Nguyên Thi Thu Trang est la 5e des 15 enfants des artistes célèbres Ngoc Huê et Diêu Thông. Six de ses frères et sœurs sont déjà décédés. Les neuf restants font tous partie de la Troupe de tuông Sông Thu. «Ma passion pour le tuông est apparue lorsque j'assistais aux spectacles de mes parents», raconte-t-elle. Suite à la mort de son père, Thu Trang a décidé d’abandonner ses études pour monter sur scène avec sa mère afin d'entretenir sa famille nombreuse.
Ces neufs fondateurs de la troupe Sông Thu habitent dans l'arrondissement de Son Trà, à Dà Nang. «En 1997, on a fondé le Club de +tuông+ Duy Xuyên. Puis, on l’a renommé Sông Thu sous la direction de l’artiste émérite Van Phuoc Phô, se rappelle Thu Trang. En 2010, Van Phuoc Phô s’est retiré du théâtre, et je suis donc devenue la chef de troupe».
Le frère aîné de cette troupe familiale est déjà âgé de 60 ans, alors que le plus petit est Nguyên Cao Quôc Hung, 9 ans, fils de Thu Trang, qui a gagné le prix de «Jeune talent» au Festival national des œuvres théâtrales de l’auteur Tông Phuoc Phô, organisé en 2015 à Dà Nang.
Outre ces membres d'une même famille, la troupe attire aussi plusieurs autres artistes à collaborer avec elle.
Des difficultés compliquées à résoudre
En réalité, la troupe Sông Thu ne peut pas subsister uniquement grâce à ses représentations. Nguyên Ngoc Hoàng, un membre de la famille, partage que la troupe n’a pas de scène fixe, et interprète généralement où il y a des spectateurs. «Chaque séance nous permet de gagner seulement 100.000 à 200.000 dôngs chacun. Cette somme ne suffit pas pour vivre, mais nous nous contentons de ce que nous avons», déclare-t-il.
Ngoc Hoàng est aussi le couturier de la troupe. Il reçoit l’aide de ses neveux et nièces pour la conception des déguisements. Néanmoins, sa principale source de rémunération est dans la fabrication de papiers votifs, de faux billets d’argent funéraires. «Mes neuf frères et sœurs ont des métiers très variés : service funéraire, épicerie, "xe ôm" (transport de personnes à moto), tailleur…», informe-t-il. La vie peut sembler difficile pour ces artistes, mais une chose est sûre : ils ne renonceront jamais à leur passion pour le tuông.
La troupe possède seulement quatre microphones à côté de deux haut-parleurs à bas prix. «Heureusement, les gens sont indulgents pendant nos séances de représentation. Mais ça se complique pour la préparation des pièces de théâtre, partage Thu Trang. Par exemple, un costume standard d’un personnage historique peut coûter près de 30 millions de dôngs. Nous devons parfois emprunter les vêtements du théâtre Nguyên Hiên Dinh. Il nous arrive de faire appel à des scénarios d'autres grands artistes de la région…», raconte-t-elle.
Au fil de ses tournées, la troupe a enchaîné les succès. On peut citer ses différentes distinctions, ou encore les médailles d’or et d’argent accumulées lors de concours et festivals de théâtre. «Mon amour pour le +tuông+ est incomparable. Je ne veux pas le quitter, même si ma vie reste en difficulté», dit Thu Trang.
«Ma plus grande peur? C’est de m’apercevoir que la salle d’audience est vide, confie Ngoc Hoàng. À l’inverse, ma plus grande joie, c’est sûrement lorsque les spectateurs s’empressent d’assister à nos scènes», partage-t-il.
Surtout, la troupe peut être fière du jeune et talentueux Nguyên Cao Quôc Hung, fils de Thu Trang, qui est promis à une grande carrière. La situation n’est pas près de changer pour cette famille en amour avec le tuông.