Dès le 5 février, la loi a été complétée par quatre circulaires. Certaines dispositions nécessiteront des décrets complémentaires, tandis que d’autres entreront en vigueur à une date ultérieure. Joële NDT, Docteure d’État en droit et membre du Groupe d’information et de soutien des immigrés (GISTI), explique les implications de ces mesures.
Le 25 janvier 2024, le ministère français de l’Intérieur a publié les statistiques provisoires sur l’immigration en France pour l’année 2023. Ces données montrent que la France a délivré 2,3 millions de visas, 323 260 titres de séjour (pour étudiants, membres de famille, motifs économiques), régularisé 11 411 étrangers en situation irrégulière, octroyé l’asile et la protection subsidiaire à 60 080 personnes, tandis que les naturalisations ont diminué de 21,7%, concernant 61 640 personnes. Il est difficile d’estimer précisément le nombre d’étrangers en situation irrégulière en France, mais la mise en œuvre de la loi vise à mieux contrôler l’immigration et à améliorer leur intégration.
Pour contrôler l’immigration, des mesures sont prises pour sanctionner les migrants en situation irrégulière et ceux menaçant l’ordre public. Une circulaire en vigueur jusqu’en décembre 2026 permet la régularisation des métiers en tension, notamment dans les secteurs de la santé et de l’agriculture. Toutefois, en dehors de ces régularisations exceptionnelles, les contrôles seront renforcés. La loi de 2024 introduit des sanctions pour la présence et le travail irréguliers, avec notamment des amendes pour les employeurs.
En ce qui concerne l’intégration, la loi de 2024 semble promouvoir cet aspect. Cependant, il subsiste des incertitudes quant à son effet sur le nombre d’étrangers en situation irrégulière. Tous les nouveaux arrivants en France devront suivre un parcours d’intégration républicaine, comprenant la souscription d’un contrat d’engagement républicain. Les parents devront s’engager à éduquer leurs enfants dans le respect des valeurs de la République et à maitriser la langue française, sous peine de non-renouvellement ou de retrait du titre de séjour.
La loi de 2024 exemptera de ce parcours certaines catégories de titulaires de cartes de séjour, considérées comme contribuant positivement à la société française. Par ailleurs, à partir du 1er juillet 2024, un système expérimental à “360°” sera mis en place dans cinq à dix départements, permettant au préfet d’examiner tous les motifs de délivrance du titre de séjour et de délivrer un titre de séjour salarié, moins favorable qu’une carte de séjour vie privée et familiale.
Enfin, le renouvellement de la carte de séjour temporaire sera limité à trois fois pour le même motif, rendant la situation des étrangers dans cette catégorie encore plus précaire. Les critères pour le renouvellement, ou la naturalisation, y compris la résidence habituelle en France et la maîtrise du français, seront plus stricts qu’auparavant.
Des étudiants vietnamiens en France lors d’un programme du Têt du Dragon 2024, à Paris. Photo : VNA. |
Quid des Vietnamiens en France ?
On estime que la communauté vietnamienne en France compte environ 300 000 personnes, ce qui est relativement faible par rapport à d’autres nationalités. La majorité d’entre elles arrivent en France avec un visa long séjour pour des études, pour travailler, pour investir ou pour des raisons familiales. Certaines rencontrent des difficultés pour renouveler leur titre de séjour et peuvent se retrouver avec des obligations de quitter le territoire français (OQTF), mais ces dernières n’étant que très rarement appliquées, les ressortissants restent sur le territoire. D’autres détiennent des cartes de résident ou ont obtenu la nationalité française. Contrairement à d’autres, la communauté vietnamienne est souvent qualifiée d’“invisible” en raison de sa bonne intégration et de son respect envers le pays qui l’accueille.
Avec la loi de 2024, les Vietnamiens, comme tous les étrangers, pourraient rencontrer des difficultés lors de l’acquisition ou du renouvellement des cartes de séjour. Cependant, la loi ne cible pas spécifiquement les migrants vietnamiens, comme en témoignent l’ajout du Contrat d’engagement républicain (CER) au sein du parcours d’intégration républicaine (CIR) et les engagements liés à la parentalité. Rien dans les valeurs et la culture vietnamiennes ne semble s’opposer à ces exigences. Il est peu probable que le Vietnam soit parmi les États visés par la loi de 2024, pour lesquels la France pourrait refuser la délivrance de visas aux diplomates et aux particuliers, en raison du non-respect de l’accueil de ses nationaux renvoyés par la France.
Il est essentiel de s’informer avant de prévoir un séjour en France, temporaire ou permanent. Le site officiel “Service public” fournit de nombreuses informations à ce sujet. Pour les séjours dépassant trois mois, l’obtention d’un visa long séjour (VLS) est nécessaire, car il est difficile d’obtenir une prolongation d’un visa court séjour une fois arrivé en France, sauf dans des cas très exceptionnels, ou une régularisation sur place. Les démarches telles que l’admission exceptionnelle par le travail (AES) sont souvent complexes et aboutissent rarement, de même que le regroupement familial sur place.
Les étudiants vietnamiens, au nombre d’environ 7.000, rencontrent plusieurs difficultés similaires à celles des autres étudiants étrangers, notamment liées aux études, aux démarches administratives et aux ressources financières. La maîtrise de la langue française, de la culture et de la méthodologie françaises n’est pas toujours aisée pour eux. La préfecture évalue également les résultats académiques pour le renouvellement du titre de séjour des étudiants. Les ressources financières sont cruciales, avec des frais d’inscription souvent plus élevés que pour les étudiants français ou européens. Un dépassement du temps de travail autorisé ou le travail clandestin expose au refus ou au retrait du titre de séjour, ainsi qu’à des sanctions contre l’employeur.
En outre, un décret permet au ministre chargé de l’enseignement supérieur de limiter le nombre de vœux des étudiants internationaux dans certaines formations, sauf en cas de réussite au baccalauréat français lors de l’inscription sur Parcoursup, ce qui ajoute une difficulté supplémentaire pour les étudiants vietnamiens souhaitant venir étudier en France.