDEL.
Des étudiants de l'Université nationale du Vietnam s'exercent en laboratoire. Photo : NDEL.

À l’heure où le pays ambitionne de bâtir une économie fondée sur le savoir, la synergie entre ces trois acteurs devient essentielle. Elle permet de rapprocher l’enseignement et la recherche des réalités économiques, ce qui favorise l’émergence de pôles d’innovation, de solutions technologiques appliquées, et de talents adaptés aux enjeux du développement national.

Un modèle déjà en marche

Selon Nguyen Van Phuc, vice-ministre de l'Éducation et de la Formation, ce partenariat doit dépasser le seul champ de la formation. Il est appelé à s'étendre à la recherche appliquée, au transfert technologique, à la commercialisation des résultats scientifiques, autant de leviers pour faire entrer la science dans la production, l’innovation dans le marché, et le savoir dans le développement.

Cette logique est au cœur de plusieurs résolutions stratégiques du Parti, notamment la Résolution 57-NQ/TW sur l'innovation et celle sur le développement du secteur privé. Elle soutient la création de centres interdisciplinaires d’innovation et de clusters académique-industriels intégrés, contribuant à structurer un écosystème national d’innovation.

Des résultats concrets commencent à émerger. À titre d'exemple, l’Université nationale de Hanoï a mis en œuvre 91 projets de coopération avec des entreprises et partenaires internationaux entre 2022 et 2024, représentant un investissement hors budget public de plus de 250 milliards de dôngs. Plus de 300 produits scientifiques ont été proposés à la commercialisation, générant plus de 130 milliards de dôngs de revenus.

De son côté, l’Université nationale de Hô Chi Minh-Ville a signé 250 accords de coopération avec 31 collectivités territoriales, initiant 67 programmes de formation et 41 activités de conseil en stratégie ou politique de développement. Elle collabore également avec plus de 100 entreprises pour intégrer la technologie dans la gestion et la production.

Une dynamique encore freinée par des obstacles structurels

Malgré ces avancées, de nombreux freins subsistent. Pour Pham Bao Son (Université nationale de Hanoï), les investissements publics dans la recherche restent fragmentés, dispersés entre ministères, agences et territoires, sans coordination stratégique. Les projets sont ponctuels et les liens entre les acteurs encore fragiles.

La répartition des rôles et des bénéfices liés à la commercialisation des résultats de recherche reste floue, dissuadant l’engagement des chercheurs comme des entrepreneurs. Le manque d’incitations fiscales et juridiques, ainsi que l’absence d’un cadre contractuel solide, freinent encore l’essor de véritables partenariats de R&D.

Pour y remédier, plusieurs voix appellent à une réforme en profondeur du pilotage public. L’État doit passer du rôle de bailleur de fonds à celui de catalyseur, encourageant les entreprises à initier des projets et à contractualiser directement avec les universités selon des critères de résultats et d’innovation.

Vers une nouvelle culture de coopération

La transformation du rôle des établissements universitaires est également cruciale. Pour Hoang Minh Son, vice-ministre de l’Éducation et de la Formation, les universités doivent désormais s’affirmer comme des acteurs centraux de l’innovation. Cela suppose un recentrage sur la qualité plutôt que la quantité, la construction de stratégies claires et une meilleure autonomie institutionnelle.

Il leur faut aussi se doter de politiques attractives pour retenir les talents, notamment internationaux, et devenir de véritables centres d’excellence en recherche et en transfert technologique. Des initiatives comme les programmes de formation « co-construits » avec les entreprises ou les dispositifs de reconnaissance des cours donnés en entreprise vont dans ce sens.

Le modèle de coopération tripartite ne pourra se développer sans une évolution des mentalités. L’université doit accepter de devenir un prestataire de services R&D compétitif. L’entreprise, elle, doit être force de proposition, déterminant les besoins en compétences et en innovation. Et l’État, garant de l’intérêt général, doit poser les cadres incitatifs et contractuels nécessaires.

À terme, c’est l’ensemble de la chaîne de valeur de l’innovation qui s’en trouvera renforcée, au service d’un Vietnam plus compétitif, plus souverain sur le plan technologique, et plus résilient face aux défis du XXIe siècle.

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